Et novembre 2017 en 10 titres

Novembre, le mois des Morts, est des plus ravissants cette année en ce qui concerne la diversité des titres qui prendront d’assaut les écrans de cinéma. Riche et varié en longs métrages en tous genres, le calendrier nous permettra de voir des blockbusters comme le troisième volet des aventures du dieu scandinave Thor, La Ligue des justiciers réunissant la crème des superhéros de DC, une nouvelle mouture du Crime de l’Orient-Express avec Johnny Depp et Daisy Ridley, des biopics sur la chanteuse Barbara et sur Churchill, des longs métrages québécois comme RadiusY’est où le paradis?, Radius et Nous sommes les autres, des films d’animation pour toute la famille comme The Star et Coco, des œuvres indépendantes signées Greta Gerwig (Lady Bird), Todd Haynes (Wonderstruck), Richard Linklater (Last Flag Flying) et Andy Serkis (Breathe) et qui, dans ce dernier cas, amènerait Andrew Garfield jusqu’aux Oscars. Essoufflant tout ça, et c’est sans compter les dix titres suivants, tous fort attractifs et à mettre selon moi en priorité dans votre agenda de sorties.

1- La Petite fille qui aimait trop les allumettes : Cinquième réalisation de Simon Lavoie (Le Torrent) qui adapte ici le singulier roman de Gaétan Soucy à la façon d’un Michael Haneke ou d’un Béla Tarr. Une œuvre achevée, âpre et troublante, tournée en noir et blanc, centrée sur une cellule familiale dysfonctionnelle. Une réussite pour les amateurs du genre.

The Florida Project

2- The Florida Project (Mon royaume en Floride) : La rumeur est excellente concernant ce deuxième long métrage de Sean S. Baker (Tangerine). À Orlando, une petite fille de six ans vit dans un motel avec sa jeune mère. En compagnie de ses amis, elle explore le voisinage situé à deux pas de Disney World, sous l’œil protecteur d’un employé du motel joué par Willem Dafoe.

3- Junior majeur : À nouveau réalisée par Éric Tessier, la suite du film Les Pee-Wee 3D met toujours en vedette Antoine Olivier Pilon en jeune hockeyeur qui rêve de faire carrière dans la Ligue nationale. Ici, il doit faire face aux intenses rivalités entre les équipes et les joueurs de la Ligue de hockey junior majeur du Québec.

4- Petit paysan : L’acteur français Swann Arlaud crève l’écran dans le rôle d’un jeune fermier prêt à tout pour sauver son troupeau alors que la maladie de la vache folle vient de s’attaquer à l’une de ses bêtes. Un drame français intimiste et touchant qu’il ne faut pas rater.

5- The Racer and the Jailbird (Le Fidèle) : Du réalisateur flamand Michaël R. Roskam (auteur de l’étonnant Bullhead), ce polar romantique haletant met en scène les excellents Matthias Schoenaerts (De rouille et d’os) et Adèle Exarchopoulos (La Vie d’Adèle).

6- The Killing of a Sacred Deer (La Mise à mort du cerf sacré) : Le Grec Yórgos Lánthimos ne fait pas les choses à moitié. Ses films déconcertent, déstabilisent, dérangent. Et il semble que ce nouvel opus ne fasse pas exception. Colin Farrell et Nicole Kidman jouent ici un couple avec enfants qui accueille un adolescent qui viendra férocement bouleverser  leur petite vie embourgeoisée.

7- Sweet Virginia : En langage cinématographique, on parle ici d’un sleeper, soit d’un long métrage sorti de nulle part, suscitant une vive réaction positive dans tous les festivals où il a été présenté. Mettant en vedette l’excellent Jon Bernthal (The Punisher), Sweet Virginia raconte comment un tueur s’immisce dans la vie d’un propriétaire de motel. À classer dans la section des thrillers indépendants angoissants. Prions pour qu’il prenne l’affiche à Québec.

8- L’Amant double : François Ozon présente son offrande annuelle, une œuvre aussi tordue que certains de ses premiers films (Les Amants criminels, Gouttes d’eau sur pierre brûlante). Jérémie Rénier joue des jumeaux psychiatres, Marine Vacth, celle qui est déchirée entre ces deux hommes. Une réussite cinématographique située à mi-chemin entre les univers d’Hitchcock et de Cronenberg.

L’Amant double de François Ozon

9- Crise RH (Corporate) : Thriller à la française qui démontre toute la froideur clinique de la gestion des ressources humaines dans les grandes entreprises. Céline Sallette et Lambert Wilson jouent leurs partitions à merveille. Un film nécessaire, dénonçant le manque d’humanisme en milieu du travail.

10- The Square : Assurément l’un des cinq meilleurs films de 2017. Après Force majeure, le cinéaste suédois Ruben Östlund nous revient avec un récit où les malaises s’accumulent et se déploient au cœur d’un musée d’art contemporain et de la haute bourgeoisie qui le fréquente. Il se dégage de cette production une critique sociale aussi réjouissante qu’acerbe.

Nourriture de genre

Des films de genre au Québec, surtout d’horreur, au Québec, il s’en fait peu. Robin Aubert, lui, ne s’en cache, adore ce genre. Le cinéaste et acteur vient d’ailleurs d’accoucher d’un long métrage survivaliste à la sauce zombies ayant pour titre Les Affamés (en salle depuis vendredi). Voici le résumé de ma rencontre avec Marc-André Grondin, acteur principal des Affamés, et avec son réalisateur, originaire de Ham-Nord dans les Cantons-de-l’Est, lieu de villégiature bucolique propice à un univers apocalyptique, là où le film s’est tourné.

Éditions Le Clap : Patrick Senécal, romancier spécialisé dans les récits d’horreur, a souvent dit que les subventionneurs (SODEC et Téléfilm Canada) sont très frileux quand il s’agit de financer des films d’horreur ou fantastiques. Est-ce toujours le cas?

Robin Aubert et un zombie

Robin Aubert : Oui, c’est encore difficile. Il faut avoir la couenne dure et en même temps, il faut demeurer optimiste quand un projet nous tient à cœur. Quand tout le monde s’entend pour dire que ton scénario est bon, bien la SODEC n’a pas le choix de suivre et finit par financer le film. C’est un peu ça qui s’est passé dans notre cas.

ÉLC: L’histoire est simple. On se retrouve à la campagne et des survivants tentent de fuir les zombies qui errent dans les champs et les boisées sans qu’on sache pourquoi ils sont devenus des affamés de chair vivante. Pourquoi avoir tourné en dehors de la ville, à Ham-Nord plus précisément?

RA : J’ai écrit le film là, dans ma grange. J’étais inspiré par les lieux. Je suis enraciné dans mon coin de pays, c’est là où j’ai grandi. Mes zombies, ce sont des gens du coin, ma famille, mes amis. Je voulais filmer cette ambiance-là et la montrer au cinéma.

ÉLC : Marc-André, vous jouez Bonin, le personnage central des Affamés. Un premier rôle québécois dans un long métrage de zombies, ça ne se refuse pas?

Marc-André  Grodin : Quand tu te fais offrir un film de Robin Aubert, tu dis oui! Point. Peu importe le genre. Quand j’ai lu le scénario, je voyais que Robin mélangeait les genres, le film d’horreur, la comédie et surtout le drame réaliste. À la campagne, le zombie, c’est ton voisin, ta prof d’école, ton ami. Je trouvais ça fort intéressant comme situation.

Micheline Lanctôt et Marie-Ginette Guay

ÉLC : En plus, votre personnage, chose rare au cinéma, est entouré presque exclusivement de femmes. Marie-Ginette Guay, Micheline Lanctôt, Monia Chokris, Brigitte Poupart et la jeune Charlotte St-Martin jouent les autres rôles principaux.

MAG : Je m’en suis rendu compte lors du tournage. Ce sont des actrices fortes et j’étais très chanceux d’être entouré par elles. Bonin était au cœur d’une atmosphère matriarcale, des femmes courageuses qui prennent des décisions.

ÉLC: Pour Charlotte St-Martin qui joue la petite Zoé, ça a été facile de jouer dans une œuvre où les scènes sanglantes abondent?

RA : Elle est née pour être actrice. Elle était très concentrée. Elle n’avait que sept ans lors du tournage. Elle n’avait pas de jugement face à son jeu. C’était naturel. On apprenait en la regardant aller, c’était impressionnant.

MAG : Dès que le mot « action » se faisait entendre sur le plateau, elle devenait très sombre, elle devenait littéralement son personnage. C’était intense.

RA : Marc-André est aussi comme ça. La caméra l’aime, c’est chimique. C’est fantastique et moi, comme cinéaste, je n’arrive toujours pas à comprendre ce phénomène.

ÉLC : On n’a pas un long passé dans l’horreur au cinéma québécois. Pourtant, j’ai l’impression qu’on a des artisans de grande qualité de ce côté, autant pour les effets spéciaux que les explosions ou les maquillages. C’est vrai?

RA : Oui. Nos zombies étaient encore un peu humains. Ils n’étaient pas devenus des cadavres errants. Donc, il fallait quand même qu’ils aient l’air un peu humains, pas seulement cadavériques. C’était tout un travail. Pis j’avoue, j’adore voir du  sang au grand écran. Le contraste avec le vert est frappant. On avait une équipe de grande qualité menée par Éric Gosselin qui a fait tout un travail pour rendre réalistes les blessures. Il apporte plein de détails pour que les plaies aient l’air vraies. Je voulais qu’on y croit et pour moi, c’est une réussite de ce côté.

ÉLC: Est-ce que Les Affamés peut plaire à un public qui n’est pas typiquement attiré par les films de peur?

RA : Je pense que oui. Partout où le film est présenté, la réaction est identique. Dans la salle, il y a un phénomène qui se produit, tout le monde y trouve son compte. Et le fait que plusieurs personnages ne soient pas des caricatures, ça crée une catharsis. On peut s’identifier à des personnages qui nous ressemblent et non à une greluche de service qui prend sa douche avant d’être assassinée comme on le voit trop souvent au cinéma.

MAG : Il y a aussi l’importance de l’humour qui permet de nous faire passer un bon moment, du moins pour ceux qui n’aiment pas trop avoir peur. Le rire et la peur, ça énergise, ça libère chimiquement quelque chose dans notre corps.

RA : C’est un film qu’il faut voir en groupe, il faut le vivre en même temps que d’autres personnes dans une même salle. Ça permet de se sentir moins seul au monde, de le vivre en gang, sans se demander pourquoi des êtres humains se transforment en zombies. On constate juste que tout le monde est un peu viré fou comme le président américain (rires).

Robin Aubert et Marc-André Grondin

Napping Princess (collaboration spéciale Alexandre Lachance, boutique l’Imaginaire)

Présenté dans le cadre de la 2e édition de La fête de l’animation au Cinéma Le Clap, Napping Princess est le plus récent long métrage de Kenji Kamiyama à qui l’on doit les (déjà) grands classiques “Eden of the East” et “Ghost in the Shell: Stand Alone Complex” : simplement à voir ces titres, on tremble déjà d’anticipation. Cette fois-ci, Kamiyama nous propose un film d’animation beaucoup plus léger aux allures du Studio Ghibli, saura-t-il tenir la comparaison?

Kokone Morikawa est une jeune étudiante vivant seule en région avec son père méchano. Elle rêve souvent qu’elle est l’héroïne de son conte pour enfant préféré, soit l’histoire de la sorcière Ancien qui peut insuffler la vie grâce à sa tablette magique. Son royaume, le Royaume de Heartland qui voue un culte à l’automobile est en péril alors qu’un énorme monstre apparait et détruit tout sur son passage.

 

Kokone vit également sa part d’aventure alors que son père est arrêté par la police à la demande du président d’une importante compagnie automobile et que de sinistres individus s’introduisent chez elle à la recherche de plans cachés. Grâce à l’aide de son ami Morio, Kokone tentera de sauver son père et les plans enfouis dans la tablette de sa mère. Le rêve et la réalité se mélangent pour former une aventure haute en couleurs!

Parlons-en de couleurs puisque le visuel est réellement sublime. Les transitions entre les passages plus fantastiques et plus réalistes sont jouées à la perfection et cela devient une force du film. Les personnages sont charmants comme l’ourson Joy qui a un petit je-ne-sais-quoi Ghibli-esque, les amateurs de Ni No Kuni y verront peut-être un allié à la Drippy ? Ce n’est pas le seul rapprochement que l’on peut faire, le combat entre le Colosse et les robots géants font beaucoup penser à des scènes de Neon Genesis Evangelion, mais cela n’est pas pour déplaire, loin de là.

Les personnages et leurs alter-ego se complètent bien et cela permet de cerner les enjeux de chacun rapidement. En Kokone Morikawa, nous avons un personnage fort, mais qui n’a pas peur de demander de l’aide en cas de besoin : la persévérance et l’entraide, deux valeurs fortes dans les mangas généralement, sont bien mises de l’avant encore une fois. Son côté « endormie » permet de lier les deux univers ensembles à merveille, tout en rajoutant un brin de folie.

Au final, Napping Princess est un très bon film, un digne représentant des classiques films d’animation japonais. Tout au long des 111 minutes du film, on nous raconte une histoire avec un message pertinent, véhiculé par un côté fantastique. Si la fin semble être allongée quelque peu, c’est le voyage du début à la fin qui est génial. Ne manquez pas votre chance de voir ce petit bijou.