Décembre 2021 en dix titres

Décembre, c’est un mois qui mélange pour le mieux les films de pur divertissement et les longs métrages dits oscarisables. Si du côté de Québec, certains titres honorés en festival ne pourront être visionnés qu’en ligne comme The Power of th Dog et The Lost Daughter, nous pourrons heureusement voir sur grand écran des oeuvres fort attendues de cinéastes de renom comme Paul Thomas Anderson, Steven Spielberg et Guillermo del Toro. Nous serons également curieux de voir Joaquin Phoenix dans C’mon C’mon et Michael B. Jordan dans A Journal for Jordan. On se croisera aussi les doigts pour avoir la chance de voir à Québec Flee, documentaire d’animation dont on dit le plus grand bien et qui sera le candidat du Danemark pour les Oscars 2022. Mais bref, voici les dix films à voir au cinéma et qui attirent le plus mon attention ce mois-ci.

Nightmare Alley de Guillermo Del Toro.

1- Nightmare Alley (Ruelle de cauchemar) : Bradley Cooper, Rooney Mara, Cate Blanchett, Willem Dafoe et Toni Collette sont dirigés par Guillermo del Toro dans ce film d’horreur se déroulant dans le milieu forain. La bande-annonce donne le ton pour aller faire un tour de manège vers les ténèbres.

2- The Tragedy of Macbeth (Macbeth) : Joel Coen revisite Shakespeare (sans la participation de son frère Ethan) en offrant le premier rôle à Denzel Washington qui, selon la rumeur, serait remarquable dans le rôle du futur roi d’Écosse. On le verra aux côtés de la toujours excellente Frances McDormand, conjointe du réalisateur devant l’Éternel.

3- Red Rocket (Fusée rouge) : Difficile de passer à côté de la nouvelle réalisation de Sean S. Baker (Tangerine et The Florida Project). Le cinéaste nous raconte ici la destinée de Mikey, ex-star du porno, qui retourne vivre dans son Texas natal, sans le sou et trouvant refuge chez son ex-femme.

4- Spider-Man: No Way Home (Spider-Man : sans retour) : Tom Holland enfile de nouveau le costume de l’homme-araignée et demande l’aide du docteur Strange et de sa magie afin de retrouver un semblant d’anonymat. Mais les choses tourneront mal, allant même jusqu’à faire réapparaître plusieurs de ses ennemis jurés dont le docteur Octopus, toujours joué par le suave Alfred Molina.

5- Au revoir le bonheur : Cette comédie québécoise du temps des Fêtes est signée par Ken Scott qui, pour l’occasion, réunit aux îles de la Madeleine Patrice Robitaille, Louis Morissette, Antoine Bertrand et François Arnaud. Les acteurs joueront quatre frères devant répandre les cendres de leur défunt père aux Îles. Mais encore faut-il qu’ils retrouvent les dites cendres qui, malencontreusement, viennent de disparaître.

6- West Side Story : Steven Spielberg est à la barre de cette nouvelle version d’une des plus grandes comédies musicales de l’histoire d’Hollywood. Son initiative permettra à une toute nouvelle génération de spectateurs de découvrir cet univers de musique et de chorégraphies colorant le New York des années 50 sur fond de romance et de guerre de gangs.

West Side Story réalisé par Steven Spielberg

7- The King’s Man (Kingsman : première mission) : Les deux premiers films étaient tout aussi efficaces que réussis. Cette fois, on plonge dans un antépisode qui nous amène dans les coulisses de la création de l’agence d’espionnage britannique. Ralph Fiennes, Gemma Arterton et Daniel Brühl en sont les têtes d’affiche.

8- The Matrix Resurrections : (La Matrice : résurrections) : Lana Wachowski part en solo, mais sans l’apport de sa soeur Lilly pour nous offrir ce quatrième volet des aventures de Neo, toujours joué par Keanu Reeves. Le héros devra retrouver la mémoire pour mieux repartir au combat dans un élan ultime de rébellion face à la Matrice et ses sombres sbires.

9- Benedetta : Dans ce drame historique se déroulant au XVIIe siècle, Virginie Efira personnifie une nonne italienne, Benedetta Carlini, qui affirme voir Jésus en apparitions tout en entretenant une liaison secrète et torride avec une jeune soeur du même couvent. Paul Verhoeven, habitué aux films sulfureux, réalise ce drame historique, biographique et saphique sur cette mystique toscane appelée à finir ses jours en prison.

10- Licorice Pizza (Rêver grand) : Début des années 70, à Los Angeles, un étudiant rêvant de devenir acteur (Cooper Hoffman) rencontre une jeune photographe (Alana Haim) et se lance avec elle dans la vente de matelas d’eau. Ensemble, ils font la rencontre à Hollywood d’un producteur (Bradley Cooper) et d’un acteur célèbre (Sean Penn) tout en s’impliquant dans la campagne d’un candidat aux élections (Benny Safdie). Et on allait oublier de souligner que c’est Paul Thomas Anderson qui est aux commandes de tout ça. Dire qu’on a hâte est un euphémisme.

Oscars 2022, les prévisions se pointent

Variety, le magazine américain spécialisé en cinéma, vient de publier sa liste de prédictions concernant les films et les artisans du cinéma qui, selon leurs experts, seront nommés dans les différentes catégories lors de la prochaine cérémonie des Oscars qui aura lieu le dimanche 27 mars 2022. Leur liste exhaustive nous donne un réel aperçu de l’année qui vient de passer en matière de films à rattraper et sur les sorties à mettre à notre agenda, longs métrages qui prendront l’affiche dans les prochaines semaines afin d’être éligibles selon les règlements de l’Académie. Voici en gros les films (et l’info sur leurs sorties) et les artistes qui retiennent présentement l’attention des journalistes de Variety dans les principales catégories.

Tout d’abord, comme Meilleur film de l’année, les titres mentionnés sont Belfast (en salle), Coda (en ligne), Dune (en salle), King Richard (en salle), Licorice Pizza (sortie prévue en salle à Noël), The Lost Daughter (en décembre sur Netflix), The Power of the Dog (1er décembre sur Netflix), Nightmare Alley (sortie prévue en salle en décembre), tick, tick…Boom! (en ligne), The Tragedy of Macbeth (sortie en salle prévue le 31 décembre).

Penélope Cruz dans Mères parallèles

Comme actrices, se feraient la lutte Jessica Chastain (The Eyes of Tammy Faye, en ligne), Olivia Colman (The Lost Daughter), Penélope Cruz (Mères parallèles, sortie prévue en salle en janvier), Lady Gaga (House of Gucci, en salle le 24 novembre), Kristen Stewart (Spencer, en salle) se feront compétition pendant que chez les acteurs, on retrouverait nommés Clifton Collins Jr. (Jockey, sortie en salle prévu en janvier), Benedict Cumberbatch (The Power of the Dog), Andrew Garfield (tick, tick…Boom!), Will Smith (King Richard), Denzel Washington (The Tragedy of Macbeth).

Du côté de la réalisation, la compétition opposerait Paul Thomas Anderson (Licorice Pizza), Jane Campion (The Power of the Dog), Kenneth Branagh (Belfast), Denis Villeneuve (Dune) et Reinaldo Marcus Green (King Richard). puis comme Meilleur film international, les titres retenus seraient Compartiment no 6 (Finlande, sortie en salle prévue cet hiver), The Hand of God (Italie, sur Netflix en décembre), Un héros (Iran, sortie en salle prévue en janvier), Julie (en 12 chapitres) (Norvège, sortie en salle prévue en février) et Flee (Danemark, sortie en salle prévue à la mi-décembre) qui, remarquablement, se retrouve aussi nommé comme meilleur documentaire et meilleur film d’animation. Les Oiseaux ivres, lui, à titre de représentant canadien, serait hélas laissé de côté.

Toutes les autres catégories font aussi l’objet de prédictions et dans celles-ci la surprise pour le Québec provient de la section Meilleur court métrage de fiction dans laquelle Les Grandes Claques réalisé par Annie St-Pierre se retrouverait finaliste. Ce sera définitivement à surveiller.

Bref, tant de films restent à voir ici au Québec, car leurs sorties étant prévues en décembre, voire janvier prochain, qu’il apparaît difficile de dire pour l’instant qui sont les grands absents de ces listes si ce n’est que Matt Damon et Oscar Isaac, tous deux respectivement formidables dans Stillwater et The Card Counter, semblent écartés. Notons également que le film de Jane Campion, The Power of the Dog, est une coproduction québécoise grâce à l’apport du producteur Roger Frappier. Rappelons enfin que la cérémonie des Oscars aura lieu cette année le dimanche 27 mars prochain et que les noms de tous les finalistes seront annoncés le 8 février au matin, heure du Québec. À suivre!

Papa, ce héros toxique

Avec Profession du père, le réalisateur Jean-Pierre Améris nous plonge dans les années 60, en France, nous faisant devenir les témoins de l’étrange quotidien d’Émile, un enfant de douze ans obnubilé par les histoires abracadabrantes de son père, un être narcissique et excentrique joué par un Benoît Poelvoorde en grande forme. Ce fabulateur et mythomane colérique s’applique à imposer une autorité toxique auprès de son fils et de son épouse. Peu à peu, ce jeu de dupes aura des conséquences qui iront bien au-delà du cadre familial. Aux côtés de Poelvoorde, Jules Lefebvre et Audrey Dana incarnent Émile et sa mère dans ce qu’on pourrait qualifier de conte cruel. Le cinéaste nous donne des détails sur la conception et le tournage de Profession du père, film qui prendra l’affiche le 12 novembre.

Le Clap : Votre film est l’adaptation du roman du même titre publié en 2015 par Sorj Chalandon. Qu’est-ce qui vous a intéressé dans ce livre pour vouloir en faire l’adaptation?

Jean-Pierre Améris : J’ai toujours aimé les romans de Sorj Chalandon qui, il faut le rappeler, est un ancien reporter de guerre. Il aime la mystification et avec Profession du père, il racontait son enfance auprès d’un père totalement mythomane. En lisant ce livre, j’ai senti une proximité immédiate avec ce qu’il avait vécu et l’ambiance familiale tendue de ma propre enfance dans les années 60. Comme beaucoup d’enfants, Chalandon et moi avons vécu l’angoisse du retour à la maison liée à cette tension violente permanente qui provenait d’un père autoritaire et dictatorial. Bref, j’ai rencontré Sorj pour lui faire part de ma volonté d’adapter son roman, d’en faire un film, et il m’a encouragé à y intégrer mes propres souvenirs. Le film s’inspire donc et du roman et de ma jeunesse. D’ailleurs, en voyant le résultat, Sorj m’a avoué qu’à l’écran, c’était vraiment plus mes parents que les siens qui prenaient vie, surtout pour le personnage de la mère qui console son fils tout en étant terrorisée. Cela dit, mon film va au-delà des violences physiques envers un enfant, on est plus dans la folie psychologique. La névrose de nos parents n’est pas la nôtre. Les enfants sont des héros pour survivre aux maux de l’enfance, la violence parentale ou celle du milieu scolaire.

Le Clap : Vous dirigez pour une troisième fois Benoît Poelvoorde. Cette nouvelle collaboration devait être naturelle.

JPA : Oui, tout à fait. J’ai beaucoup d’admiration et d’affection pour Benoît. On a une grande confiance mutuelle depuis qu’on a tourné ensemble Les Émotifs anonymes. Il avait été merveilleux sur le plateau même s’il est, comme plusieurs comédiens, exubérant et qu’il parle fort. Il sait que j’aime chez lui sa façon de jouer un être plus fragile ou encore plus sombre. Pour son rôle dans Profession du père, je pensais à une image paternelle me rappelant celle d’Alberto Sordi et de Vittorio Gassman, ces grands acteurs italiens. Poelvoorde a ça en lui, cette grande vérité et ce sens du comique à l’italienne. Mais pour ne pas abîmer son image, son agent lui déconseillait d’accepter ce rôle de mythomane violent et raciste. Benoît a quand même foncé tête première. Il joue admirablement ce père, proche du mien, un tyran domestique qui humiliait ma mère et qui en voulait au monde entier. La grandeur des acteurs et des actrices, c’est d’embrasser la noirceur humaine. Benoît a le talent pour incarner de la meilleure des façons un personnage aussi horrible qu’il soit.

Jean-Pierre Améris, réalisateur.

Le Clap : Votre long métrage adopte la forme d’un conte cruel.

JPA : Oui, car je voulais montrer le point de vue de l’enfant vis-à-vis du père. Mais ce n’est pas un règlement de comptes, c’est fait avec amour. Quand on se lance dans un film avec un enfant comme personnage principal, il faut dénicher le jeune acteur qui réussira à trouver un écho dans ce rôle. Jules Lefebvre, qui était déjà très bon dans Duelles, m’a épaté lors de notre rencontre. Lors des essais, il était d’une telle vivacité devant la caméra, malin, joyeux et curieux à la fois. Mon travail de metteur en scène, c’était de bien le diriger. Avec un Jules fort à l’aise dans le rôle d’Émile, j’ai pu faire le film à hauteur d’enfant. C’était essentiel de raconter les choses selon la vision qu’a son personnage de la réalité.

Le Clap : Votre film reste en tête. On y repense longtemps, car ça demeure troublant comme histoire, comme aliénation familiale.

JPA : Et bien merci! J’ai reçu bien des commentaires en ce sens. Les spectateurs me disent qu’ils se reconnaissent soit dans la mère, le père ou l’enfant. Ce récit, ça touche à quelque chose d’assez émotif pour l’ensemble des gens qui voient le film.

Cette entrevue a été réalisée sur invitation, dans le cadre de la 22e édition des Rendez-vous du cinéma d’UniFrance 2020, à Paris.