10 films à surveiller pour la rentrée

La rentrée, de mémoire, m’a toujours rendu fébrile. Au départ, elle était scolaire; puis, elle a représenté, avec les années, la fin des vacances, les journées qui raccourcissent et les heures intensives au boulot à préparer la saison automnale et celle de l’hiver qui suivra. Dans les domaines journalistique et culturel, la rentrée est aussi intense qu’elle peut l’être dans les écoles. Au cinéma, elle signifie l’arrivée sur les écrans de films aux contenus moins « superhéroïques »,  aux trames narratives « oscarisables »  et plus audacieuses. C’est du moins, et avec raison, ce que les distributeurs, calendrier de sorties à l’appui, mettent de l’avant avec insistance.

Depuis près de vingt ans, pour mieux m’informer sur cette rentrée, j’achète à la fin d’août le numéro spécial du magazine Entertainment Weekly, le « Fall Movie Preview », qui dresse le portrait des 100 films qui seront lancés en Amérique du Nord de septembre à Noël. Ayant épluché avidement la liste du EW tout en jetant un œil attentif aux films québécois et internationaux qui prendront l’affiche sur notre territoire, j’attire, humblement, votre attention sur dix films qui seront à surveiller et qui se retrouveront au grand écran en septembre et en octobre. J’ai cependant délibérément laissé de côté Mommy de Xavier Dolan, car on a tout dit à son sujet, et Birdman, réalisé par Inarritu et mettant en vedette Michael Keaton, parce qu’il a fait l’objet d’un texte précédent sur ce blogue.

1- Le film The Maze Runner est assez alléchant. Adapté d’une trilogie littéraire, il vise la même clientèle que celle de The Hunger Games, joue dans les mêmes eaux dystopiques et mise sur de jeunes comédiens évoluant dans des décors futuristes inquiétants. En plein le genre d’univers qui m’attire mais qui, au final, risque d’être décevant, L’Âge de cristal et Gattaca n’étant pas des films faciles à égaler.

2- Le Grand Cahier, une autre adaptation provenant d’une trilogie littéraire, celle d’Agota Kristof, intrigue à souhait. Cette histoire de jumeaux habitant chez leur grand-mère et qui apprennent cruellement à survivre dans un pays dévasté a marqué bien des esprits. À l’image de nombreux romans mythiques, on a toujours aimé croire que Le Grand Cahier serait inadaptable. Le film, d’origine hongroise, sortira en Amérique du Nord sous le titre The Notebook.

3- Maps to the Stars, c’est le titre du plus récent long métrage de David Cronenberg. Comme pour un Lynch ou un Von Trier, un Cronenberg ne se rate tout simplement pas; surtout qu’ici, le maître canadien explore la déchéance hollywoodienne autour d’une Julianne Moore qu’on dit aussi sublime qu’abjecte.

4- S’il y a une œuvre réalisée par un cinéaste québécois qui risque de se planter royalement (ce qu’on ne souhaite pas, mais bon…), ce sera sûrement celle de Jean-François Pouliot intitulée Dr. Cabbie. Le réalisateur derrière La Grande Séduction s’intéresse ici à un médecin devenu chômeur qui transforme son taxi en clinique mobile, le tout au son d’airs bollywoodiens et disco. Voir la bande-annonce est un exercice pénible, on craint donc la version longue…

5- La Légende de Manolo, version française de The Book of Life, semble être le film destiné à toute la famille. Ce long métrage d’animation poussera son jeune héros, Manolo, à affronter ses peurs, et ce, à travers trois mondes fantastiques. Les couleurs sont vives, les personnages colorés, bref on a l’eau à la bouche.

6- Kevin Smith est l’homme derrière Clerks. Depuis, il a ses hauts et ses bas comme réalisateur, mais il a des fans irréductibles qui apprécient son humour ado de geek de dépanneur. Avec Tusk (ne pas confondre avec le film du même titre de Jodorowsky), Smith s’aventure dans une enquête loufoque autour de la disparition d’un homme vêtu d’un costume de morse. Johnny Depp y joue le rôle d’un enquêteur d’origine québécoise du nom de Guy Lapointe. Bizarre, dites-vous… Ne manquent que Larry Robinson et Serge Savard pour compléter le tableau!

7- Jessica Chastain est partout, elle tourne plus vite que son ombre, dirons-nous, et est sollicitée par les plus grands cinéastes. Dans la trilogie The Disappearance of Eleanor Rigby, elle est au cœur d’une histoire de couple qui se désagrège. James McAvoy, le professeur X des X-Men, lui donne la réplique dans cet étrange concept autour d’une passion amoureuse new-yorkaise qui se fane au fil du temps.

8- 2 temps, 3 mouvements est une coproduction qui a été tournée dans le quartier de Vanier, chose rare s’il en est une. Un jeune Français, immigré depuis peu à Québec, est témoin du suicide d’un de ses compagnons de classe. Obsédé par cet incident mortel, il veut en savoir davantage sur ce qui a pu inciter le garçon à se jeter dans le vide du haut du toit de l’école secondaire. Belle prémisse et des scènes tournées à Vanier : juste pour ça, on ira voir le film, en attendant d’avoir une date de sortie officielle pour Limoilou – Le film (aussi tourné à Québec), tous deux présentés en primeur au Festival de cinéma de la Ville de Québec.

9- J’ai tellement aimé Rendez-vous et Les Roseaux sauvages! André Téchiné est un metteur en scène que j’estime et qui est assurément dû pour nous offrir un nouveau film inoubliable, lui dont les dernières œuvres ont été plutôt décevantes. Avec L’Homme qu’on aimait trop, il a tout pour nous séduire : une intrigue tordue inspirée d’une histoire vraie et une distribution de choix avec Guillaume Canet, Catherine Deneuve et Adèle Haenel (vue dans Suzanne), le tout avec en fond sonore la musique de Benjamin Biolay. Avec Gemma Bovery mettant en vedette Fabrice Luchini, c’est le film français qu’il faut voir.

10- Enfin, parce que j’aime Nick Cave, parce que j’aime sa voix, son image, ses textes et sa musique sombre et romantique, je ne manquerai pas 20,000 Days on Earth, un pseudo-documentaire sur son quotidien d’artiste torturé, passionné, et père de famille aimant.

Sur ce, je vous laisse avec quelques bandes-annonces et vous souhaite évidemment une « mosus » de belle rentrée cinématographique!

Woody, Trogi et Nicole

 

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1987, réalisé par Ricardo Trogi

Dans le calendrier annuel des sorties en salle, certains mois sont considérés comme plus intéressants que d’autres. Stratégiquement parlant, les distributeurs de films reluquent les mois de mai, juin, juillet, novembre et décembre pour lancer des œuvres rassembleuses,  » oscarisables  » et suscitant de grandes attentes. Le mois d’août, lui, a longtemps été mis dans l’équipe des parents pauvres. Est-ce encore le cas aujourd’hui alors que se retrouvent sur nos écrans ce mois-ci 1987, l’un des films québécois les plus divertissants de l’année et Magic in the Moonlight, le « Woody Allen nouveau », drôle, léger et ensoleillé ?Magic+in+the+Moonlight

Si le mois d’août est encore perçu comme un poids plume dans l’agenda de sorties en sol nord-américain, c’est surtout la faute de nos voisins du Sud qui profitent de cette période pour se débarrasser des comédies bancales et des films relevant du cinéma de genre qui traînent dans leur catalogue depuis quelques mois.

Au Québec, la bidonvilledonne de la distribution est légèrement différente. La preuve, la sortie prochaine d’Yves Saint Laurent,  œuvre à la direction artistique éblouissante réalisée par Jalil Lespert, celle du très beau et très instructif documentaire Bidonville : architectures de la ville future et aussi celle, à la fin du mois, de Tu dors Nicole, plus récent film de Stéphane Lafleur qu’il ne faut surtout pas rater. Son troisième opus, après Continental, un film sans fusil et En terrains connus, est une sorte d’ovni carburant à l’humour absurde et abordant le quotidien estival plutôt morose d’une adolescente. Avec son allure intemporelle, tourné en noir et blanc, Tu dors Nicole s’avère une création aussi intelligente que singulière.

Bref, c’est sur ces quelques recommandations de sorties que je vous souhaite une fin de saison remplie de découvertes au grand écran. On se donne rendez-vous dans deux semaines alors qu’il sera temps de jeter un œil sur l’automne et les quelque 100 longs métrages  qui prendront l’affiche au cours des quatre prochains mois. Ciao!

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Tu dors Nicole, réalisé par Stéphane Lafleur

Olivier A. Dubois et ses poupées

1500 NINOS ima titreAuteur d’une cinquantaine de courts métrages depuis dix ans, le réalisateur de Québec Olivier A. Dubois (à ne pas confondre avec le chorégraphe français du même nom) est fasciné par le cinéma d’horreur. En surfant sur Internet, comme bien des gens curieux et avides d’étrangeté, il est tombé sur les photographies hallucinantes prises sur une petite île mexicaine, située non loin de la capitale Mexico. Surnommée l’île des Poupées, ce lieu aux allures de cauchemar surréel est peuplé de plus de 1 500 poupées recueillies sur plus de 40 ans et exposées par un collectionneur étrange, résidant de l’endroit et décédé en 2001.

L’épouse et collaboratrice d’Olivier A. Dubois, Georgina Alcantara étant d’origine mexicaine, il se rend régulièrement là-bas pour visiter sa belle-famille et participer à différents festivals culturels et y présenter ses courts métrages. L’hiver dernier, en compagnie de sa dulcinée et de sa belle-famille, Olivier décide de faire la balade touristique en gondole afin de visiter l’île des Poupées. Le trajet : deux heures pour l’aller, deux heures pour le retour.1500 NINOS ima islaMuni de son appareil photo numérique, il a filmé rapidement les lieux sans visiter l’île comme tel, car s’y rendre par la voie des eaux est déjà chose coûteuse (300 $). Après avoir visionner ses images de tournage, le footage en langage cinématographique, le cinéaste savait qu’il avait en main assez de matériel pour aller de l’avant et réaliser son court métrage qui allait porter le titre de 1 500 Niños, un film qui durerait un peu moins de six minutes.

Pour finir le tournage, encore fallait-il dénicher celui qui allait personnifier l’insulaire collectionneur de poupées au cœur du récit. Olivier le trouva par hasard en la personne de Roberto Sanchez de la Vega, père de la femme du frère de sa conjointe. Vous me suivez? « Ce monsieur-là, il avait une folie et une théâtralité incroyable malgré ses 81 ans. Il a embarqué dans le projet sans connaître l’île », de dire Olivier A. Dubois. « De mon côté, il fallait que j’explore la psychologie de l’homme qui avait créé ce monde étrange et pas seulement en montrant les poupées. Les légendes courent à son sujet. On aime entretenir le mythe autour de lui et de ses 1 500 poupées. La vérité, finalement, on s’en fout un peu, moi, je désirais qu’on sente qu’il y a quelque chose de malsain dans tout ça », de conclure le réalisateur qui se prépare à tourner de nouveau dans quelques semaines lors du Festival de Trouville, en France. 1 500 Niños, lui,  sera présenté dimanche, le 3 août prochain, en grande première au Festival Fantasia de Montréal avant de l’être à Québec, à l’automne, à Vitesse Lumière et par la suite dans d’autres événements internationaux consacrés aux courts métrages ou au cinéma de genre. Voir 1 500 Niños, c’est une belle façon de visiter «en toute sécurité» un endroit à glacer le sang, un lieu chimérique qui aurait aussi séduit, selon les rumeurs, le réalisateur Tim Burton qui aimerait bien y tourner un de ses prochains films.