2018 en dix titres

Comme à chaque fin d’année, il est amusant de faire le palmarès de nos coups de cœur. 2018 n’a pas été une année meilleure ni moins bonne que les autres. Elle a été parsemée de productions diversifiées, d’origines diverses et de films québécois étonnants en ce qui me concerne. Je vous rappelle qu’environ 400 nouveaux longs métrages se retrouvent dans nos salles de cinéma bon an, mal an. Dans le désordre, voici donc les 10 titres qui m’ont le plus marqué au cours des 12 derniers mois.

1- Phantom Thread : Paul Thomas Anderson a réalisé plusieurs très bons films. Celui-ci est définitivement mon préféré de sa déjà fort belle filmographie. Chaque scène de Phantom Thread démontre tout le doigté du cinéaste. Son talent est palpable dans chaque plan, dans chaque geste des personnages. Dans le rôle principal du tailleur, Daniel Day-Lewis termine sa carrière sur une très, très haute note!

2- À tous ceux qui ne me lisent pas : Yan Giroux réalise un premier long métrage touchant, qui réussit à parler de poésie avec beaucoup d’adresse. Martin Dubreuil y trouve le rôle de sa vie. Un film qui nous habite longtemps.

Chien de garde réalisé par Sophie Dupuis.

3- Chien de garde : Personne ne s’attendait à ce que Sophie Dupuis, avec ce premier long métrage, accouche d’un film intense comme celui-ci. Théodore Pellerin et Maude Guérin sont stupéfiants dans ce drame que l’on peut considérer comme le moment fort du cinéma québécois de 2018.

4- The Disaster Artist : Définitivement la comédie la plus drôle de 2018. Œuvre très référencée puisque pastichant (à peine) le tournage du cultissime navet The Room, ce film de James Franco est un petit bijou dans le genre.

5- Border : Sorti uniquement à Montréal en novembre, prévu au Clap en janvier, cette coproduction entre le Danemark et la Suède est l’une des plus belles et des plus étranges réalisations des derniers mois. Ali Abbasi a concocté un film touchant, épeurant, qui allie les belles qualités du thriller et du drame fantastique. On est encore sous le choc.

6- Le Redoutable : La relation douce et toxique entre Anne Wiazemsky et Jean-Luc Godard mise en scène dans un film aux couleurs de la Nouvelle Vague. Drôle et beau ! Réalisation : Michel Hazanavicius.

7- Qu’importe la gravité : Ce documentaire québécois est passé rapidement à Québec, mais c’est assurément mon coup de cœur dans cette catégorie en 2018. Deux Québécois dans la soixantaine entretiennent une relation particulière et entendent réaliser ensemble le rêve de l’un d’eux, soit de voler. Réalisation : Matthieu Brouillard.

8- Vice : Ce biopic sur Dick Cheney est jouissif. La réalisation est inventive à souhait et les acteurs, transformés, s’en donnent à cœur joie. Christian Bale, Amy Adams, Steve Carell et Sam Rockwell sont tout simplement formidables. Réalisation : Adam McKay.

9- BlacKkKlansman : Le grand retour de Spike Lee. Un film d’actualité, prenant, revendicateur et aussi fort divertissant. John David Washington et Adam Driver se complètent à merveille dans les deux premiers rôles d’enquêteurs infiltrateurs du Ku Klux Klan.

10- First Reformed : Paul Schrader a réalisé une œuvre puissante sur la foi, la culpabilité et le sentiment que l’humanité touche à sa fin. Ethan Hawke est remarquable dans le rôle d’un prêtre hanté par son passé, dépassé par les événements et qui tente de garder la foi.

First Reformed de Paul Schrader avec Ethan Hawke.

Dans mon top 20, ces titres auraient trouvé leur place : L’Atelier, First Man, Suspiria, Une femme fantastique, L’Insulte, A Quiet Place, Isle of Dogs, You Were Never Really Here, The Rider et Mandy.

Cinq films à rattraper : Sorry to Bother you, A Star is Born, Three Identical Etrangers, Green Book, If Beale Street Could Talk (qui sortira à Québec début janvier).

Michel Ocelot anime le Paris d’antan

Michel Ocelot est un nom trop peu connu des amateurs de films pour enfants malgré son expérience et son expertise dans le domaine. Pourtant, quel parent le moindrement curieux n’a pas emmené un enfant voir l’un de ses trois longs métrages mettant en scène le personnage de Kirikou ou encore n’est pas tombé sur la diffusion de ses œuvres à la télé durant la période des Fêtes? Le réalisateur français, aujourd’hui âgé de 75 ans, était de passage au Québec récemment pour faire la promotion de son nouveau long métrage d’animation, Dilili à Paris (en salle dès le 21 décembre). Voici ce qu’il avait à dire sur cette histoire d’une jeune immigrante à Paris au début du XXe siècle qui mènera, aux côtés d’Orel son compagnon se déplaçant en triporteur, une enquête sur des fillettes qui ont disparu mystérieusement.

Q : D’où vient le prénom de votre jeune héroïne, Dilili, aussi singulier et exotique que Kirikou?

Michel Ocelot, réalisateur

R: Je cherchais un prénom avec des syllabes qui auraient une belle consonance. C’est un exercice très difficile d’en trouver un qui n’existe pas encore. Il fallait de plus qu’on puisse l’associer à la culture kanake de la Nouvelle-Calédonie puisque ce sont les origines de Dilili.

Q : Votre film met en scène des personnages animés évoluant dans des décors qui sont en réalité des photos de Paris. Le tout donne un côté réaliste et nostalgique à votre film. Était-ce un défi technique plus grand?

R : On me pose souvent la question et j’étonne tout le monde en disant qu’au contraire, l’intégration des photos que j’ai moi-même prises de Paris a facilité la production. Ça allégeait la confection au final. L’idée derrière tout ça, c’était aussi de bien balancer cet univers sombre d’enlèvements avec un décor plus lumineux, plus inspirant. Je voulais faire un beau film qui parle de choses graves, car je crois toujours en l’humanité.

Q : Vous semblez prendre un malin plaisir à intégrer au récit de nombreuses figures populaires de l’époque (Marie Curie, Colette, Toulouse-Lautrec, Camille Claudel, Erik Satie). Qu’est-ce qui vous charmait dans cette idée?

R : Quand on explore cette période, on se rend compte qu’il y avait des génies à tous les coins de rue. Tout était à inventer, c’était une époque très florissante en arts, en littérature, en peinture, en sciences. Les célébrités qui se retrouvent dans mon film, je les aime. C’était très motivant de faire leurs portraits. Et ce qui est pratique, ils sont tous morts, donc personne n’a refusé d’apparaître dans mon film (rire).

Q : C’est seulement votre cinquième long métrage alors que Claude Chabrol, lui, par exemple, en réalisait cinq par année et…

R : Je vous interromps car là, vous retournez le fer dans la plaie, je vous promets que le prochain, je vais le faire très vite (rire).

Q : Le cinéma d’animation en Europe nous apparaît original, brillant et très vivant avec vos films, mais aussi avec des productions comme La Tortue rouge et Ma vie de Courgette. Est-ce quand même encore difficile de faire aboutir de tels films en 2018?

R : Il ne faut pas trop pavoiser, car le financement est toujours difficile à trouver. Le public est volage et dressé à aller voir les films américains. Mais c’est vrai, il y a de très beaux longs métrages d’animation européens qui ont été réalisés ces dernières années. Mais l’idée, c’est d’en faire le plus possible pour acquérir une expertise et toujours de meilleurs pour gagner le public.

 

 

 

Olivier Gourmet, gourmand de tournages

Olivier Gourmet dans L’Échange des princesses.

Né à Namur,, en Belgique, en 1963, Olivier Gourmet a fait ses débuts comme acteur au grand écran en 1996 dans La Promesse des frères Dardenne, cinéastes avec lesquels il tournera de nombreux films. Rapidement, le cinéma français le remarque et pour son physique et pour son talent naturel devant la caméra. Infatigable, on l’a vu depuis dans pas loin de 100 films, dont Congorama de Philippe Falardeau. Dès le 7 décembre, il sera à l’affiche de L’Échange des princesses de Marc Dugain, aux côtés de Lambert Wilson. Voici ce que le comédien avait à dire au sujet du film et de son amour des tournages.

Q : Olivier Gourmet, votre polyvalence est étonnante : héros, vilain, film belge ou français, récit d’époque ou contemporain, comédie ou drame, premier ou second rôle. Le nombre de productions auxquelles vous participez, lui, l’est encore plus, on parle de quatre à cinq films bon, mal an. Votre rythme est assez fou?

R : Tout le monde me le dit, mais au final, ce n’est pas tant de jours par année. C’est 150 jours environ de tournage, ça me laisse six mois pour vivre, disons normalement, et vous savez j’aime ça. Dès que je ne tourne pas, ça me manque, c’est presque viscéral. Le jeu me permet de m’amuser et j’y prends plaisir chaque fois que j’entends le mot moteur.

Q : Comment s’est déroulée votre collaboration avec le réalisateur Marc Dugain sur L’Échange des princesses, film qui raconte comment, en 1721, pour consolider leur paix, la France et l’Espagne  se sont échangé des princesses de douze et quatre ans ?

R : Marc m’a proposé le scénario, car il aimait les films dans lesquels j’ai joués. On a discuté du rôle du duc d’Orléans, un vrai manipulateur. Marc a un vrai regard  de cinéaste et il a beaucoup travaillé en amont avec les enfants du film. De mon côté, j’ai lu beaucoup sur ce personnage que je connaissais très peu au départ. Il a une perversité exacerbée et une soif de pouvoir. Dans l’ensemble, je pense que cette histoire d’échange de princesses, peu de gens la connaissaient. Même en France, ça n’a pas laissé de grandes traces, d’où l’importance de faire ce film.

Q : D’enfiler un costume, ça aide un acteur à mieux s’approprier un rôle?

R : Absolument. Chaque chose est importante sur un tournage. Il faut éviter le carnaval et la caricature quand on fait un film d’époque, mais ça donne le ton évidemment. Et ici, le résultat est magnifique. Le costume, c’est l’ossature du personnage. Les costumières nous aident beaucoup à trouver le vêtement juste qui mettra à l’avantage la personnalité du personnage. Les chaussures sont aussi très importantes, ça permet de créer une démarche propre au rôle.

Q : On vous verra aussi début 2019 dans Le Peuple et son roi et dans Edmond, deux autres films où vous portez aussi le costume d’époque. C’est un hasard?

R : Il y a des années comme ça où le hasard nous amène dans des univers similaires. J’ai fait plusieurs films politiques et de procès en même temps récemment et là je me transporte au XVIIIe et au XIXe siècle.

Olivier Gourmet dans Edmond.

Q : On vous verra ensuite, en 2019, dans Ceux qui travaillent puis dans J’accuse réalisé par Roman Polanski portant sur la célèbre affaire Dreyfus.

R : Ceux qui travaillent est un long métrage que j’aime beaucoup et dont je suis très fier. L’affaire Dreyfus, elle, a laissé de grandes cicatrices en France. Il y a toujours une sorte de rancœur liée à ça. Le tournage est lancé, mes scènes sont prévues en février pour ce film choral qui se terminera au printemps. Polanski a beaucoup de temps de tournage, c’est le luxe qu’il se paie. Aujourd’hui, les films se font souvent trop vite.

Q : Quel regard portez-vous sur le cinéma belge aujourd’hui, car vous faites partie de ce renouveau qui a marqué les années 90 (Benoît Poelvoorde, les Dardenne, Jaco Van Dormael, etc.)?

R : Il évolue encore et ouvre la porte à plein de nouveaux visages. Depuis vingt ans, on s’est ouvert à nos artistes de cinéma, à croire en notre talent. Il y a beaucoup de jeunes réalisateurs qui font leur place actuellement car, comme au Québec, on a une singularité créatrice, une volonté de se distinguer, de ne pas viser le consensus. Et ça, les institutions en Belgique qui financent les longs métrages belges l’ont bien compris, fort heureusement.