Dix longs métrages pour novembre 2021

Novembre sera aussi dynamique qu’octobre côté sorties en salle. Les Américains proposeront de nombreux blockbusters dont le nouveau Ghostbusters et King Richard avec Will Smith interprétant le père des soeurs Venus et Serena Williams. De France, on regardera de près Benoît Poelvoorde dans Profession du père et Karin Viard dans Tokyo Shaking. On se croise les doigts pour voir à Québec la nouvelle réalisation signée Jane Campion, Le Pouvoir du chien avec Benedict Cumberbatch. Les films familiaux Encanto de Disney et Clifford le célèbre chien attireront les plus jeunes pendant que l’excellent Joaquin Phoenix nous revient dans C’mon C’mon et qu’Éléonore Loiselle s’avère épatante de froideur dans le rôle d’une militaire dans le drame québécois Guerres. On se demandera aussi si on avait vraiment besoin d’un nouvel épisode de Resident Evil. Ah! Et j’allais oublier, il y a également Eternals, la nouveauté Marvel du mois, dont la grossière bande-annonce laisse présager le pire même si la surdouée Chloé Zhao est aux commandes. Bref, hormis cette pléthore de films, voici les dix titres à voir en priorité durant ce mois propice à la luminothérapie et à la cinéphilie.

1- L’Arracheuse de temps : Voici la troisième adaptation de l’univers de Fred Pellerin au cinéma. Cette fois-ci, Francis Leclerc (prenant la « relève » de Luc Picard) a profité d’un bon budget pour recréer le Québec des années 20 et 80 tout en nous plongeant avec faste dans l’imaginaire fantaisiste du conteur de Saint-Élie pour mieux nous raconter le combat de villageois contre la Mort.

2- Dehors, Serge, dehors : L’acteur Serge Thériault se terre dans sa demeure depuis de nombreuses années. Sa conjointe et ses voisins du dessous tentent tant bien que mal de le faire sortir de sa torpeur. Le documentaire se penche sur leurs efforts et leur bienveillance et a été réalisé pour aider ce comédien dont on s’ennuie à littéralement revenir à la vie.

3- Belfast : Kenneth Branagh réalise un film en noir et blanc, en grande partie autobiographique, narrant son enfance sur fond de tensions religieuses, politiques et sociales de la fin des années 60 en Irlande du Nord qui allaient mener à des manifestations et des affrontements sanglants.

4- France : Depuis quelques années, Bruno Dumont intègre avec bonheur davantage d’humour dans ses réalisations. On pense à P’tit Quinquin ou à Ma Loute. Il poursuit dans ce sentier avec France, tout en y ajoutant une critique acerbe du milieu médiatique par l’entremise des expériences d’une vedette du journalisme incarnée ici par Léa Seydoux avec, à ses côtés, la drolatique Blanche Gardin. On est très curieux de voir le résultat au grand écran.

5- Boîte noire : Assurément l’un des meilleurs suspenses de 2021! Ce film démontre l’obsession de Mathieu Vasseur, joué par Pierre Niney, un expert en sécurité aéronautique qui estime que le crash d’un avion survenu dans les Alpes pourrait ne pas être de nature accidentelle. Il mènera sa propre enquête sur ce que recèle ou non la boîte noire de l’avion, et ce, à ses risques et périls.

6- Aline : Avec humour et une réelle admiration pour son sujet, Valérie Lemercier relate avec une certaine liberté le parcours de Céline Dion en interprétant son alter ego Aline Dieu, une enfant douée pour le chant, partie de rien et prise sous l’aile protectrice de son gérant et futur mari qui la rendra célèbre.

7- Spencer : Après Jackie, on est très curieux de voir cette nouvelle biographie concoctée par le Chilien Pablo Larrain, cette fois-ci autour de celle qu’on surnommait affectueusement Lady Di. Kristen Stewart interprète la princesse qui, dans la tourmente des paparazzis, est définitivement partie trop tôt.

8- House of Gucci (La Saga Gucci) : Deux films en deux mois, c’est ce que nous offre Ridley Scott qui, après Le Dernier Duel en octobre, s’applique maintenant à raconter l’histoire de la richissime famille Gucci et l’assassinat, en 1995, de Maurizio alors à la tête de cet empire de produits de luxe. Adam Driver et Lady Gaga sont les têtes d’affiche, aux côtés d’Al Pacino, Salma Hayek et Jared Leto notamment.

9- Seules les bêtes : Dominik Moll nous avait épaté avec Harry, un ami qui vous veut du bien. Sa plus récente réalisation est tout aussi jouissive et de plus fort actuelle. Laure Calamy et Denis Ménochet évoluent dans cette comédie dramatique flirtant avec le thriller sur fond d’arnaque amoureuse sur Internet. À ne pas rater.

10- Une révision : Patrice Robitaille tient le premier rôle dans ce drame basé sur une demande de révision de note au collégial opposant un prof de philo à l’une de ses étudiantes, dossier qui se retrouvera au coeur d’une délicate polémique. Voici un film qui aborde des sujets d’actualité comme la censure, la bienveillance, la morale, la foi et l’inclusion sous fond d’enseignement supérieur. Un premier long métrage signé par Catherine Therrien.

Du Mexique au Québec, de l’aube au crépuscule

Voilà dix ans, le Montréalais d’origine serbe Ivan Grbovic sortait un premier long métrage intitulé Roméo Onze. Le film, bien que sorti discrètement, avait reçu de fort belles critiques. Sa nouvelle réalisation, Les Oiseaux ivres, devrait solidifier sa réputation de cinéaste sensible et talentueux, d’autant plus que son oeuvre représentera le Canada aux Oscars dans la catégorie du Meilleur film international. Mettant en vedette Jorge Antonio Guerrero (vu dans Roma), Hélène Florent, Claude Legault et Marine Johnson, Les Oiseaux ivres relate le parcours de Willy qui quitte le Mexique pour tenter de retrouver son amoureuse qui, pour mieux fuir un cartel de drogue, se serait réfugiée au Québec. Arrivé au pays, Willy travaillera sur une ferme tenue par un couple au bord de l’implosion, parents d’une adolescente révoltée. Le réalisateur nous donne des détails sur son récit aux multiples destinées.

Le Clap : Roméo Onze, votre premier long métrage, est sorti en 2011. Votre second, Les Oiseaux ivres, sort dix ans plus tard. Pourtant, vous n’avez pas chômé durant toutes ces années, non?

Ivan Grbovic : Non, car tout ce temps j’ai beaucoup travaillé en publicité, notamment en France et aux États-Unis. Il y a aussi le fait que j’ai eu des enfants et que j’aime prendre mon temps quand je me lance dans un projet filmique.

Ivan Grbovic, réalisateur.

Le Clap : Vous avez coscénarisé votre film avec votre conjointe Sara Mishara qui assure aussi la direction photo. Parlez-moi de ce qui vous a poussé à écrire sur les travailleurs latinos qui viennent sur nos fermes l’été.

IG : En 2005, je revenais d’un tournage et je suis passé par Saint-Rémi en Montérégie. Il y avait du brouillard et j’ai aperçu une centaine de travailleurs saisonniers devant une caisse populaire. Cette vision, c’était comme si j’avais traversé une frontière magique. En 2005, être témoin de ça, ça m’a causé un véritable choc. Aujourd’hui, ce phénomène est d’actualité, mais pas à l’époque. Ça a été comme une rencontre mystérieuse et c’est ce qui m’a inspiré pour écrire, petit à petit, cette histoire.

Le Clap : Votre acteur principal, formidable il faut le dire, Jorge Antonio Guerrero, a été vu dans Roma d’Alfonso Cuarón, un film de multiples fois récompensé et plébiscité. C’était un choix évident pour jouer Willy?

IG : La maison de production de Roma a été un de nos partenaires pour le casting. J’avais vu Roma et ça a adonné qu’ils nous l’ont proposé. Puis ça a été une évidence, car Jorge est comme un diamant brut. Il a un côté poétique et sensible et il aime jouer devant la caméra. En acceptant le rôle, il a découvert un univers, car il n’avait aucune idée de l’importance des travailleurs saisonniers au Québec. C’était émouvant pour lui de voir ces hommes et ces femmes se déplacer pour travailler de nombreux mois par année sur nos fermes.

Jorge Antonio Guerrero.

Le Clap : De très nombreuses scènes des Oiseaux ivres se déroulent à l’aube et au crépuscule, au moment où commence le travail des ouvriers et où il se termine. Ça donne des images spectaculaires et ça rappelle Les Moissons du ciel (Days of Heaven) de Terrence Malick, n’est-ce pas?

IG : Oui, j’avoue que Days of Heaven est une influence majeure pour la photographie du film. Sara et moi, nous étions têtus. Nous voulions absolument tourner de nombreuses scènes au crépuscule pour capter cette lumière unique. Donc, on pratiquait avec l’équipe de 13 h à 17 h puis après on tournait. On voulait donner un côté fugitif au film, aller vers une symbolique qui alterne entre le rêve et la réalité. Ça donne aussi une impression de grandeur au territoire québécois tout en évitant un certain misérabilisme.

Le Clap : L’histoire de Willy est centrale, mais il y a aussi celle du couple, formé par Claude Legault et Hélène Florent, qui se désagrège et celle de leur adolescente (Marine Johnson très intense) qui désire s’émanciper. Avez-vous eu peur de nous présenter trop de pistes à suivre narrativement?

Hélène Florent

IG : Mon professeur de scénarisation me disait de ne pas m’aventurer dans un film choral et pourtant c’est un peu ce que j’ai fait ici. Et c’est vrai qu’il y a un danger. Mais si le public embarque, ce que j’espère, au final, ce sera encore plus satisfaisant. Je pense que ça valait la peine d’explorer plusieurs histoires et d’aller à la rencontre de différents personnages.

Le Clap : Votre film vient d’être choisi pour représenter le Canada aux Oscars. Inévitablement, ça le fera davantage voyager. C’est un beau cadeau alors qu’il prend tout juste l’affiche au Québec.

IG : Oui! Je suis tellement content. Entre autres parce que davantage de gens seront curieux et iront voir le film. Je voulais faire un long métrage généreux et accessible et cette nomination-là va aider à le promouvoir. Claude Legault a justement vu le film hier pour la première fois et il a adoré la proposition. C’était important d’avoir un tel avis, car bien qu’acteur, Claude est aussi scénariste. Mais bref, mon film en étant nommé candidat canadien aux Oscars pourra davantage voyager. Et je suis très curieux de la possible réaction de gens qui le verront au Mexique, en Amérique latine et ailleurs. Car au-delà de l’aspect social lié aux travailleurs saisonniers, mon film est aussi très romantique!

NDLR : C’est le 21 décembre prochain que l’Académie des Oscars annoncera la première sélection de finalistes pour la catégorie du Meilleur film international.