La surprise américaine?

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Depuis des années, la période estivale au cinéma est synonyme de sorties multiples de films américains tablant sur les super-héros, les monstres animés et la destruction obligatoire des mégapoles mondiales causée par des catastrophes naturelles ou des vaisseaux extraterrestres surdimensionnés. Pour sortir de ce carcan, parfois divertissant, parfois, voire souvent, aliénant, il faut gratter et chercher la perle au fond de la mare hollywoodienne.

En cherchant bien, en épluchant la liste des prochaines sorties en salle cet été, on tombe sur un titre étrange suscitant la curiosité, I Origins, dont voici la fascinante bande-annonce :

Réalisé par Mike Cahill, ce film américain à petit budget, dont la sortie est prévue le 18 juillet, met en vedette Michael Pitt dans le rôle principal de Ian Gray, un spécialiste en biologie moléculaire, et Brit Malrling dans celui de sa partenaire de travail. Faisant de l’œil humain l’objet de son étude, Gray sera fasciné par ceux d’une top-modèle dont il tombera amoureux. Ses recherches culminent vers une découverte troublante qui permettrait de relier la science à la spiritualité et ainsi de mieux comprendre le phénomène de la vie et de la mort. Pour prouver ses théories, Gray doit partir pour l’Inde et trouver la preuve, voire la personne, au cœur de cette quête mystique.

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Brit Marling et Mike Cahill

L’histoire, assez intrigante, est scénarisée par le cinéaste Mike Cahill, un passionné de science-fiction, qui avait également réalisé Another Earth voilà trois ans, un long métrage qui portait sur la découverte d’une sorte d’anti-Terre mettant aussi en vedette Brit Marling. Cette dernière, collaboratrice et amie universitaire de Cahill, mène une carrière discrète, mais diablement efficace dans le film de genre chez nos voisins du Sud.  Marling s’est de plus distinguée comme comédienne et scénariste dans Sound of my Voice et The East, deux autres films aux histoires assez singulières à mi-chemin des univers fantastiques de Twilight Zone et du thriller sectaire.

Les parcours de Marling et Cahill sont fascinants à suivre. Bien sûr, on ne parle pas de leurs œuvres comme on parle des blockbusters, sauf que le tandem emprunte une démarche artistique qui, bien que suivant les traces du cinéma de divertissement, s’éloigne grâce à son originalité et son audace des canevas conventionnels d’Hollywood. Misant sur des longs métrages à petit budget, ils arrivent à attirer l’attention, à se bâtir une crédibilité dans le milieu et le jour n’est sûrement pas loin où on les verra à la barre de productions plus ambitieuses et mieux soutenues par l’industrie. D’ici là, on surveillera attentivement la sortie de I Origins en espérant que le film trouve une salle à Québec entre la présentation de Transformers 4 et de la nouvelle mouture des Tortues Ninja.

 

Retour à la vie de Michael John Douglas

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Michael Keaton dans Birdman

La semaine dernière, la mise en ligne sur Internet de la bande-annonce de Birdman, mettant en vedette Michael Keaton, a fait beaucoup parler d’elle, en bien, et m’a amené à m’interroger sur la carrière en dents de scie menée par le comédien depuis ses débuts voilà plus de 35 ans. Y a de ces acteurs qui semblent disparaître du radar pour je ne sais trop quelle raison et Keaton en fait partie. Un documentaire réalisé par Rosanna Arquette a même été fait autour de cette réflexion avec pour titre : Searching for Debra Winger. On aurait pu dans la même veine, au début des années 2000, lancé un appel filmique ayant pour titre What’s Happened to Michael Keaton? tellement les échecs s’accumulaient pour l’acteur et que son nom ne faisait plus partie des valeurs sûres du cinéma mondial.

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Beetlejuice

De son vrai nom Michael John Douglas, l’interprète aurait choisit le pseudonyme de Michael Keaton en l’honneur de Buster afin d’éviter toute méprise avec le fils de Kirk déjà fort connu. On le remarque au début des années 80 grâce à quelques comédies potaches comme Gung Ho et Mr. Mom, mais c’est en 1988, en incarnant le personnage central du film Beetlejuice de Tim Burton (dont une suite est en préparation), qu’il connaît finalement la gloire. Ce rôle l’amènera, non sans une certaine controverse, à jouer Batman à deux reprises toujours sous la direction de Burton. Puis les succès populaires se succèdent avec The Dream Team, My Life, The Paper, Multiplicity et enfin Jacky Brown de Tarantino et Out of Sight de Soderbergh. Durant plus de dix ans, Keaton fut l’un des comédiens les plus en vus à Hollywood, alternant avec versatilité les rôles comiques et dramatiques au grand écran.

Étrangement, on semble par la suite le perdre de vue. Même s’il continue de tourner, les bides se font fréquents et on ne pense plus à lui pour des premiers rôles sinon pour des séries B et pour prêter sa voix aux films d’animation de Pixar (Cars, Toy Story 3). Mais, avec la bande-annonce de Birdman, nouveau long métrage d’Alejandro González Inárritu, tous les espoirs sont permis. Ce film marquera-t-il le véritable retour de Michael Keaton dont les récentes présences au grand écran sont plus qu’oubliables (Robocop, Need for Speed)? Avouons au départ que de jouer dans un film d’Inárritu n’a rien d’ordinaire. Le cinéaste mexicain profite toujours d’une aura enviable à travers le monde. Ses œuvres, depuis ses débuts avec Amores Perros, sont toujours très attendues et jamais décevantes (21 Grams, Babel, Biutiful). Birdman raconte le retour sur les planches à Broadway d’un acteur ayant connu la gloire en incarnant un super-héros au grand écran. Le clin d’œil au parcours professionnel de Keaton est ici assez évident, favorisant la plus belle des curiosités envers cette comédie dramatique énigmatique inspirée d’une nouvelle de Raymond Carver.

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Clean and Sober

Parlant de parcours, je me souviens justement qu’à ses débuts, Keaton, comme acteur, me tombait royalement sur les nerfs. En tant que cinéphile, je le trouvais trop bouffon, ses présences survitaminées me laissaient entrevoir un acteur qui faisant preuve de peu de retenue et de nuances dans son jeu. C’est par pure curiosité, en louant la VHS de Clean and Sober (en français Retour à la vie d’un homme déchu), que mon opinion sur Keaton changea radicalement. Produit par Ron Howard, ce film méconnu de Glenn Gordon Caron, sorti la même année que Beetlejuice, donnait à Keaton l’occasion d’interpréter un alcoolique désirant en finir avec cette dépendance. Sa performance éblouissante dans ce long métrage m’amènerait ensuite à suivre sa carrière d’un autre œil.

Le film d’Inárritu devrait prendre l’affiche en octobre prochain. Souhaitons que ce rôle permette à Keaton de revenir sur la sellette, car à 62 ans, et dieu sait qu’il ne les fait pas, il a encore de belles années de carrière devant lui. En attendant, si ce n’est déjà fait, je vous invite à découvrir cette fascinante bande-annonce de Birdman.

De grandes attentes pour La Petite Reine.

Alors qu’on s’interroge sur la baisse de revenus des films québécois en salle depuis le début de l’année (voire quelques années…), les espoirs « commerciaux » de notre cinéma cet été sont dirigés vers trois longs métrages censés attirer les foules : 1987 (Ricardo Trogi), Le Vrai du faux (Émile Gaudreault), La Petite Reine (Alexis Durand-Brault). Le premier à prendre l’affiche, La Petite Reine, arrivera sur nos écrans vendredi prochain, le 13 juin. Un vendredi 13 qui, espère-t-on, malgré la symbolique, n’attirera pas la malchance et attisera l’intérêt du grand public pour ce drame sportif inspirée de la vie de la cycliste québécoise Geneviève Jeanson.

Pour avoir vu le film en avant-première, j’ai aussi bon espoir que La Petite Reine suscite un réel intérêt chez les amateurs de cinéma en général. La réalisation est alerte, la production élégante et la distribution au diapason d’un scénario relevé, qui sans bavure ni excès de sentimentalisme, fait état du milieu vicié dans lequel évoluait Julie, jouée par Laurence Lebœuf. Si le scandale du dopage mis en images dans La Petite Reine n’a pas, bien sûr, l’ampleur de celui impliquant Lance Armstrong, il est malgré tout évocateur de la problématique pour le milieu sportif en général. La réussite du film est réelle et repose, selon moi, sur deux facteurs. Le premier, la mise en scène qui témoigne de l’effet anxiogène provoqué par l’entourage de la coureuse. La cycliste est écrasée par le poids du succès, des attentes du public, de sa famille, de l’argent investi sur son nom et par son propre orgueil. Le second facteur réfère à la qualité des principaux  interprètes offrant tour à tour des performances qui seront à coup sûr soulignées lors de la prochaine Soirée des prix Jutra. Laurence Lebœuf dégage force et fragilité dans le rôle principal, Patrice Robitaille se démarque en entraîneur lâche et manipulateur, Denis Bouchard et Josée Deschênes sont des parents volontairement naïfs et ambitieux, René-Daniel Dubois joue un médecin sans scrupules et Jeff Boudreault incarne un commanditaire fier et avide. Avec crédibilité et talent, ils contribuent au grand écran à rendre l’univers du vélo de compétition aussi cruel qu’hypocrite lorsque le scandale éclate.  Reine3

La semaine dernière, l’équipe de La Petite Reine était de passage à Québec pour en faire la promotion. Le réalisateur, Alexis Durand-Brault, n’était pas peu fier de son troisième film après Ma Fille, mon ange et Everywhere, deux œuvres qui relevaient davantage de la commande d’après lui. Il évoque d’emblée que son nouveau long métrage n’a pas été réalisé sous la supervision d’avocats malgré l’inspiration première, le scandale du dopage entraînant la chute de son étoile filante, Geneviève Jeanson. Le but du film, toujours selon le cinéaste : comprendre pourquoi une athlète en vient à se doper, comprendre comment Julie, alter ego de Jeanson, a vécu cette réalité sportive, cette vie de tension au quotidien entre les entraînements, les courses et les commandites?

Durand-Brault n’a que des éloges pour sa distribution. Pour Laurence Lebœuf, émotive et énergique, parfaite pour le rôle et Patrice Robitaille qu’il qualifie d’acteur « le plus game », celui qui plonge sans chercher à être beau ou bien paraître. Au sujet de la pression entourant la sortie du film et les attentes commerciales qui lui sont attribuées, il ajoute : « J’ai peur! Vraiment. Je suis assez inquiet pour la culture au Québec, j’ai peur d’avoir perdu le public ». Pour contrer cette appréhension, il souligne avoir fait un film populaire, ni trop noir ni à saveur commerciale, à la manière d’un Claude Sautet ou d’un Brian de Palma. Un film aussi personnel que rassembleur pour lequel il ajoute : « Je ne voulais pas tomber dans le sensationnalisme, je voulais, tout au long du tournage, être juste d’un point de vue émotif ».Reine1

Diablement en forme, Patrice Robitaille, lui, semble prendre plaisir actuellement à faire partie d’une course contre la montre dans sa vie personnelle et professionnelle. Il est devenu père d’un deuxième enfant voilà quelques semaines à peine et s’implique dans la coordination de travaux de construction des locaux professionnels de sa conjointe. Il répète au théâtre le rôle de sa vie, Cyrano de Bergerac, sous la direction de Serge Denoncourt tout en assurant la promotion de La Petite Reine. Au sujet de son rôle d’entraîneur dans le film, il précise: « Mon personnage est chien pis en plus, au niveau physique, j’ai l’air d’un monstre à côté de Laurence qui est minuscule. L’entraîneur n’est jamais là quand c’est vraiment chaud, sauf quand il est seul avec elle et qu’il peut la contrôler. Mais en même temps, le personnage de Julie n’est pas sans tort. Pour moi, c’est des partners in crime. Julie carburait au succès et était incapable de dire non. Surtout qu’il y avait la province qui la suivait, les commanditaires, la fédération québécoise».  Et quand on lui rappelle à quel point le succès du film semble important pour l’industrie, il dit : « Je suis conscient de tout ça, mais le débat autour de la rentabilité du cinéma québécois m’énerve un peu. Je suis d’accord avec Xavier Dolan qui disait récemment ne pas faire de distinction entre le cinéma commercial et le cinéma d’auteur. Qu’un film marche ou non, en bout de ligne, il n’y a que de bons et de mauvais films. Le snobisme dans l’art me tombe sur les nerfs. Pis les gens, j’en suis sûr, ils vont aimer La Petite Reine parce que c’est un bon film, that’s it ».

On peut donner raison à l’acteur. Rien ne sert de discourir longtemps sur La Petite Reine en tant que film d’auteur ou en tant qu’œuvre qui fait la lumière une fois pour toutes sur le dopage sportif. Il faut surtout se rappeler l’effet immédiat du film une fois vu, d’avoir été happé par l’histoire à cause du brio des comédiens et d’y avoir cru. D’être retombé en enfance en se faisant raconter une histoire, sombre, dramatique et aussi québécoise qu’universelle. De belles qualités d’ensemble qui pourraient inciter bien des gens à aller voir le long métrage. Même si le fil d’arrivée du box-office est encore loin, de nombreux artisans du cinéma québécois (propriétaires de salles, producteurs, cinéastes et comédiens) se retrouveront vendredi sur la même ligne de départ, fébriles et optimistes. On ne peut leur en vouloir.

Le cinéma d’ici en perte de crédit et en quête de crédibilité.

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L’équipe de Québec Cinéma lors du lancement de la campagne promotionnelle

Au moment même où le gouvernement québécois annonce des compressions budgétaires et une baisse de 20 % en crédits d’impôt pour la production cinématographique, l’organisme Québec Cinéma (derrière les Rendez-vous du cinéma québécois et la Soirée des Jutra) lance une toute première campagne promotionnelle afin d’illustrer la richesse et la diversité du cinéma d’ici.

Le but : éveiller la curiosité du grand public et renforcer le sentiment de fierté des Québécois envers leur cinéma et ses artisans. Un mandat qui est fort louable compte tenu des revenus à la baisse enregistrés en salle par les films québécois depuis quelques années. Des efforts qui visent assurément à contrer, dans l’imaginaire collectif, le renforcement négatif généré par les déclarations à l’emporte-pièce d’un propriétaire de cinémas de banlieue et les manchettes réductrices de certains quotidiens tablant sur la non-rentabilité des films produits au Québec.

Les messages, conçus comme de petits courts métrages de 30 ou 60 secondes, se retrouveront sur plusieurs plateformes, allant des salles de cinéma partout en province jusqu’aux nombreux réseaux sociaux. Des réalisateurs, dont Maxime Giroux (Jo pour Jonathan) et Emanuel Hoss-Desmarais (Whitewash) et des comédiens, entre autres Laurent Lucas, Macha Grenon et Martin Dubreuil, participent à l’aventure. Les premières capsules mises en ligne, techniquement superbes, font preuve d’humour et se terminent toutes avec un clin d’œil faisant référence à une œuvre, récente ou marquante, de notre filmographie nationale. La campagne, intitulée Un cinéma riche en histoires, s’étendra sur une période d’un an et comptera au final une quarantaine de capsules censées changer la perception actuelle et éveiller l’intérêt général pour une industrie qui peine à contrecarrer le bulldozer américain.

Difficile d’être contre ce beau projet, relié inévitablement à une lutte pour la survie de notre identité culturelle, démarche essentielle qui devrait inspirer autant les Italiens que les Allemands dont les industries cinématographiques se meurent malgré un bassin de population dix fois plus grand qu’ici. Paradoxalement, on demande à des créateurs, réalisateurs, comédiens et autres de participer à cette aventure peu coûteuse et revendicatrice alors que le budget provincial vient confirmer le désintérêt, encore une fois généralisé, des politiciens envers la production locale, son importance culturelle et sa valeur inestimable comme reflet identitaire à l’international.

Finalement, ce que l’on constate, c’est que l’éveil souhaité chez le grand public pour nos films se trouve à l’opposé de la pensée neurasthénique qui afflige la classe politique actuelle et dont le discours d’austérité, hélas, ne surprend personne et semble arrangé avec le gars des vues à court terme. On se prend à rêver et à espérer que le milieu québécois du septième art réagisse à cette réalité politique et change la formule des capsules à venir. D’Un cinéma riche en histoires, on pourrait ainsi lancer une nouvelle campagne intitulée : Une vision culturelle pauvre et bientôt sans histoire

Voici les liens pour visionner les capsules et obtenir de l’information sur la campagne en question.

www.quebeccinema.ca/campagne.html

www.facebook.com/QcCinema

www.twitter.com/Qc_Cinema