Décembre 2018 en 10 films

La Course des tuques

Décembre est un mois de mixité puisque entre la horde de films divertissants des Fêtes, les œuvres plus oscarisables s’y insèrent à souhait. Au fil des prochaines semaines, on sera donc curieux de voir le dernier Clint Eastwood intitulé The Mule, Ben is Back avec Julia Roberts, Le Retour de Mary Poppins, la comédie Holmes and Watson et la plus récente Palme d’or cannoise Une affaire de famille. Les effets spéciaux et les films d’animation seront aussi à l’honneur avec Mécaniques fatales, Bumblebee, Aquaman le superhéros à la longue tignasse, Spider-Man et la dernière œuvre de Michel Ocelot, Dilili à Paris. Au-delà de ces titres, voici les dix films que je vous suggère fortement de mettre à votre agenda au mois de décembre.

1- La Course des tuques : L’unique film québécois à prendre l’affiche ce mois-ci en est un d’animation, soit la suite de la refonte fort réussie de La Guerre des tuques de 2015. Du plaisir en famille à prévoir, oh que oui!

2- The Favourite (La Favorite) : Yórgos Lánthimos propose toujours des films étonnants. Celui-ci semble être son plus accessible et son plus drôle. Des actrices de talent (Rachel Weisz, Emma Stone et Olivia Colman) s’envoient des répliques acidulées dans le contexte de l’Angleterre du XVIIIe siècle. On a hâte.

3- En liberté : Depuis sa présentation à Cannes, des critiques affirment qu’il s’agit de la comédie la plus drôle de l’année en France. Chose certaine, cette nouvelle réalisation de Pierre Salvadori est portée par un ton unique, teintée d’absurdité et de tendresse, où le remords côtoie le désir.

4- Welcome to Marwen (Bienvenue à Marwen) : Un illustrateur victime d’amnésie après une agression décide de façon thérapeutique de se lancer dans la confection d’un village miniature peuplé de nombreuses figurines. Un film fantaisiste parfait pour Noël, mis en scène par Robert Zemeckis et avec Steve Carell dans le rôle principal.

5- Plaire, aimer et courir vite : Christophe Honoré, dont on avait adoré Les Chansons d’amour, est de retour avec un drame touchant se déroulant en 1990 autour d’un auteur parisien qui tombe amoureux d’un jeune homme rencontré en région. Pierre Deladonchamps et Vincent Lacoste y sont formidables.

6- Vox Lux : L’histoire d’une vedette de la musique pop échelonnée sur une quinzaine d’année. Natalie Portman et Jude Law sont au générique de ce film aux images intrigantes à souhait.

7- Vice : Dans ce long-métrage, Christian Bale est méconnaissable dans la peau du stratège politique américain Dick Cheney pendant que Sam Rockwell devient George W. Bush. La bande-annonce est irrésistible.

8- Un homme pressé : Fabrice Luchini est de retour au grand écran où il interprète un homme d’affaires dont la santé vacille et qui devra repenser sa façon de vivre et de concevoir la vie.

9- Mary, Queen of Scots (Marie, reine d’Écosse) : Margot Robbie et Saoirse Ronan jouent Élisabeth 1re et Mary Stuart dans ce drame historique épique.

10- At Eternity’s Gate (À la porte de l’éternité) : Willem Dafoe prend les traits de Vincent Van Gogh dans cette fresque réalisée par Julian Schnabel relatant les dernières années de la vie du célèbre peintre hollandais.

À tous ceux qui doivent voir ça!

Après quelques documentaires et courts métrages, Yan Giroux propose son premier long métrage de fiction intitulé À tous ceux qui ne me lisent pas, un film qui se concentre sur la vie de bohème du défunt poète québécois Yves Boisvert. Méconnu du grand public, ce cofondateur du Festival de poésie de Trois-Rivières est décédé en 2012 après avoir publié une cinquantaine d’ouvrages dont Les Chaouins, en collaboration avec son amoureuse Dyane Gagnon. Leur relation amoureuse – et créatrice – sert de base au scénario consigné par le romancier Guillaume Corbeil. Martin Dubreuil joue le poète, Céline Bonnier sa muse. De passage à Québec, le quatuor a donné des détails sur la fabrication de ce film beau et surprenant qui prend l’affiche au Clap le 23 novembre.

Yan Giroux, cinéaste.

Yan Giroux : « Yves a laissé une trace particulière dans ma vie. Je l’ai rencontré adolescent et il a changé mon parcours. Le film est né au moment où Yves était malade. Je voulais faire un documentaire et finalement, en rencontrant Guillaume, on s’est lancé dans l’aventure de fiction. On a voulu transcender les clichés autour du poète maudit avec de l’humour et de la vivacité. Sa vie, c’était aussi un combat contre la souffrance. Martin Dubreuil a un parcours plus rough et un background plus intéressant que bien des acteurs au Québec et ça, ça paraît à l’écran, ça sert le personnage. C’est pourquoi on l’a choisi parmi plus de 30 acteurs vus en audition. Je pense que présentement la poésie a un regain de popularité en milieu urbain. L’ère est propice à un retour de la poésie dans nos vies. Les gens ont envie, je crois, de voir du monde qui se bat pour ce qu’on pourrait appeler l’idée de la beauté. »

Guillaume Corbeil : « C’est librement inspiré de la vie d’Yves Boisvert et c’est davantage transmettre sa pensée, en fait, qu’on voulait reproduire à l’écran. On voulait se questionner sur le rôle du poète, son combat, les questions qu’il pose, qu’il nous renvoie. Le jour même où la SODEC nous a confirmé son appui financier,  j’ai croisé Martin Dubreuil dans la rue avec sa Old Milwaukee à 14 h de l’après-midi. Le déclic a été instantané. Martin correspondait parfaitement au rôle. Ha, ha! Ce film est un pari, car faire un film sur un poète, c’est risqué. La réponse des gens qui le voient jusqu’à présent est formidable. Mais c’est vrai qu’à la base, un tel sujet, c’est moins vendeur alors il faut travailler plus fort pour donner envie aux « moldus » de venir voir ce long métrage. »

Céline Bonnier, Henri Picard et Martin Dubreuil.

Céline Bonnier: « Dyane, c’est la femme qui a accompagné Yves les vingt dernières années de sa vie. Hier, à Sherbrooke, je l’ai rencontrée pour la première fois. Je lui disais que je la voyais comme une femme enracinée, tout le contraire d’Yves en fait. Elle m’a répondu et c’est un drôle de hasard, qu’Yves l’appelait justement « toé, l’enracinée ».  Le film évoque la vie d’un poète québécois d’aujourd’hui, mais il offre surtout un regard sur ce qu’on est en train de construire comme monde. Ça pose un regard sur le monde trop formaté dans lequel on vit et de l’art qui peut nous changer; le tout avec une grande simplicité et des images très poétiques. »

Martin Dubreuil : « Je me suis rapidement reconnu dans ce personnage. Comme lui, j’ai déjà eu un mode de vie nocturne avec tout ce qui vient avec. Je savais, en tournant les scènes, comment on se sent dans le milieu des arts ou des bars, je connaissais ces situations. Je n’ai pas connu personnellement Yves Boisvert et pourtant, on fréquentait le même monde et les mêmes endroits. Le film a plusieurs couches et il faut le voir pour bien comprendre l’esprit, car tenter de le résumer, c’est difficile. Il faut vivre l’expérience. »

Des bios à la tonne!

Viggo Mortensen et Mahershala Ali en vedette dans Green Book.

Le site Web dédié au cinéma Indiewire a récemment mis en ligne un article sur les films biographiques ayant marqué le cinéma. Amadeus, Walk the Line, Malcom X, La Liste de Schindler, My Left Foot, 32 films brefs sur Glenn Gould, Lawrence d’Arabie, Raging Bull, Persepolis, Bonnie and Clyde, Camille Claudel, I’m Not There, les titres biographiques mémorables sont nombreux et prennent toutes sortes de formes, du drame d’aventure grandiose au récit plus intimiste et personnel. La liste n’est pas exhaustive, loin de là, mais elle nous rappelle à quel point ce genre est toujours populaire auprès des cinéphiles.

On a beau recenser sur les écrans des tonnes de films de superhéros, une pléthore de drames historiques et de productions aux effets spéciaux foisonnants, les biographies ont encore la cote dans le paysage cinématographique en 2018. La preuve, voici en résumé les biopics (comme disent les Français) qui prendront l’affiche d’ici la fin de l’année, excluant des œuvres sorties récemment comme First Man et Bohemian Rhapsody.

Green Book : L’histoire du pianiste de jazz Don Shirley et de son chauffeur privé. Mahershala Ali pianote dans le sud des États-Unis dans ce long métrage réalisé par Peter Farrelly.

À tous ceux qui ne me lisent pas : Au Québec aussi on aime les bios, de Louis Cyr à La Bolduc. Ce premier long métrage de Yan Giroux s’attarde à la vie de bohème du défunt poète Yves Boisvert (joué par le formidable Martin Dubreuil). Et le résultat est tout simplement beau!

Willem Dafoe dans le rôle de Van Gogh

– A Private War : Dans ce drame, Rosamund Pike interprète Marie Colvin, la célèbre reporter de guerre au cache-œil qui s’est notamment retrouvée au cœur de la révolution syrienne.

At Eternity’s Gate : Après Tim Roth, Kirk Douglas et Jacques Dutronc, c’est maintenant au tour de Willem Dafoe d’incarner le célèbre peintre Van Gogh.

Mary Queen of Scots : Margot Robbie devient Elizabeth 1re et Saoirse Ronan incarne Mary Stuart dans cette fresque épique.

Un homme pressé : Dans le rôle d’un homme d’affaires insensible, Fabrice Luchini tente de changer radicalement son mode de vie. Le scénario s’inspire des mésaventures du magnat français Christian Streiff.

Vice : Christian Bale se transforme physiquement pour mieux devenir l’homme politique Dick Cheney dans cette satire filmique où Sam Rockwell emprunte quant à lui les traits de George W. Bush.

The Front Runner : L’ancien sénateur démocrate Gary Hart est incarné ici par Hugh Jackman. La carrière de ce politicien avait été éclaboussée par des accusations d’adultère lors des élections présidentielles de 1988.

À ces titres, on aurait pu ajouter The Favourite et L’Échange des princesses qui, sans être purement biographiques, s’intéressent la vie de personnalités royales chacun à leur façon. On se laisse avec la bande-annonce de On the Basis of Sex, film qui raconte les débuts professionnels de la juge Ruth Bader Ginsburg (jouée par Felicity Jones) qui se retrouvera à la Cour suprême des États-Unis.

L’équipe de rêve de Gilles Lellouche

Quand on regarde l’affiche de la comédie dramatique Le Grand Bain, film qui sort en salle le vendredi 9 novembre, au Clap, on se demande comment son réalisateur, Gilles Lellouche (mieux connu comme acteur), a pu réunir une telle brochette d’acteurs au cœur de cette aventure aquatique?

Au générique, on retrouve Guillaume Canet, Benoît Poelvoorde, le chanteur Philippe Katerine, Jean-Hugues Anglade, Mathieu Amalric, Marina Foïs, Virginie Efira, Noée Abita, Leïla Bekhti, Félix Moati, Jonathan Zaccaï et Mélanie Doutey. Une vraie dream team pour un cinéaste qui, lors de son passage au Québec, avoue avoir été un peu angoissé peu avant d’entreprendre le tournage de cette comédie dramatique tournant autour d’une équipe masculine de nage synchronisée.

Éditions Le Clap : Réunir autant d’acteurs connus ou renommés au sein d’un même film le condamnait-il inévitablement à un grand succès une fois lancé en salle?

Gilles Lellouche, réalisateur.

Gilles Lellouche : Oui et non. Mon casting est inhabituel surtout. J’ai réussi à regrouper des acteurs connus du grand public, Guillaume Canet et Benoît Poelvoorde notamment, mais aussi d’autres qui viennent d’univers différents comme le cinéma d’auteur pour Mathieu Amalric et Philippe Katerine qui a un genre musical, disons, bien à lui. Que le grand public en général embarque, ça, ça me fascine. C’est assez inédit. On a fait en deux semaines plus de 2 millions et demi d’entrées en France, ce qui est énorme! Je suis réellement surpris et ça me fait vraiment plaisir.

ÉLC : Votre film relate l’aventure d’une équipe masculine de nage synchronisée formée d’hommes au mitan de leur vie dont certains sont au bord de la dépression. C’était important pour vous d’avoir cet angle dramatique?

GL : Je suis sensible à la société dans laquelle je vis. Je regarde ce qui se passe autour de moi. Je suis un privilégié et les gens qui luttent, ceux qui n’ont pas eu ma chance me touchent. J’ai des copains avec qui j’ai étudié qui n’ont pas connu la célébrité au cinéma. Certains ont vu leur rêve s’envoler. C’est dur. Le personnage de musicien joué par Jean-Hugues Anglade vient de cette réflexion.

ÉLC : Poelvoorde et Katerine sont deux phénomènes en soi. De les diriger sur un tournage, est-ce chose facile?

GL: Ça s’est très bien passé même si je dois avouer que dans les deux cas, ils ont des personnalités très juvéniles. Ce sont comme des enfants qui aiment jouer, qui voient leur travail comme une partie de plaisir. Et personne ne s’est ennuyé sur mon tournage, on était une joyeuse bande. En plus, Benoît, dans l’eau, il se débrouillait très bien, car il avait été sauveteur dans sa jeunesse.

ÉLC : Justement, tourner un film de chorégraphies aquatiques avec des acteurs qui ne sont pas des experts nageurs au départ, ça ne vous a pas angoissé?

GL : L’angoisse, je l’ai ressentie deux semaines avant le début du tournage. Là, je voyais que ce serait concret, que tout le monde y serait et qu’il fallait éviter les dégâts. Je devais diriger tout ce beau monde, seul. Heureusement, l’équipe a été formidable. Le pire, j’avais un comédien (Thamilchelvan Balasingham) qui ne savait même pas nager. C’était la cerise sur le gâteau. Lui, il a eu une double ration de piscine. Vous savez, tout le monde s’est entraîné comme des dingues. On s’est lancé un peu naïvement dans cette aventure, avec un grand don de soi. Au final, il fallait être motivé, je l’avoue.

ÉLC : Le film connaît un tel succès depuis son lancement en France, qu’il est facile de penser qu’un producteur va vous inciter à concocter une suite, non?

GL : Ha, ha! Je ne crois pas parce que l’avantage de mon film, c’est que c’est un instantané sur un groupe de personnes. On est amené dans leur vie et après, c’est terminé. Faire un second Grand Bain, je n’en vois pas l’intérêt. Je vais tourner la suite des Petits Mouchoirs de Guillaume Canet et dans ce cas-là, j’avoue que c’est différent parce que c’est la chronique d’une bande d’amis. Le Grand Bain, au contraire, ce sont des personnes qui se rencontrent à cause de la nage et après ils repartent chacun dans leur monde.

ÉLC : Comme acteur, on vous verra bientôt dans Pupille réalisé par Jeanne Herry, un film sur l’adoption. Pourquoi devrions-nous le voir au cinéma?

GL : Quand vous allez voir Pupille, vous comprendrez l’importance de payer des impôts. Ça parait étrange, mais je m’explique… Dans ce film, on assiste à tous les efforts d’une chaîne humaine incroyable pour faire en sorte qu’un bébé abandonné à la naissance trouve un nouveau foyer. Moi, je n’avais jamais pensé qu’il y a des gens, payés par l’État, qui sont dévoués à ce point. C’est un film bouleversant de beauté et d’amour.