Un formidable mois de mars 2018

Rose-Marie Perreault et Anthony Therrien dans Les Faux Tatouages de Pascal Plante

Mars sera un mois qui fera saliver tous les publics. Le Festival de cinéma en famille de Québec battra son plein, l’adaptation de la fort drôle bande dessinée La Mort de Staline prendra l’affiche tout comme la nouvelle version de Tomb Raider (Lara Croft) et le film de science-fiction de Steven Spielberg Ready Player One. De beaux films internationaux seront aussi lancés comme Une famille syrienne et Le Brio avec Daniel Auteuil. Bref, nous aurons l’embarras du choix surtout du côté des longs métrages québécois. Les découvrir est selon moi une priorité en mars!

Les Faux Tatouages : Réalisé par un cinéaste originaire de Québec, Pascal Plante, ce film est des plus touchants. Les ingrédients au menu : une romance en forme de cul-de-sac le temps d’un été, une chanson de Daniel Bélanger et deux acteurs formidables (Anthony Therrien et Rose-Marie Perreault). Coup de cœur  assuré!

Faute d’amour : Du réalisateur russe qui nous avait donné Léviathan, Faute d’amour est un récit dur autour d’un couple séparé, amer, et qui en plus verra son enfant disparaître sans raison. Troublant.

Chien de garde : Sophie Dupuis accouche d’un film brut, boosté aux drames familiaux et dans lequel Théodore Pellerin campe une jeune tête brûlée inquiétante et hyperactive au cœur d’une fratrie dysfonctionnelle flirtant avec le milieu de la petite pègre de quartier.

Charlotte a du fun de Sophie Lorain

Charlotte a du fun : Sur un scénario de Catherine Léger, Sophie Lorain accouche d’une comédie dramatique hyper-charmante où plus d’une douzaine de jeunes actrices et acteurs se donnent la réplique avec entrain en parlant de sexualité sans aucun tabou. Un divertissement réaliste, drôle et touchant. Un film générationnel s’il en est un.

Ailleurs : On ne peut passer à côté du premier long métrage de Samuel Matteau, réalisateur de Québec, qui, avec son film, nous montre la ville, de nuit, comme jamais on ne l’avait filmée auparavant avec en son cœur une  histoire d’ados de banlieue en fugue qui découvriront la dureté de la loi de la rue.

Jennifer Lawrence dans Le Moineau rouge

Le Moineau rouge  (Red Sparrow) : Ce drame d’action donne l’occasion à Jennifer Lawrence d’incarner une ex-danseuse de ballet russe devenue espionne. En mission en Hongrie, elle devra faire face à un agent de la CIA. L’actrice semble comme un poisson dans l’eau dans cet univers de casse et de trahisons.

Bras de fer : Ce documentaire des frères Seaborn relate le combat citoyen de Véronique Lalande face au port de Québec et sa poussière rouge, lutte qui a pris naissance dans le quartier Limoilou. Un film utile qui démontre toute l’énergie déployée par une poignée de résidants d’un quartier dans une cause environnementale qui n’est toujours pas gagnée.

La Villa : Robert Guédiguian nous offre son plus beau film en carrière avec La Villa. Dans la calanque de Méjean, dans le sud de la France, deux frères et leur sœur se réunissent au chevet de leur père mourant. C’est le temps des confidences, des bilans de vie sur fond de lègue familial, d’immigration dans une France qui change peu à peu de portrait.

Téhéran tabou : Conçu graphiquement comme Valse avec Bachir, ce dessin animé nous plonge dans la vie de quelques habitants de Téhéran, nous montrant le quotidien de gens aux prises avec des règles morales strictes et une justice très coercitive. Un film essentiel au vu de ce qui se passe actuellement en Iran.

L’Île aux chiens (Isle of dogs) : Wes Anderson lance son deuxième film d’animation après l’excellent Fantastic Mr. Fox. Le récit se déroule au Japon où une bande de chiens aidera un jeune garçon à retrouver le sien. Visuellement, la bande annonce est un pur délice.

Buffet surréaliste à Cuba

 

Ian Lagarde lance ce mois-ci un premier long métrage de fiction. Son film intitulé All you Can Eat Bouddha détonne dans le panorama actuel du cinéma québécois. Le récit est centré sur Mike, un touriste bourru qui débarque dans un hôtel des Caraïbes. Sur place, il profite du buffet à volonté pour se goinfrer. Son séjour sera bizarrement prolongé et prendra une drôle de tournure.

Joint à Paris où il est présentement en résidence d’écriture pour le scénario de son prochain film, le réalisateur nous a donné des détails sur ce long métrage à saveur surréaliste qui aborde avec humour la situation des États totalitaires, le tourisme de masse et la surconsommation.

Éditions Le Clap : Ian, avant de passer à la réalisation, vous avez fait l’acteur?

Ian Lagarde : Oui, quand j’étais très jeune, j’ai joué dans Le Club des 100 watts, dans Au nom du père et du fils. Mais j’ai grandi beaucoup physiquement à l’adolescence et à partir de ce moment-

Ian Lagarde, réalisateur, crédit photo Y. Grandmont.

là, hormis quelques pubs, je me suis dirigé instinctivement vers la caméra et la réalisation.

ÉLC : Vous êtes aussi directeur photo (Blue Moon, Vic et Flo ont vu un ours) et vous avez réalisé plusieurs courts métrages. Pour ce premier long métrage, qu’aviez-vous envie de faire?

IL : J’ai grandi avec Alejandro Jodorowsky. Ses films comme La Montagne sacrée et ses BD comme la série L’Incal m’ont fortement marqué. Bunuel, Antonioni et Pasolini sont parmi mes influences les plus fortes. En faisant All you Can Eat Bouddha, c’était évident que tout ça allait transparaître. Mon film est très investi de l’énergie des années 60/70. On a eu un budget d’un million pour faire ce film qui n’était pas évident à vendre aux institutions de par son genre un peu étrange. Mais j’y croyais dès le début et heureusement, plusieurs personnes ont embarqué avec moi dans l’aventure.

ÉLC : Pourquoi s’intéresser à Cuba et aux formules tout inclus ?

IL : Je n’ai pas beaucoup voyagé dans ma jeunesse et ce phénomène, que je ne connaissais pas personnellement, me fascinait et m’horripilait en même temps. Le kitsch fabriqué pour les touristes, je n’en revenais pas. Cuba s’est imposé pour le tournage, car c’est une île qui regorge de complexes touristiques parce que c’est un lieu qui semble encore imprégné des années 50. Et les Cubains ont une culture artistique différente de celle du Mexique et de la République dominicaine. L’esthétique soviético-ludique me plaisait beaucoup. Pendant qu’on y tournait, il y avait non loin l’équipe de The Fast and Furious 8 qui filmait quelques scènes d’action. C’était un peu étrange. Cela dit, le professionnalisme des Cubains côté cinéma est surprenant.

ÉLC : Pourquoi être allé chercher Ludovic Berthillot en France pour interpréter Mike, un touriste qui prolonge un peu contre son gré son séjour à l’hôtel?

IL : Au départ, le film a failli être une coproduction et, du côté de la France, je suis tombé sur Ludovic avec son air de vieux gangster russe. Je l’ai rencontré et il me paraissait parfait pour le rôle. C’est par la suite que j’ai vu sa performance inoubliable dans Le Roi de l’évasion d’Alain Guiraudie. Bref, ça a été un coup de foudre entre nous. Ludo a accepté d’emblée de jouer le personnage principal.

ÉLC : Votre film, vous nous le vendez comment en une phrase?

IL : Je dirais qu’il faut le voir pour ce qu’il est, une œuvre vraiment différente de ce qu’on voit habituellement en salle. Et pour voir les tropiques autrement. Vous verrez un film québécois un peu surréaliste, chose qui est assez rare finalement.