Le Sel de la terre, une histoire de famille

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Sebastiao Salgado, photographe

Sebastiao Salgado est un photographe d’origine brésilienne âgé de 71 ans. Son travail et son parcours singulier au fil des dernières décennies l’ont amené à être perçu comme l’un des artistes phares du XXe siècle dans le domaine de la photographie. Ses photos reportages en noir et blanc sur les conditions des mineurs au Brésil ont, à eux seuls, marqué l’imaginaire. Le documentaire coréalisé par Wim Wenders (Les Ailes du désir) et le fils de Sebastiao, Juliano,  Le Sel de la terre, vient de prendre l’affiche et relate la trajectoire unique de ce créateur hors norme.

Rencontré récemment à Paris, Juliano Ribeiro Salgado avouait qu’au départ ce projet documentaire sur son père n’a pas été facile à concevoir. « J’ai eu une intuition commune avec Wim Wenders, qu’au-delà même des photos, l’expérience du monde de Sebastiao serait plus importante dans le film. Nous désirions montrer son expérience comme témoin du monde, son point de vue global, son parcours humaniste. Wim a rencontré mon père en 2009 et avait envie de travailler avec lui. À cette époque, je suis parti tourner en Amazonie avec Sebastiao, et ce, même si notre relation était un peu conflictuelle. Bref, lors du voyage, je craignais un épisode de confrontation à la Herzog-Kinski, mais au contraire, ça s’est très bien passé. Et le court métrage tiré de ce voyage a beaucoup touché mon père. Ça nous a rapprochés, ça a ouvert la porte à cette idée de faire ce film, et Wim a embarqué dans le projet rapidement. Mais même si j’avais gagné la confiance de mon père, la présence de Wim est devenue essentielle dans la concrétisation de tout ça », de relater Juliano.

Quand on lui demande de commenter son travail avec Wenders, cinéaste mythique dont la notoriété n’est plus à faire, Salgado fils ne tergiverse pas : « L’expérience de coréalisation, ça a été l’horreur. Nos visions se sont éloignées au fil du tournage. Rendu au montage, c’était atroce, rien ne marchait. Après un an, on s’est parlé, on a vu le cul-de-sac vers lequel on se dirigeait et nous avons finalement concilié nos visions avec le résultat que vous verrez au cinéma qui, fort heureusement, nous satisfait beaucoup. Wim, c’est un réalisateur avec 40 ans d’expérience et lui faire face n’était pas chose facile. Avoir une relation d’égal à égal, ce n’était pas évident pour moi qui commençait dans le métier ».

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Wim Wenders sur le tournage du Sel de la terre

Même si Le Sel de la terre met en évidence la beauté artistique des photos de Sebastiao Salgado, le film n’évite pas la controverse entourant son œuvre, certains accusant le photographe d’exploiter la misère humaine par ses photos, d’abuser des démunis en immortalisant leurs conditions de vie inhumaines. « Ses photos avaient pour mission de nous alerter, mais on ne pouvait passer à côté de cette controverse afin de mieux saisir le parcours de mon père qui, par la suite, s’est beaucoup attardé à l’avenir de l’humanité dans son ensemble », d’ajouter Juliano. « Mon père a une empathie générale, une démarche d’espoir très puissante. Y a rien de naïf dans son regard. Ce qu’il nous montre est rempli d’humanité, il nous montre le monde pour ce qu’il est, parfois dans  » sa laideur « , mais toujours avec l’espoir de lendemains meilleurs. Cette transformation dans le parcours de Sebastiao se devait d’être exprimée ».

Juliano Salgado

Juliano Ribeiro Salgago, réalisateur

Juliano Salgado est né à Paris et s’exprime aussi bien en français qu’en portugais. Ses parents ont fui la dictature brésilienne de l’époque pour s’établir à Paris. Juliano n’a donc jamais réellement vécu là-bas, même s’il y passe quelques mois par année pour y travailler et y retrouver ses racines. Il travaille d’ailleurs actuellement à un projet de film de fiction qui se déroulera à Sao Paulo.

Le Sel de la terre est sorti à Paris à l’automne 2014 et a reçu un très bel accueil critique et public. Le film s’est également retrouvé  parmi les finalistes à la dernière cérémonie des 1013107_fr_le_sel_de_la_terre_1412845127435Oscars dans la catégorie du Meilleur documentaire (Citizen Four l’a remporté). « Mes parents sont très fiers du film. C’est au Festival de Rio, en septembre dernier, que mes parents l’ont vu pour la première fois et ils ont été vraiment très touchés, c’est leur histoire, et cette expérience a été très réparatrice pour notre famille », de conclure Juliano Ribeiro Salgado. « Sebastiao et moi, on avait un peu peur l’un de l’autre et le documentaire nous a rapprochés, surtout que nous partagions le même but dans cette aventure, soit de motiver la société à se transformer, montrer qu’on peut changer les choses, peu à peu, rendre le monde meilleur. »

Les frais de ce voyage ont été payés par UniFrance.

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Photo prise par Sebastiao Salgado

 

 

Bons baisers de Marseille

Avec LA FRENCH, Cédric Jimenez réalise un film ambitieux, retraçant le parcours véridique du juge Pierre Michel, qui, de 1975 à 1980, mena une guerre de tous les instants à la mafia de Marseille, dirigée par Gaëtan Zampa, afin de démanteler son réseau de trafic de stupéfiants. Jean Dujardin et Gilles Lellouche s’opposent dans les deux rôles principaux d’un récit qui met en lumière un héros français qui a lutté contre le crime organisé au péril de sa vie. 

Rencontré à Paris pour la promotion de son film, Cédric Jimenez nous rappelait qu’il est lui-même originaire de Marseille, une ville qu’il a quitté à dix-neuf ans pour aller vivre à New York. De retour en France depuis plusieurs années, le cinéaste de 38 ans, aussi producteur et scénariste, relate le tournage et les enjeux reliés à ce drame policier biographique aux couleurs de la côte d’Azur. 

Éditions Le Clap : C’est votre deuxième long métrage seulement, mais LA FRENCH est surtout un film très ambitieux, car il reconstitue toute une époque, celle des années 70, au grand écran. Était-ce difficile, techniquement et artistiquement, de plonger dans cette aventure?

Cédric Jimenez : Ah oui! Ça demandait une grande reconstitution historique. C’était ardu, mais en même temps, ça représentait un défi vraiment extraordinaire. Vous arrivez le matin, vous regardez le décor et vous faites : « Wow! Ça, c’est le cinéma! » On se retrouve dans une époque instantanément ave les décors, les voitures, les costumes. Mais, pour l’équipe et moi-même, nous avions à être très précis pendant le tournage, car évidemment tout coûte extrêmement cher et tout doit paraître crédible et concorder avec l’époque du combat du juge Michel. Le sud de la France, dans les années 70, ça n’avait pas non plus l’allure de Paris. Et Marseille, au cœur du film, est fort heureusement une ville photogénique, ensoleillée et très bien conçue pour tourner un drame policier avec ses rues, ses collines.

É.L.C. : Et du côté des comédiens, c’était facile de diriger Jean Dujardin et Gilles Lellouche, deux des grandes pointures actuelles du cinéma en France?

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Cédric Jimenez et Jean Dujardin.

C.J. : C’était super facile. On n’a pas besoin de les contrôler, car ils adorent ce qu’ils font. Je ne les connaissais pas avant, mais nous sommes devenus amis parce que le tournage s’est vraiment bien passé. Eux, ce sont de grands potes dans la vraie vie et leur énergie est contagieuse pour une équipe de tournage. Ils rendent les choses plus faciles sur un plateau tout en étant très professionnels.

É.L.C. : L’histoire est vraie et les familles du juge Michel et de Zampa savaient fort bien que film ramènerait dans l’actualité une aventure qui a été quand même douloureuse. À ce sujet, la famille de Pierre Michel a répudié LA FRENCH lors de sa sortie. Comment expliquez-vous cette volte-face puisque vous aviez reçu l’aval de la famille au départ, non?

C.J. : C’était vraiment étrange… Avec le recul, je pense que c’était relié à un problème de promotion, au boucan entourant la sortie du film en France. Ils avaient vu le film en juillet, bien avant sa sortie, et tout était OK. À la sortie, la situation a changé, la presse était beaucoup après eux et, fatalement, ils ont voulu prendre leurs distances et ils ne l’approuvaient plus. Ce sont des choses qui arrivent fréquemment avec les films biographiques.

É.L.C. : Était-ce difficile de rester collé à la vie du véritable juge Michel et en même temps de construire un personnage qui allait évoluer devant les caméras et être au cœur d’un film d’action qui nous tiendrait en haleine de bout en bout ave les codes du genre?

C.J. : C’était extrêmement difficile, car il fallait faire des choix, et ces choix concernent la vie réelle du juge. Malgré tout, je dirais que pour l’ensemble du film, on est à 80 % respectueux de tout ce qui est arrivé. Le juge Michel était un homme courageux, mais aussi très obsessif dans sa quête de justice. Il voulait aller jusqu’au bout. Il n’y a que quelques scènes plus intimes, plus familiales où là, on a inventé un univers, on a imposé une certaine vision que j’endosse comme réalisateur et scénariste. La famille de Zampa aussi a vu le film et ils ont bien aimé, et ce, même si on brossait le portrait d’un criminel de haut calibre.

É.L.C. : En France, il y a présentement un regain de popularité pour les drames policiers et les enquêtes judiciaires. Comment l’expliquez-vous?

C.J. : Les gens ont besoin de s’identifier à des héros, à des journalistes d’enquêtes, à des juges, à des enquêteurs, à des flics qui jouent le rôle de personnes ayant à cœur l’intérêt public. On est à la recherche de vérité, d’espoir. En ce moment, je crois que tout ça rejoint effectivement une grande partie de la population. Les gens y voient un combat qu’ils voudraient eux-mêmes mener s’ils en avaient la possibilité. Dans la population, il y a beaucoup de suspicion envers les institutions. Et d’avoir des modèles de héros, ça vient contrebalancer tout ça, je pense.

Les frais de ce voyage ont été payés par UniFrance. 

Petit coup d’oeil curieux sur Cannes.

 

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Le 68e Festival de Cannes se tiendra du 13 au 24 mai prochain et la programmation entière a finalement été dévoilée cette semaine. Par programmation entière, on parle de l’ensemble des films regroupés dans les quatre catégories de prestige du festival : la sélection des films en compétition, celle d’Un certain regard, de la Semaine de la critique, et enfin, celle de la Quinzaine des réalisateurs.

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Denis Villeneuve, réalisateur de Sicario

Si on jette un œil rapide sur la programmation entière, certains titres se démarquent. La compétition attire évidemment tous les regards, notamment cette année grâce à une sélection relevée regroupant des réalisateurs de renom dont les œuvres sont pour la plupart très attendues en 2015. Les films en compétition qui font saliver sont assurément Sicario de Denis Villeneuve, Dheepan, nouvelle réalisation de Jacques Audiard (De rouille et d’os) et Macbeth, mettant en vedette deux des meilleurs acteurs du moment, Michael Fassbender et Marion Cotillard. En séance de minuit, Love, le très attendu et sulfureux nouveau projet de Gaspar Noé (Irréversible) sera projeté en grande primeur.

Hors compétition, l’offre est tout aussi succulente avec l’adaptation animée du Petit Prince, le Woody Allen annuel ayant pour titre Un homme irrationnel, le remake de Mad Max avec l’incroyable Tom Hardy et un documentaire sur la défunte chanteuse britannique Amy Winehouse réalisé par le documentaire qui nous avait donné le touchant film sur Ayrton Senna. La section Un certain regard proposera entre autres Maryland dans lequel Matthias Shoenaerts jouera un ex-militaire de retour d’Afghanistan, chargé de protéger la femme d’un riche homme d’affaires libanais jouée par Diane Kruger. La Semaine de la critique n’est pas en reste avec, en ouverture, l’intrigant Les Anarchistes. Ce long métrage met en vedette Tahar Rahim (Le Prophète) et Adèle Exarchopoulos (La Vie d’Adèle) et relate l’infiltration d’un brigadier parisien dans un groupe d’anarchistes en 1899. Aussi, toujours dans cette section du festival, il faudra surveiller l’accueil qui sera réservé au film canadien Sleeping Giant, premier long d’Andrew Cividino.

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Benoît Poelvoorde dans Le Tout Nouveau Testament

Enfin, de façon totalement subjective, c’est surtout la programmation de la Quinzaine des réalisateurs qui, cette année, s’avère la plus alléchante. On pourra y découvrir Green Room de Jeremy Saulnier qui nous a donné l’un des films les plus forts et les plus inattendus de 2014, Blue Ruin. Son nouveau thriller se penche sur le destin d’un chanteur punk menacé de mort. Puis, la Quinzaine proposera aussi Le Tout Nouveau Testament de Jaco Van Dormael (Toto le héros), un ovni dans lequel Benoît Poelvoorde joue Dieu aux côtés de Catherine Deneuve. Enfin, c’est toujours dans cette section que l’on verra Fatima, un long métrage français coproduit par le Québécois Serge Noël et le court métrage Bleu Tonnerre réalisé par les Québécois Philippe David Gagné et Jean-Marc E. Roy, mettant en vedette le chanteur Dany Placard et l’actrice-chanteuse Isabelle Blais. Bref, on s’en reparle à la mi-mai et on lira avec attention les commentaires des journalistes québécois et étrangers qui auront la chance de se farcir ce programme filmique riche et varié, en direct de la côte d’Azur.

 

 

 

Étoiles en exil !

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Des étoiles, un film réalisé par Dyana Gaye

 

Alors qu’on vient de dévoiler la programmation montréalaise de Vues d’Afrique, il faut se rappeler à quel point les sorties en salle de films d’origine africaine au Québec sont rarissimes. Il y a bien eu récemment Timbuktu, puis, vendredi passé celle du film Des étoiles réalisé par Dyana Gaye. Ce sera possiblement les deux longs métrages émanant de ce continent à prendre l’affiche ici cette année.

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Dyana Gaye, réalisatrice

Avec Des étoiles (coproduction franco-sénégalaise), Dyana Gaye, née à Paris d’un père sénégalais et d’une mère française, réalise son tout premier long métrage, et ce, après avoir conçu de nombreux courts au fil des dernières années. Rencontrée à Paris pour donner des détails sur sa plus récente réalisation, la cinéaste confirme que malgré son origine française, on la voit avant tout comme une artiste sénégalaise. Il faut cependant avouer que ses racines prennent une forte place dans son œuvre puisque Des étoiles raconte le parcours de Sophie, une jeune femme qui quitte le Sénégal pour retrouver son mari Abdoulaye à Turin, ne sachant pas que ce dernier est parti trouver du travail à New York. On y suit également, dans un cheminement inverse, Thierno, un jeune homme qui se retrouve dans le pays de ses ancêtres, peu familier avec les traditions et le mode de vie sénégalais. « J’adore les films choral, les histoires multiples », de préciser Dyana Gaye. « J’avais envie de parler de la vie à Dakar, de parler à travers la voix d’une femme, celle de Sophie qui part pour l’Italie ».

Quand on lui demande pourquoi elle a choisi Turin plutôt que Paris comme destination pour son personnage, Dyana Gaye confirme que la ville italienne est devenue une véritable terre d’accueil pour les immigrantes de tous les pays depuis plusieurs années. « Il y a une très forte immigration féminine là-bas. On y retrouve des travailleuses en provenance d’Europe de l’Est, d’Afrique de l’Ouest, d’Amérique du Sud. Ces exilées exercent des métiers de femmes si je peux permettre, des aide-ménagères, des femmes qui s’occupent des personnes âgées et, évidemment, celles qui hélas finissent prostituées ».

Incarner les migrants autour de figures féminines fortes et raconter tout simplement la diaspora sénégalaise, voilà les buts que s’était fixés la cinéaste qui précise du même coup : « Y a aussi les voyages de Des-Etoiles_portrait_w193h257retour que je voulais montrer, la quête de ceux qui veulent voir leur pays d’origine, retourner en Afrique sur la terre de leurs ancêtres. Le Sénégal, c’est bien sûr lié à mes propres origines, mais mon film aurait aussi pu mettre en scène des Indiens ou des Colombiens dans un contexte similaire. Le principal, c’est l’idée de circulation, de migration humaine, de cohabitation des cultures.

Dyana Gaye qui a travaillé avec plusieurs acteurs non professionnels pour la fraîcheur qu’ils apportent à sa mise en scène, s’attriste de constater que l’industrie du cinéma au Sénégal est presque morte et enterrée. « C’est dramatique, y a même pas un film par an qui se réalise là-bas. Le Sénégal a fourni de l’aide logistique pour la coproduction et symboliquement le pays était intéressé à la réalisation du film, mais il n’y a plus de salles pour le présenter. Des étoiles a été présenté à la télé là-bas, devant une forte audience, car le cinéma comme tel n’existe plus. Les gens regardent les films à la télé. On touche alors à un large public, mais qui ne se déplace plus pour voir les œuvres », d’affirmer la réalisatrice.

Si la sortie en salle au Québec d’un film racontant ce type d’histoire relève de l’exception, Dyana constate qu’en France son long métrage a été reçu comme un film typiquement sénégalais, une œuvre portant uniquement sur l’immigration africaine. « Comment éviter ce regard très français, d’être toujours ramené à mes origines? On ne sait pas où me ranger, car je ne fais pas partie d’un courant, donc on me ramène inévitablement à mon origine africaine, c’est une case inévitable », dira-t-elle. « Positionner mon travail dans un marché global, c’est plutôt difficile, donc on ramène le tout à la géographie. Mais, avec mon prochain film, même s’il se passe entre le Sénégal et la Louisiane, je tenterai d’apporter un autre regard sur ma création, car ce film prendra la forme d’un carnet de voyage très musical », de conclure cette artiste pleine d’espoir.

Les frais de ce voyage ont été payés par UniFrance.

Houellebecq et son alter ego

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Depuis un an, Michel Houellebecq semble être partout; en librairie et dans les médias, notamment parce que son nouveau roman Soumission est paru avec fracas en janvier, mais aussi parce qu’il a fait l’acteur à deux reprises dans des films qui sont sortis sur grand écran en France. En fait, l’auteur de La Possibilité d’une île, déjà remarqué au Festival d’été de Québec après avoir lancé en 2000 un album de chansons, s’est retrouvé dans Near Death Experience, de Kervern et Delépine, jouant un homme en burnout, obsédé par des pensées suicidaires qui décide de fuir vers les montagnes. Puis, on l’a vu dans L’Enlèvement de Michel Houellebecq, jouant son propre rôle dans cette œuvre iconoclaste qui prendra l’affiche vendredi à Québec et Montréal.

a634cc62f3087ccf02b73a278052af2dLe titre de ce dernier long métrage rappelle les rumeurs portées par les médias voilà quelques années au sujet de la disparition de Houellebecq et d’un possible enlèvement. Étrangement quand on rencontre Guillaume Nicloux (Cette femme-là, La Clef), réalisateur du film, on est étonné de voir la ressemblance frappante avec l’auteur des Particules élémentaires; une ressemblance autant physique que dans le phrasé lent et posé qui caractérise si bien l’écrivain. « En termes de temporalité, on prend du temps, Michel et moi, pour réfléchir », de commenter passivement Nicloux lorsqu’on lui fait la remarque.

Cela dit, son film raconte simplement, et par l’absurdité, le kidnapping de Houellebecq qui se retrouve dans une maison de campagne avec ses ravisseurs. Au menu, dialogues surréalistes, fumage de clopes, briquets défectueux et tergiversations intellectuelles autour de H.P. Lovecraft dont Houellebecq avait écrit la biographie avant d’être reconnu comme romancier. Il fallait un certain culot pour mettre en scène l’auteur dans son propre rôle. « Michel a rapidement marqué son intérêt pour participer à l’aventure. Il a validé l’ensemble du projet sans pour autant intervenir dans la construction même du récit. Je pense que Michel était intéressé à mon film à cause de l’énorme rapport charnel qui s’installe entre les personnages, et ce, même si les dialogues ont une place prépondérantes dans l’ensemble », de préciser Nicloux.

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Guillaume Nicloux, réalisateur

Début 2015, Houellebecq a soulevé la controverse avec Soumission, roman dans lequel il relate la victoire électorale d’un parti politique de confession musulmane en France. Il y a lieu de se demander si le film serait différent s’il était refait aujourd’hui compte tenu de tout le charivari provoqué par le lancement du livre qui a coïncidé avec l’attentat contre Charlie Hebdo? Là-dessus, Guillaume Nicloux se permet ce commentaire qui semble émaner d’un humanoïde passif plutôt que d’un cinéaste terrien : « Je suis incapable de penser en ces termes. Ce qui est fait est fait. Je suis incapable de me projeter dans quelque chose qui serait à refaire, mon cerveau n’est pas fait pour ça ». Puis dans une tirade houellebecquienne il ajoute : « J’ai une relation très endeuillée avec mes films. Je ne les revois jamais. Je n’ai aucune nostalgie envers mes films, que des regrets ».

Nicloux, intellectuel posé et créateur pensif, terminera cette entrevue parisienne en donnant quelques détails sur le nouveau film qu’il vient d’achever et qui porte sur un couple qui a perdu son enfant. À sa mort, le jeune homme leur a laissé une lettre leur demandant de se retrouver, ensemble, dans la vallée de la Mort, aux États-Unis. Ce couple, séparé depuis longtemps et frappé par la douleur de cette perte récente, s’y rendra afin de s’y recueillir. Isabelle Huppert et Gérard Depardieu jouent les parents. Ce fut un tournage très troublant. Gérard a fait un travail d’introspection dans le film à cause de la perte douloureuse de son propre fils, Guillaume », de conclure le frêle réalisateur qui pourrait voir son long métrage en compétition à Cannes en mai prochain.

Les frais de ce voyage ont été payés par UniFrance.