Paris, la nuit!

Avec La Nuit venue, le réalisateur Frédéric Farrucci nous offre un premier long métrage qui nous plonge dans la vie nocturne de Paris, dans un Paname clandestin, à la découverte de la pègre chinoise et d’une romance impossible. L’histoire tourne autour de deux personnages, Jin (joué par le nouveau venu Guang Huo), un chauffeur de VTC (sorte de Uber de luxe) qui travaille de nuit afin de rembourser sa dette à la mafia sino-parisienne. Sur son chemin il croise Naomi, une habituée des bars de nuit et du Paris interlope. Tous deux passionnés de musique, ils s’uniront pour le meilleur ou pour le pire. Rencontre avec Frédéric Farrucci qui nous explique son désir de parler des immigrants chinois et de mettre tout ça en scène à travers le quotidien des noctambules de Paris.

Le Clap : Frédéric, la communauté chinoise parisienne n’est sûrement pas facile à apprivoiser, d’autant plus qu’elle apparaît comme beaucoup plus méconnue que tout ce qui entoure l’immigration africaine en France, non?

Frédéric Farrucci : Tout à fait. Et c’est ce qui m’intéressait au départ. Heureusement, j’ai été bien entouré dans l’écriture et la fabrication du film. J’ai travaillé avec des traducteurs et des immigrants qui me ramenaient à leur réalité, car j’avais un souci d’être juste, rigoureux, voire intraitable, afin de montrer de façon réaliste et honnête leur communauté à l’écran. Les Chinois qui immigrent de façon clandestine en France sont des victimes potentielles de la mafia chinoise. C’est difficile de décrire parfaitement ce phénomène mais il existe, et mon film met un peu tout ça en lumière.

Le Clap : De camper l’action dans le monde des VTC (voiture de transport avec chauffeur), un phénomène très français que ces taxis de luxe, est-ce que ça ajoute au réalisme de votre récit?

FF : Là, j’avoue que de ce côté, c’est la partie fiction de mon histoire. Normalement, la communauté chinoise se regroupe beaucoup plus dans les milieux du textile et de la restauration. Mais j’ai eu envie d’explorer l’univers des VTC la nuit. Il y a de l’exploitation d’immigrants et une aura de mystère qui colore ce milieu. Et filmer Paris la nuit, c’est un fantasme. Quand on circule à Paris ou dans toute autre grande ville, on y découvre une faune méconnue, un rythme qui est autre. Le travail des chauffeurs de VTC permettait d’explorer cela. Mais ça pose aussi de grandes difficultés de tournage, surtout que nous n’avions pas le budget pour bloquer des rues. Il fallait faire un excellent repérage dès le départ.

Le Clap : Votre long métrage, avec ses images nocturnes, son urbanité, ses lumières, rappelle Taxi Driver. Est-ce une réelle inspiration?

FF : C’est mon inspiration, cette lumière dans Taxi Driver qu’on distingue à cause de la noirceur. Mais Paris est différente de New York ou encore de grandes villes asiatiques, d’où l’importance dans La Nuit venue d’avoir fait les bons repérages. J’avais envie de mettre à l’écran le Paris qui montre les invisibles, ceux que j’ai appris à voir au fil des années.

Le Clap : Vos deux acteurs démontrent une belle complicité au grand écran, ils se complètent, s’étudient, tout ça avec beaucoup de délicatesse. Vos choix ont porté fruit.

FF : Oh oui, merci! Guang Huo, on l’a découvert lors d’un casting sauvage. C’est son premier film et il est très photogénique. Il a dû apprendre à jouer sur un plateau de tournage, à être naturel devant une caméra, et heureusement Camélia Jordana a été une partenaire exceptionnelle pour lui, et ce, dès les répétitions. C’est plus que du professionnalisme, il y a eu un véritable élan de générosité de sa part comme partenaire de jeu. La chimie entre eux, à l’écran, elle est palpable, et je dois beaucoup à Camélia pour ça.

Le Clap : Le personnage de Jin peut rappeler ceux interprétés par Alain Delon dans les films de Melville dans les années 60. Des hommes de peu de mots.

FF : Absolument, je suis d’ailleurs fasciné par Le Samouraï de Jean-Pierre Melville, c’est la référence qui me trottait dans la tête. Ce film, avec très peu de dialogues et mettant en scène un personnage taciturne, me fascine totalement. Je voulais reproduire cela avec le personnage de Jin et grand merci, la caméra aime Guang littéralement. Si on peut se passer de dialogues dans un long métrage, si on peut éviter d’en dire trop et laisser parler les images et les expressions faciales, et que ça fonctionne, pour moi, on en sort gagnant.

La Nuit venue prendra l’affiche en salle au Clap dès la réouverture. Cette entrevue a été réalisée dans le cadre de la 23e édition des Rendez-vous du cinéma d’UniFrance.