Cannes thérapie!

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À défaut d’être à Cannes pour couvrir son incontournable festival de cinéma annuel, j’ai suivi l’événement par procuration en lisant les nombreux textes publiés par des collègues journalistes, critiques et blogueurs qui avaient la chance d’être sur place cette année. La présentation, en compétition, du cinquième long métrage de Xavier Dolan, était aussi attendue que l’arrivée du printemps. Dès sa présentation en projection de presse puis devant public quelques heures plus tard, le tsunami médiatique faisait rage. Nous avons donc eu droit à une pluie déferlante de compliments venant de ses défenseurs et fans de la première heure, mais aussi à des injures et des propos assassins émanant de ses dénigreurs (ou haters, terme utilisé abondamment sur les réseaux sociaux) les plus virulents. Dieu vomit les tièdes pouvons-nous résumer, car, ne le nions pas, Dolan et ses films polarisent les journalistes comme le public!

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Tout le monde a son mot à dire! Tellement, que je me suis demandé pourquoi j’en rajouterais à mon tour. Difficile aussi de passer à côté du phénomène, ardu de rester en marge de la discussion. Que puis-je affirmer de nouveau dans tout ce boucan infernal sinon que s’il ne faut retenir qu’une chose de tout ce brouhaha des derniers jours, c’est l’intérêt mondial, indéniable et grandissant, pour le jeune réalisateur québécois et son œuvre. Une reconnaissance maintenant offerte par ses pairs (le jury) lors du plus grand festival dédié au 7e art. Qu’on aime ou non la personnalité de Dolan, qu’on supporte ou non la fièvre de ses films, on peut quand même, d’un point de vue chauvin, être fier du travail qu’il accomplit, qu’il porte à bout de bras, en brandissant son appartenance au Québec, son amour pour sa culture, et ce, sans pousser inutilement sur la note nationaliste.

À Cannes, le ton de son nouveau film, selon la presse internationale, venait rompre avec celui plus docile et conforme des œuvres présentées cette année en compétition; que ce soit celle d’Egoyan, de Ceylan, de Leigh ou de Loach. On imagine encore plus mal un film édenté comme Le Règne de la beauté à travers cette liste. L’électrochoc semblait nécessaire pour les médias et pour le gratin qui n’attendaient que la venue d’un enfant prodige, d’un allumeur vif et coloré. De l’autre côté de l’Atlantique, nous devions peser les nombreux pour et les quelques contre qui traversaient l’océan dans un raz-de-marée où s’abreuvaient Twitter et Facebook. On pouvait se dire que depuis ses débuts Dolan est parfois surprotégé et ses films surestimés. Se dire qu’avec sa verve, sa personnalité bouillante et ses réalisations clinquantes, il dérange autant qu’il bouscule. Mais n’est-ce pas le propre du cinéma de nous bousculer? On a tendance à l’oublier, au théâtre, en musique et littérature aussi. La bousculade est bienvenue, car n’importe quel critique vous dira que le plus difficile dans ce métier est d’évaluer un film qui vous laisse froid. Pas de danger d’engelure avec ceux de Xavier Dolan!

Peu à peu, grâce à son élan cinématographique stakhanoviste, le jeune réalisateur devient une sorte de porte-étendard du cinéma québécois nouveau sans pour autant qu’on puisse l’associer à ses confrères. Certains parleront de notre cinéma en citant des réalisateurs de talent comme Denis Côté, Denis Villeneuve, Sébastien Pilote ou Stéphane Lafleur. Spécifions que Dolan a plus ou moins quinze ans de plus jeune que ces derniers et cinq longs métrages à son actif lancés au rythme infernal de un par année. Pas étonnant qu’il se dise lui-même à bout de souffle. Sa jeunesse et sa productivité, je le répète, font qu’il se démarque actuellement sur la scène québécoise mais aussi mondiale. Cependant, son travail ne peut présentement être relié à un quelconque courant cinématographique. Dolan est un loner même si ses influences, volontaires ou non, transparaissent. Ça aussi, ça agace. Son style va également à l’encontre de l’éloge de la lenteur qui caractérise le cinéma de ses confrères québécois actuels, qui eux, semblent en lutte face à la génération MusiquePlus.

Cela dit, l’ouragan MOMMY a jeté un peu d’ombrage sur d’autres films présentés à Cannes dans les différentes sélections et qui seront aussi à surveiller durant l’année : Party Girl, The Tribe, Tu dors Nicole, The Salvation, et Lost River. L’idéal serait que ces longs métrages, souvent singuliers et qui ont attiré l’attention ces derniers jours, prennent l’affiche rapidement dans nos salles. Faut bien battre le fer quand il est chaud. Hélas, les distributeurs locaux ne semblent pas penser ainsi. MOMMY sortira au cinéma en septembre ou octobre prochain, nous laissant le temps de discourir sur la personnalité de son réalisateur tout l’été…

Pour conclure, je ne sais si j’aimerai ou non MOMMY n’étant pas vendu d’avance à la démarche artistique qu’emprunte Dolan dans toutes ces réalisations. Je m’en confesse, j’ai détesté Laurence Anyways, mais j’ai adoré Les Amours imaginaires. Pour d’autres, c’est tout le contraire. Ce qui est sûr, c’est que je serai le premier à faire la file pour voir son nouveau film afin de me faire ma propre opinion, afin de m’abreuver de ce cinéma atypique qu’il nous offre, cinéma qui nous agresse lors d’une scène avec ses dialogues survitaminés, puis, qui dans une autre, nous transporte grâce à son imaginaire fertile et sa fougue contagieuse. Le débat autour de Dolan et de ses films ne fait que commencer et continuera longtemps de nourrir la bête cinéphile; une bête parfois trop froide et méchante, parfois trop chaude et enjouée, mais jamais tiède.

 

Attila et Henri en toute candeur.

Vous avez possiblement vu le comédien français Guillaume Gouix au petit écran dans la première saison de la série télé Les Revenants. Vous aurez l’occasion, de par son talent, de le revoir souvent ces prochaines années au grand écran, lui qui partagera l’affiche en 2014 avec Jean Dujardin pour La French et avec Isabelle Adjani pour Sous les jupes des filles. Gouix, à peine 30 ans,  baigne dans le milieu de la télé et du cinoche depuis près de 15 ans.

Rencontré à Paris, en janvier, à l’invitation d’Unifrance, lors de la promotion internationale d’Attila Marcel, film dans lequel il tient le premier rôle, Guillaume Gouix est apparu comme un être enjoué, spontané et taquin sur les bords. Alignant les pitreries pour détendre l’atmosphère en début d’entrevue, il s’est même amusé à imiter l’accent québécois, avec un certain succès, faut-il le dire, pour un français d’origine qui habituellement massacre nos intonations.

Sa personnalité d’adulescent a assurément pu séduire Sylvain Chomet (Les Triplettes de Belleville), réalisateur de cette comédie fantaisiste, qui en a fait son personnage principal. En effet, Paul/Attila Marcel est un jeune homme muet, doué pour la musique et couvé par ses deux tantes âgées. Sa rencontre avec Madame Proust va lui faire comprendre l’origine de son  mutisme, traumatisme qui remonte à la perte de ses parents dans son enfance.

guillaume-gouix-attila-marcelEn entrevue, le comédien avoue qu’aux essais, il n’a rien fait, préférant être passif plutôt qu’expressif, choix qui a sûrement plu à Chomet puisqu’il a obtenu le rôle illico. Gouix a adoré son expérience, n’hésitant pas à encenser le talent de Chomet, la force de son univers et l’avantage d’être entouré sur le plateau de comédiennes aguerries comme Anne Le Ny, Hélène Vincent et la défunte Bernadette Lafont dans son tout dernier rôle.

Si le film mise, bien sûr, sur le charme candide de Gouix, il table aussi sur un esthétisme vieillot et naïf qui n’est pas sans rappeler celui de L’Écume des jours de Michel Gondry et du Fabuleux Destin d’Amélie Poulain de Jean-Pierre Jeunet. L’univers innocent, caricatural et coloré d’Attila Marcel est aussi très proche, dans sa forme, de celui de la bande dessinée. Ces textures très européennes, rarement exploitées au cinéma québécois, nous pourrons bientôt les retrouver dans nos salles si on se fie aux premières images tirées du film Henri Henri.

Henri-Henri_frAu départ intitulé Le Relampeur, ce « conte » réalisé par Martin Talbot, devrait sortir l’automne prochain. L’histoire est prometteuse et la direction photo de Mathieu Laverdière riche et presque féérique. Avec à ses côtés Sophie Desmarais, Victor Andres Turgeon-Trelles (Le Torrent)  joue Henri, un jeune homme qui travaille à changer des ampoules brûlées et à entretenir des luminaires. Consacrant sa vie à mettre de la lumière dans la vie des gens, il ne parvient pourtant pas à sortir lui-même de l’obscurité. Il se donnera comme but d’aider ceux qui, à son image, peinent à sortir de la noirceur.

Avec Paul/Attila interprété par Gouix et Henri joué par Turgeon-Trelles, nous découvrons deux âmes candides, sensibles et déterminées à changer leur destinée. D’ici la sortie prochaine d’Henri Henri, le monde d’Attila Marcel s’offre à nous. Âmes cyniques s’abstenir.

 

 

 

De Cannes à Winnipeg.

 

Le Festival de Cannes se déroule présentement et les médias d’ici ont souligné, avec raison, l’importante présence canadienne qui s’y trouve cette année en compétition ou non (quatre longs métrages signés par Xavier Dolan, David Cronenberg, Atom Egoyan et Stéphane Lafleur, et deux courts métrages, dont Jutra qui a précédemment fait l’objet d’un texte sur ce blogue). Au contraire de Dolan et Lafleur qui sont vus comme des cinéastes de la relève, Egoyan et Cronenberg, eux, profitent d’une réputation enviable à l’échelle internationale depuis de nombreuses années à titre de porte-étendards du cinéma « Made in Canada. » Il fait bon de les revoir sur la croisette avec The Captive et Maps to the Stars mais on ne peut que constater, du même coup, l’absence de relève au Canada anglais. Au Québec, ce n’est plus André Forcier ou Denys Arcand qui attirent les regards des cinéphiles et critiques internationaux, mais les Dolan, Villeneuve, Falardeau, Lafleur, Nguyen, Côté et autres qui se font un nom à travers la présentation de leurs films dans les différents festivals à travers le monde.

À l’inverse, impossible actuellement de nommer de jeunes réalisateurs du ROC prometteurs et audacieux ou de citer des œuvres marquantes réalisées récemment par une nouvelle génération d’artisans. Hormis le plus que marginal Bruce LaBruce (L.A. Zombies, Gerontophilia) qui navigue dans les eaux de drames ou de comédies alliant orientation sexuelle amorale et horreur apocalyptique, c’est le désert de glace au Canada. Il y a sûrement quelques voix qui mériteraient notre attention, mais elles peinent à se faire entendre en dehors de leur province, voire d’un océan à l’autre comme ils disent. Où sont les visages de demain en réalisation en provenance de Vancouver ou de Toronto? Faut-il les chercher à Halifax, Saskatoon ou Winnipeg? Peut-être bien…

À cet effet, c’est dans la capitale manitobaine que l’on peut découvrir un mouvement cinématographique novateur, isolé et marginal, le « Winnipeg Brutalism », lancé par un jeune réalisateur de l’endroit Ryan McKenna à l’occasion de la sortie de son long métrage The First Winter (inédit au Québec, mais présenté voilà deux ans au FNC de Montréal). Voici les sept règles du manifeste, aux couleurs très locales, tel que décrites par McKenna sur son site Internet :

1. Winnipeg Brutalism is a new cinema of Winnipeg. Stark and austere, it is like a Québec cinema, but with jokes.

2. Winnipeg Brutalism is a cinema of winter and of darkness. Exterior shots are to be filmed only between the Winter Solstice and the Vernal Equinox, and only at night.

3. Winnipeg Brutalism is very strict. Each Brutalist film must contain at least one (unfaked) blizzard.

4. Winnipeg Brutalism is an urban nightmare. The Brutalist film allows no beauty upon the Winnipeg landscape. The streets are empty, the buildings are abandoned, human drama is devoid of any warmth or compassion.

5. Winnipeg Brutalism is an outsider cinema. It must be pulled out of your own blood, uncontaminated by the neutering dogma of any Canadian “Institutes” or “Film Centres” or any other forced sterilization campaigns.

6. Winnipeg Brutalism becomes more brutal still if the director is kept in a perpetual state of discouragement. Living in squalour, avoiding sunlight, and eating only processed foods will only heighten the success of a Brutalist film production.

7. Winnipeg Brutalism is stark and it is real. The viewer must be Brutally exposed to the elements – there can be no reassuring lambs wool of artifice, formalism or phantasmagoria.

Si, pour l’instant, on ne doit pas prendre trop au sérieux ce manifeste, il a au moins l’audace de susciter la curiosité, de lancer une initiative et de concrétiser une démarche qui pourrait réveiller la créativité cinématographique encore trop marginale à l’ouest de Gatineau. L’exemple n’est pas sans rappeler celui du Dogme95 initié au Danemark par plusieurs réalisateurs de l’endroit, dont Lars von Trier et Thomas Vinterberg et qui avec Festen, présenté à Cannes en 1998, donnait le coup d’envoi de leurs préceptes mis au grand écran. D’ailleurs, McKenna avoue être influencé par les films scandinaves, surtout ceux de Kaurismäki.

Bref, ce printemps, à Cannes, on surveillera attentivement l’accueil réservé aux films canadiens, ceux des vétérans Egoyan et Cronenberg et ceux des jeunes loups, Dolan et Lafleur. Il faudra aussi garder un œil amusé et curieux sur Winnipeg, là où les nuits brutales peuvent être longues et froides, des nuits qui pourraient voir naître l’avenir du cinéma canadien, hors Québec, qui sait ?

 

Jodorowsky, un résistant!

Je me souviens d’Alejandro Jodorowsky. Je me souviens, fin 80, d’avoir entendu son nom étrange à consonance russe, ce nom relié à un artiste hors normes en réalité chilien de descendance ukrainienne et juive. Réalisateur mythique, voire mystique, dans la lignée des Bunuel, Arrabal ou Pasolini, Jodorowsky a longtemps été perçu comme la version hard de Fellini. Mais à l’époque, impossible de mettre la main sur ses films dans les différents clubs vidéo. Des longs métrages qui ne passent pas à la télé, qui sont associés au « cinéma de minuit », au scandale de leur sortie respective et pourquoi pas à  la consommation d’office de stupéfiants euphoriques et initiatiques de la part de ses fans de la première heure.

Alejandro Jdorrowsky

Alejandro Jodorowsky

Quelques années plus tard, des amis, lecteurs boulimiques de bandes dessinées, me font découvrir sa série L’Incal (dessinée par Moebius), dont il assurait le scénario. Puis, dans la même veine, j’ai lu avec avidité ses nombreuses séries BD fantaisistes comme Le Cœur couronné, Le Métabaron, Le Lama blanc, Alef-Thau et Face de lune. Dès lors, j’ai recherché passionnément ses œuvres. J’ai emprunté ses livres, essais et romans, à la bibliothèque et j’ai finalement réussi à mettre la main sur ses films : Fando et Lis et Tusk grâce aux copies conservées à l’Université Laval. Santa Sangre et Le Voleur d’arc-en-ciel sont finalement devenus disponibles au Québec en format VHS et El Topo et La Montagne sacrée ont été réédités en DVD dans un coffret formidable et inespéré après une longue bataille concernant les droits d’auteur. Bref, le bonheur!

Philosophe et penseur doté d’humour cinglant, fumiste pour les uns, expert en tarot de Marseille pour les autres, mime qui a travaillé avec Marcel Marceau, Jodorowsky a côtoyé et travaillé avec les plus grands, de Raymond Devos à H.R. Giger. Il a créé le Théâtre Panique avec Arrabal et Topor et a voulu adapter dans une démesure que lui envierait Terry Gilliam l’univers de Dune de Frank Herbert. Aujourd’hui, à 85 ans, il lance son septième long métrage, La Danse de la réalité, une œuvre baroque inspirée grandement de son enfance. Un film qui dérange et dans son traitement semblant provenir d’une autre époque. Un long métrage maladroit, initiatique, plein de tics et rempli de symboles surréalistes, de marginaux et d’estropiés, de violence et d’amour. Tout est « trop trop » chez Jodo, mais c’est aussi pourquoi son imaginaire est si essentiel et qu’éventuellement, il nous manquera grandement.

Rencontré à Paris, en janvier dernier, à l’invitation d’UniFrance, le cinéaste parlait aisément de ce nouveau film avec beaucoup de fierté. Il affirmait que tout ce qui se retrouvait dans La Danse de la réalité venait de lui, que personne n’avait faussé sa vision artistique, qu’il avait travaillé en totale liberté. Chose rare aujourd’hui dans le septième art. Il déplorait d’ailleurs la machine à faire des sous qu’est devenu le cinéma, un domaine qui ne relève plus des arts proprement dit. D’ailleurs, quand on demande à Jodorowsky quel est le futur du cinéma, il répond que son avenir se situe dans les musées. « C’est dans les musées qu’on montrera le cinéma d’art. La Danse de la réalité sortira d’ailleurs aux États-Unis au MOMA (Museum of Modern Art). Les musées, aujourd’hui, sont comme des Disney Land de l’art conceptuel et moderne. Et c’est très bien. Que les musées deviennent des imprésarios de spectacles! Le cinéma sauvera les musées », dira-t-il l’œil amusé.

On peut être en accord ou non avec sa vision des choses, vision un peu réductrice diront certains. Ce qui est sûr cependant, c’est que la cohabitation des blockbusters et des films d’auteurs dans les salles « habituelles » est des plus menacée. Le salut du cinéma d’auteur, du cinéma d’art, du cinéma de réflexion et de création passe-t-il par les musées? L’avenir nous le dira,, mais ce serait sûrement dommage! Pendant ce temps, de voir le Clap s’associer au Musée de la civilisation (où on y présente La Danse de la réalité) n’a rien d’étonnant et rejoint un peu la pensée de Jodorowsky. Ce qui surprend cependant, c’est la réalité actuelle qui frappe nos musées ici à Québec, mais aussi ailleurs au Canada. Investir dans du béton d’un côté et couper dans les services offerts et la main-d’œuvre de l’autre. Allez comprendre. Le milieu de la culture est actuellement comme une bobine de film en salle de montage. Il est victime de trop nombreuses coupures, sa survie est mise en péril, tout comme celle des musées malgré tous les espoirs du cinéaste chilien. Mais ça, c’est une autre histoire direz-vous, un autre combat à mener… Et ce combat, comme la réalisation en toute liberté d’une œuvre atypique comme La Danse de la réalité, c’est s’engager dans un acte de résistance.

**Voici un lien et un extrait, tous deux tirés  de l’entrevue réalisée à Paris avec Jodorowsky:

Jodorowsky s’exprime sur la violence dans son film et celle au quotidien dans le monde.

Uvanga, film de souche.

Le film UVANGA de Marie-Hélène Cousineau et de Madeline Piujuq arrive en salle de façon discrète, mais ce serait dommage de n’y prêter aucune attention. Il s’agit d’un rare long métrage (le deuxième du tandem après Le Jour avant le lendemain) qui s’intéresse à la vie d’aujourd’hui au Nunavut. On se retrouve très au nord, dans le Grand Nord canadien, dans le village d’Igloolik, situé non loin de l’île de Baffin. Une femme et son fils arrivent de Montréal. La mère veut que ce dernier renoue avec ses racines inuites, sa famille d’origine et les mœurs du village où il a été conçu. Le père de l’adolescent, lui, est décédé sur place quelques années auparavant dans des circonstances nébuleuses.

Sans être un thriller ni un documentaire, cette fiction contemporaine donne la chance à  Marie-Hélène Cousineau de mettre en scène la réalité d’aujourd’hui au Nunavut et particulièrement à Igloolik. C’est là-bas qu’elle et Zacharias Kunuk, réalisateur d’Atanarjuat ont mis sur pied un centre d’accès vidéo et ainsi développer, au fil des ans, une certaine expertise filmique chez les gens de la place. La compagnie de production est implantée dans le village où habitent d’ailleurs la plupart des techniciens qui ont travaillé sur UVANGA. « Pour que le film aboutisse, il fallait que plusieurs femmes influentes du village embarquent dans l’aventure et acceptent que l’on montre des réalités qui ne sont pas toujours roses, mais qui dépeignent ce qui se passe dans le Nord », dira la réalisatrice.

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Marie-Hélène Cousineau, cinéaste

En voyant UVANGA (signifiant moi-même en inuktitut), on s’étonne du naturel sur grand écran dont font preuve l’ensemble des acteurs et actrices, tous non-professionnels (hormis Marianne Farley qui joue le rôle de la mère). Des comédiens qui, de par les infrastructures mises en place, sont habitués depuis longtemps aux caméras. D’ailleurs, une série d’émissions a été tournée à Igloolik pour le réseau APTN (Aboriginal People’s Television Network), tout comme de nombreux documentaires et courts métrages. Revenant sur la qualité de leur jeu, Marie-Hélène Cousineau souligne qu’elle et Madeline ont dû offrir quand même quelques ateliers et du coaching pour arriver à un certain niveau de qualité. Marianne, quant à elle, devait s’adapter au style de jeu des locaux. « Les Inuits n’ont pas de grandes expressions faciales, ils ne crient pas fort. C’est une grande différence avec nous », d’ajouter la cinéaste. Elle affirmera que son film donne aussi l’occasion de mieux connaître ce milieu, d’aller à la rencontre de l’autre, de se familiariser avec les rapports entre Inuits, de voir ce qu’ils mangent et même de constater qu’ils ont eux aussi un été.

Au Québec, si le défunt Arthur Lamothe s’est longtemps passionné à travers son œuvre pour les communautés autochtones, rarement le cinéma d’ici s’est montré intéressé à dépeindre la vie autochtone. Étonnamment, depuis deux ans c’est le phénomène inverse qui se produit. Plusieurs films abordant cette réalité comme Mesnak, Sur les ailes de Johnny May, 3 histoires d’Indiens, Maïna et Rhymes for Young Ghouls ont été lancés récemment. Bien qu’elle s’en réjouisse, Marie-Hélène Cousineau estime que le Canada anglais est encore bien plus ouvert que nous aux cultures autochtones. Tout en assurant la promotion d’UVANGA, la cinéaste confirme travailler actuellement sur son prochain film, un long métrage documentaire abordant de plein front la question du suicide chez les Inuits. Un projet important pour cette artiste engagée qui n’a pas froid aux yeux.