Cannes 2017 : au-delà des grands noms

Jeremy Renner dans Wind River

Ça y est, on connaît maintenant les titres de tous les films qui se retrouveront au Festival de Cannes du 17 au 28 mai prochain, et ce, dans les quatre sections habituelles : la Sélection officielle, Un certain regard, la Semaine de la critique, la Quinzaine des réalisateurs. Plusieurs grands noms de réalisateurs s’y trouvent pour accompagner leurs alléchantes nouveautés dont Michael Haneke, François Ozon, Noah Baumbach et Todd Haynes. Mais quelques films un peu plus obscurs attirent l’attention dans chacune des différentes sections du festival. Alors pendant qu’on tergiverse sur la présence souhaitable ou non de Will Smith parmi les membres du jury cannois de 2017, voici dix titres intrigants qu’on espère voir distribués au Québec au fil des prochains mois.

1- Okja : Long métrage produit exclusivement pour la plate-forme Netflix, Okja est la toute nouvelle création du réalisateur sud-coréen Bong Joon-ho (The Host, Snowpiercer). Il nous revient avec un récit relatant le combat d’une petite fille prête à tout pour empêcher une grande entreprise d’enlever son meilleur ami, un monstre kaiju. Tilda Swinton et Jake Gyllenhaal sont au générique.

2- Barbara : Alors que durant le même festival, Michel Hazanavius se penche sur Godard et que Jacques Doillon, lui, met en scène Rodin, l’acteur Mathieu Amalric fait aussi dans le biopic en s’intéressant à la carrière et au parcours de Barbara, mythique chanteuse des années 60, dans un long métrage plongeant Jeanne Balibar dans une mise en abyme narrative.

Nicole Kidman dans How to Talk to Girls in Parties

3-How to Talk to Girls at Parties : Quatrième oeuvre signée John Cameron Mitchell (Hedwig and the Angry Inch) qui adapte ici un étrange roman de science-fiction de Neil Gaiman avec entre autres Nicole Kidman. Cette dernière est d’ailleurs plus qu’en vitrine à Cannes cette année puisqu’on la verra aussi au générique des films de Sofia Coppola, de Yorgos Lanthimos et de la deuxième saison de la série télé de Jane Campion, Top of the Lake présentée en primeur sur la Croisette.

4- The Florida Project : Sean Baker (auteur du très beau Tangerine) met en scène ce drame campé dans un motel en banlieue de Disney World où vivent une gamine de six ans et sa mère. Tourné en 35 mm, le film profite déjà d’une rumeur très favorable. Willem Dafoe fait partie de la distribution.

5- Wind River : Film noir qui sortira dans nos salles en août prochain, Wind River dépeint l’enquête morbide d’un chasseur de coyotes et d’une agente du FBI à la suite du meurtre d’une adolescente en région montagneuse. Le long métrage est réalisé par Taylor Sheridan, scénariste de Sicario de Denis Villeneuve, et est mis en musique par Nick Cave et Warren Ellis.

6- A Prayer Before Dawn : Le Britannique Joe Cole (Green Room), qui vient de tourner sous la direction de Kim Nguyen, se retrouve au cœur de ce violent drame biographique réalisé par Jean-Stéphane Sauvaire et qui se penche sur la vie de Billy Moore, un jeune Britannique incarcéré dans une prison en Thaïlande. Pour survivre à cet enfer, Moore s’entraînera jusqu’à devenir un champion de la boxe muay thaï.

7- Good Time : Hérauts du cinéma indépendant new-yorkais, les frères Safdie nous présentent un thriller policier centré sur un vol de banque qui tourne mal et sur le plan d’évasion qui en découlera. Robert Pattinson et la trop rare Jennifer Jason Leigh y sont en vedette.

8- Un beau soleil intérieur : Claire Denis réalise et coscénarise avec Christine Angot cette histoire de mère monoparentale qui cherche à nouveau l’amour. Avec son impressionnant générique comprenant Juliette Binoche, Josiane Balasko, Gérard Depardieu et le chanteur Philippe Katerine, on doit  s’attendre à une oeuvre fort singulière comme nous y a habitué la réalisatrice de Trouble Every Day.

9- Jeannette, l’enfance de Jeanne d’Arc : L’incontournable Bruno Dumont (L’Humanité, P’tit Quinquin) nous offre ici sa vision de l’enfance de Jeanne d’Arc sous la forme d’une comédie musicale. C’est un peu comme si, au Québec, Denis Côté réinventait en musique et chansons la jeunesse de Madeleine de Verchères.

10- Bushwick :  Une seconde guerre civile américaine est sur le point d’éclater. Brooklyn est envahi par une force paramilitaire du sud des États-Unis. Les citoyens prennent les armes afin de défendre leur quartier. Voilà comment se résume l’action de Bushwick. En tête d’affiche, Brittany Snow donne la réplique au lutteur Dave Bautista (Drax dans Les Gardiens de la galaxie).

Enfin, rappelons qu’en provenance du Canada, les courts métrages Crème de menthe de David Philippe Gagné et de Jean-Marc E. Roy et Tesla : lumière mondiale de Matthew Rankin seront projetés durant la prochaine édition du Festival de Cannes. On se laisse avec le teaser surréaliste de Bushwick.

 

L’orgueil du nouveau cinéma britannique

Kill List de Ben Wheatley

Alors que le cinéma britannique peine à se distinguer depuis quelques années, il faudrait surveiller Free Fire (en français Hostiles et armés), qui prendra l’affiche vendredi à Montréal et Québec. Encore peu connu du grand public, son créateur Ben Wheatley est possiblement l’un des réalisateurs les plus en vue au Royaume-Uni actuellement, s’attirant de film en film une horde de fans de plus en plus grande surveillant attentivement son travail en marge des grandes productions hollywoodiennes.

Ben Wheatley, réalisateur, scénariste, monteur

Né en 1972 dans la grande banlieue londonienne, Wheatley est à la fois réalisateur, scénariste et monteur. Dans les années 2000, en compagnie de son amoureuse Amy Jump (qui deviendra sa coscénariste), il se fait un nom sur Internet grâce à plusieurs clips viraux qui l’amèneront à travailler pour la télé de la BBC à quelques reprises. Puis en 2009, il réalise son premier long métrage, Down Terrace, une comédie noire à petit budget, tournée en huit jours, mais qui profitera à la suite de son lancement d’un bouche à oreille favorable l’amenant à être distribué à l’échelle mondiale, même au Québec.

Fort du succès d’estime obtenu pour cette première réalisation, Ben Wheatley bosse rapidement sur un deuxième projet, Kill List, un thriller sombre, presque malsain, tablant sur un personnage central sanguinaire, un ex-militaire devenu tueur à gages qui se retrouve au cœur d’une enquête qui l’amènera à découvrir une secte au culte sacrificielle. Sorti en 2011, Kill List fait penser à The Wicker Man et à The Blair Witch Project, version polar post-traumatique.

Dès lors, les amateurs d’étrangetés filmiques s’arrachent le DVD, attendant avec impatience l’opus suivant du cinéaste qui est déjà annoncé, Sightseers, une comédie absurde et morbide qu’il lancera l’année suivante en 2012. Au même moment, on fait aussi appel à son talent de metteur en scène en lui offrant la réalisation de l’un des sketches du long métrage d’horreur The ABC’s of Death, ce que Wheatley fera tout en planchant sur A Field in England, (hélas toujours inédit ici), un long métrage historique et cruel scénarisé par sa conjointe. Les deux années suivantes, Wheatley les passe à produire le projet le plus ambitieux de sa jeune carrière, soit High-Rise, l’adaptation filmique (encore scénarisée par Amy Jump) du livre dystopique éponyme de l’auteur J. G. Ballard (Crash). Dans cette production d’anticipation teintée de psychédélisme, la direction artistique et la direction photo sont tout simplement époustouflantes. Aux côtés de Sienna Miller, d’Elisabeth Moss et de Jeremy Irons, Tom Hiddleston se retrouve au centre d’une histoire vertigineuse dans un immeuble où tous les personnages qui y vivent disjonctent tour à tour dans un contexte très seventies.

La réputation de Ben Wheatley n’est maintenant plus à faire dans le milieu. Avec sa bande-annonce sous tension, sa nouvelle réalisation Free Fire rappelle l’univers des films de gangsters des années 70 et aussi, de par son lieu de tournage, un entrepôt, le Reservoir Dogs de Tarantino. L’histoire tourne autour d’une transaction d’armes qui vire à la fusillade. Brie Larson (Room), Cillian Murphy, Sam Riley et Armie Hammer sont au générique du film que les amateurs de sensations fortes ont bien hâte de déguster.

Cézanne, Zola et Rabbi Jacqueline

Guillaume Gallienne et Guillaume Canet dans Cézanne et moi réalisé par Danièle Thompson

Les films historiques français ont souvent la cote auprès des spectateurs autant en France qu’ici. Encore plus quand ils ont une saveur biographique. Dans la dernière réalisation de Danièle Thompson, Cézanne et moi (en salle le 21 avril), nous avons même droit à deux récits biographiques historiques, celui du peintre Paul Cézanne et celui de l’écrivain Émile Zola, tous deux unis par une amitié forte s’étalant sur de nombreuses années à la fin du XIXe.

Guillaume Canet prête ses traits à Zola et Guillaume Gallienne (révélé dans Les Garçons et Guillaume, à table! et dans Yves Saint Laurent) à Cézanne. Rencontrés récemment lors des entrevues promotionnelles organisées par UniFrance, Gallienne et Danièle Thompson affirment tous deux que cette longue amitié méconnue méritait certainement d’être transposée au cinéma à cause de  sa couleur particulière, du caractère bouillant des deux artistes ayant marqué leur époque et de par leurs destinées opposées. En effet, le talent de Cézanne fut reconnu après son décès alors que Zola, lui, était depuis longtemps devenu un incontournable du milieu littéraire français.

Voici ce qu’avait à ajouter la réalisatrice Danièle Thompson sur son sixième long métrage, elle qui a aussi scénarisé près de vingt films dont La Grande Vadrouille et Les Aventures de Rabbi Jacob réalisés par son défunt père Gérard Oury.

Édition Le Clap : Qu’est-ce qui vous intéressait à la fois chez Cézanne et chez Zola pour en faire un film?

Gallienne et Thompson en plein tournage

Danièle Thompson :  Leur amitié avant tout. Mon film, ce n’est pas purement et simplement un biopic, mais plutôt l’histoire de cette amitié entre deux hommes à travers un long tronçon de vie, de l’enfance jusqu’à la fin de la quarantaine. Ce sont deux grands artistes du XIXe, le plus grand siècle pour ce qui est de la littérature et de la peinture en France. C’est à la fois un récit sur la difficulté de garder l’amitié, un problème aussi difficile que de garder l’amour très longtemps parce que l’amour est une fusion entre deux personnes. Mais l’amitié, elle, est pleine d’embûches avec ce que la vie apporte comme choix politiques, artistiques, amoureux, et professionnels et qui peuvent tous nous séparer.

É.L.C. : Cette amitié unit deux artistes qui ne viennent pas du même milieu et qui ne vivront pas au même moment la reconnaissance du public et de leurs pairs. Ça devient le moteur du film, non?

D.T. : Oui, car les deux trajectoires sont vraiment intéressantes. L’un vient d’un milieu bourgeois, l’autre d’un milieu crève la faim et pourtant les destinées de Cézanne et de Zola vont s’inverser. Zola va vivre de sa plume et se plaira à devenir peu à peu bourgeois. Cézanne lui, se marginalise, il rejette l’aristocratie et vit dans une quasi-misère. Tout est inversé. Le succès vient rapidement à l’un et ne viendra jamais à l’autre de son vivant. Il faut dire qu’avec son caractère, ce n’était pas facile d’apprécier Cézanne. Aujourd’hui, on le mettrait dans la catégorie des personnes bipolaires. De plus, son art était incompris. Zola, lui, vivra aussi des difficultés, mais plus tard avec l’affaire Dreyfus, une histoire qui a divisé la France de l’époque et qui l’obligera à s’exiler. D’ailleurs, sa mort serait peut-être en réalité un assassinat. Mais bref, ce sont deux êtres dotés d’une grande force artistique et d’une touchante fragilité. C’est ce que je voulais aborder dans mon film.

É.L.C. : Récemment, vous avez fait la manchette quand les médias ont annoncé que vous planchiez sur Rabbi Jacqueline, la suite de Rabbi Jacob. Qu’en est-il?

D.T. : Ce n’est pas un Rabbi Jacob 2, mais une suite distancée se déroulant 40 ans plus tard avec au centre un personnage féminin. Jul, mon coscénariste (scénariste des nouvelles BD de Lucky Luke), et moi avons imaginé ce qui se passerait aujourd’hui avec les enfants et les petits-enfants des personnages du film, de Victor Pivert, de Slimane, de la famille Schmoll et de Rabbi Jacob, tous évoluant dans le monde d’aujourd’hui. Ce sera évidemment très différent de l’époque du premier, et ce, même si certains conflits sont toujours actifs. La civilisation moderne avec ce mélange des communautés est toujours un fort beau sujet, mais c’est aussi un domaine très complexe. J’ai écrit Rabbi Jacob à l’époque avec mon père et on a bossé comme des malades sur le scénario, donc je sais que ce qui nous attend et ce n’est pas simple. Les gens aiment tant ce film, c’est un petit chef-d’œuvre, c’est devenu un monument historique du cinéma, alors nous devons faire très attention en réalisant Rabbi Jacqueline. Le scénario n’est pas encore terminé et on s’entend pour dire qu’on ne le tournera que si on est entièrement satisfait de l’histoire.

Avril au grand écran

Poésie sans fin, film réalisé par Alejandro Jodorowsky

Que nous réserve le mois d’avril en nouveautés cinématographiques? Avril, un mois qui précède l’invasion américaine composée de blockbusters estivaux et qui laisse place à des œuvres disparates mais qu’il ne faudrait pas mettre de côté pour autant, car les surprises peuvent être nombreuses. Voici dix titres sélectionnés pour ce mois qui verra aussi sortir au grand écran le huitième volet de Fast and Furious 8, l’étonnant documentaire La Sociologue et l’ourson et deux drames québécois multiculturels, L’Autre Côté de novembre et Boost.

1- L’Économie du couple : Voilà un drame touchant, parfois cruel et dérangeant, porté par deux acteurs formidables, Bérénice Bejo et Cédric Kahn. Un couple se sépare. Au cœur de cette rupture, il y a les enfants, la maison et aussi, inévitablement, une question d’argent. Une réalisation empreinte d’humanisme. Date de sortie prévue : 7 avril.

Antoine Bertrand et Omar Sy dans Demain tout commence

2- Demain tout commence : Omar Sy insuffle une belle dose d’énergie  et de tendresse à son personnage de séducteur qui doit apprendre à devenir un père de famille attentionné dans cette réalisation d’Hugo Gélin (fils de Daniel). Antoine Bertrand s’amuse à livrer des répliques avec accent français dans cette jolie comédie douce amère tournée à Londres. Date de sortie prévue : 7 avril.

3- C’est le cœur qui meurt en dernier : Adaptation d’un roman de Robert Lalonde, ce film d’Alexis Durand Brault (La Petite Reine) pénètre dans l’univers d’un auteur dont le roman biographique dresse le portrait d’une famille meurtrie par un lourd secret. Au cœur de ce drame, Denise Filiatrault incarne avec beaucoup de panache et de drôlerie une aînée acariâtre aux prises avec la maladie d’Alzheimer. Date de sortie prévue : 14 avril.

4- X Quinientos (X500): Cette coproduction réalisée par Juan Andrés Arango (La Playa DC) a été tourné en Colombie, au Mexique et au Canada, autour de trois personnages à la recherche d’une identité propre. Avec ses images de l’underground latino-américain, le film navigue avec brio entre la fiction et le documentaire. Date de sortie prévue : 14 avril.

5- Poésie sans fin : Alejandro Jodorowsky est de retour avec cette suite de La Danse de la réalité. Jodo nous raconte son adolescence à Santiago, au Chili, à travers sa découverte de la poésie et ses différentes rencontres artistiques locale dans le Chili du milieu du XXe siècle. Des scènes teintées de réalisme magique et un humour absurde autour des déshérités du monde sont au rendez-vous. Date de sortie prévue : 28 avril

6- Colossal : Une jeune femme constate qu’elle est interconnectée à un monstre géant qui est en train de détruire Tokyo. Anne Hathaway se retrouve aux côtés d’un Godzilla de pacotille dans cette comédie fantastique signée par l’Espagnol Nacho Vigalondo. On est franchement curieux de voir le résultat! Date de sortie prévue : 21 avril.

7-F ree Fire (Hostiles et armés) : Le Britannique Ben Wheatley est en train de devenir l’un des cinéastes les plus originaux et prisés du moment. Naviguant aussi bien dans la comédie, le film noir ou d’anticipation, Wheatley nous présente cette fois-ci une œuvre carabinée qui rappelle avec sa bande-annonce sous tension le Reservoir Dogs de Tarantino ou les premiers films de Guy Ritchie. Date de sortie prévue : 21 avril.

8- The Lost City of Z : James Gray adapte le roman d’aventures de David Grann, une épopée amazonienne des plus mystérieuses avec, à son générique, Charlie Hunnam (Sons of Anarchy) et Robert Pattinson. Le film le plus intrigant du printemps. Date de sortie prévue : 21 avril.

9- The Promise : Christian Bale, Oscar Isaac et Charlotte Le Bon sont regroupés dans cette fresque d’aventure romanesque située en 1922 dans l’Empire ottoman. Un scénario qui peut goûter la guimauve, mais des interprètes qu’on adore, fort heureusement. Date de sortie prévue : 14 avril.

10- Dalida : Lisa Azuelos (la fille de Marie Laforêt) a concocté un long métrage biographique littéralement porté par le rythme des plus grands succès de la défunte chanteuse. Gloire internationale sur fond d’amours tristes, voilà en résumé l’histoire de cette idole de la chanson. Date de sortie prévue : 28 avril.