Sashinka et Kristina

Sashinka, un film de Kristina Wagenbauer.

Sans beaucoup de promotion, une petite production prend l’affiche le 24 août et s’avère, selon moi, l’une des plus belles surprises du cinéma québécois en 2018. Il s’agit de Sashinka, un premier long métrage signé par Kristina Wagenbauer.

L’histoire est simple et touchante. Au moment où Sasha, chanteuse et musicienne, se prépare pour un spectacle/vitrine, Elena, sa mère, d’origine russe, débarque chez elle à l’improviste. Cette dernière, avec sa personnalité excentrique, aura tôt fait de créer le chaos dans la vie de Sasha, une jeune musicienne sensible à la moue boudeuse, qui fait invariablement penser à Cœur de pirate. Voici le résumé d’un entretien réalisé récemment avec Kristina Wagenbauer, une jeune réalisatrice franchement talentueuse.

PB : Vous parlez très bien français Kristina, mais avec un accent prononcé. D’où venez-vous?

La réalisatrice, Kristina Wagenbauer, crédit photo Ève Dufaud, Facebook.

Kristina : Je suis d’origine russe, mais dès l’âge de huit ans, j’ai déménagé en Suisse, dans la partie italienne. C’est là que j’ai grandi. En 2010, je suis venue à Montréal pour participer à un cabaret Kino et je suis tombée amoureuse du Québec. Je me suis installée ici et je me suis inscrite à l’INIS. C’est là que j’ai rencontré ma coscénariste sur Sashinka, Marie-Geneviève Simard, avec laquelle j’ai fait précédemment plusieurs courts métrages.

PB : Comment le film a été amorcé?

Kristina : Sashinka s’inspire carrément de ma mère qui était venue me visiter. Elle arrivait de la Suisse et durant quelques semaines, elle a habité chez moi. Je l’ai observée longuement, car elle était aussi charmante qu’envahissante et extravagante. Elle me tapait sur les nerfs en fait. Ha! ha! J’ai fini par canaliser tout ça dans l’élaboration d’un scénario. Avec Marie-Geneviève, on a développé le tout autour de Sasha et Elena, une fille et sa mère en conflit perpétuel.

PB : La relation devient toxique par moments. Ça donne des scènes parfois intenses et quelquefois assez drôles heureusement. Il fallait trouver deux actrices qui se complètent à merveille pour jouer Sasha et sa mère. Comment ont-elles été choisies?

Kristina : Pour Sasha, Carla (Turcotte) est la première comédienne que j’ai vue en audition. Et elle était parfaite et musicienne en plus. Mais il fallait qu’elle soit complice avec celle qui allait jouer sa mère d’origine russe et ça, c’était très difficile à trouver à Montréal. Finalement, des amis français m’ont parlé de Natalia Dontcheva, une comédienne bulgare qui travaille à Paris. Je l’ai rencontrée et autant physiquement que par son accent, elle s’avérait parfaite. En plus, Natalia adorait notre scénario. Elle a saisi rapidement le type de personnalité qu’Elena devait avoir à l’écran et elle a plongé dans ce rôle en y mettant du sien, sans  forcer la caricature. On voulait que cette mère trop exubérante demeure sympathique aux yeux du public.

Kristina Wagenbauer a profité d’un micro-budget de 250 000 $ pour réaliser ce premier long métrage. Le résultat est des plus charmants. Sashinka, avec peu de moyens, deux actrices de talent et une thématique universelle, réussit à émouvoir. Il faut donc profiter de sa sortie en salle pour le voir. Le parcours de sa réalisatrice, lui, sera à suivre de près.

Le samedi 25 août, après la représentation de 19 h10, l’équipe du film sera au Cinéma Le clap pour rencontrer les spectateurs.

Août 2018 en 10 films

Vincent Cassel dans Fleuve noir

Août 2018 présentera une sélection fort séduisante de longs métrages, et ce, avant de laisser place au mois de septembre et aux films de la rentrée. Alors que plusieurs productions québécoises sortiront comme Un printemps d’ailleurs (coproduit avec la Chine) avec Émile Proulx-Cloutier et Summer of 84  du collectif RKSS, les spectateurs pourront aussi se divertir avec quelques films d’animation comme Les As de la jungle et  un film estival de requin meurtrier intitulé The Meg. Mais bref, voici selon moi les dix films à voir en priorité ce mois-ci.

Fleuve noir : Vincent Cassel, Sandrine Kiberlain et Romain Duris se donnent la réplique dans ce polar sombre qui raconte l’enquête d’un inspecteur de police (sorte de Columbo rongé par ses démons joué par un Cassel en grande forme) sur la disparition d’un jeune garçon. Ce film noir est réalisé avec précision par le trop rare Érick Zonca (La Vie rêvée des anges). À voir!

Alpha : Albert Hughes réalise ce long métrage ambitieux se déroulant voilà 20 000 ans, à l’ère paléolithique, et dans lequel un jeune guerrier doit retrouver sa tribu tout en apprivoisant un loup dont il vient de sauver la vie. Un drame familial spectaculaire si on se fie à la bande-annonce.

Nico, 1988 : Chanteuse sur le premier album du Velvet Underground, actrice chez Philippe Garrel, égérie des années 60, Nico est décédée en 1988 après une vie parsemée d’excès de toute sorte. Ce film relate les dernières années d’un parcours chaotique d’une artiste unique, incarnée ici par l’actrice danoise Trine Dyrholm, magistrale dans toutes ses scènes.

Dans la brume : Daniel Roby (Funkytown) s’est installé à Paris pour concevoir cette coproduction France/Québec qui montre les efforts de deux parents qui veulent sauver leur fillette gravement malade alors qu’une brume mortelle envahit Paname. Romain Duris y joue le père héroïque. Un film de genre à petit budget et au scénario accrocheur.

Papillon : Les plus vieux se souviendront de la première adaptation (datant de 1973) du roman d’Henri Charrière avec Steve McQueen et Dustin Hoffman dans les rôles principaux. Le remake de cette aventure carcérale et d’évasion sous les tropiques met en scène Charlie Hunnam (Sons of Anarchy) et Rami Malek (Mr. Robot). On est curieux de voir le résultat.

Gaspard va au mariage : Un zoo au fin fond de la France rurale, une famille dépareillée, une cérémonie en préparation et une invitée surprise, voilà ce qu’on retrouve dans cette comédie dramatique charmante et inusitée portée par deux acteurs au diapason, Félix Moati et Christa Theret, jouant un frère et une sœur unis par des sentiments forts mais à la limite malsains.

BlacKkKklansman (Opération infiltration) : Spike Lee a reçu beaucoup d’éloges à Cannes pour son plus récent long métrage qui relate l’infiltration dans le KKK d’un officier de police noir dans les années 70, en plein cœur d’une Amérique qui par moments digère mal les nouveaux droits civiques acquis par la communauté afro-américaine.

Le Nid : Dan ce drame mystérieux et intimiste, Pierre-Luc Brillant et Isabelle Blais, couple à la vie comme à l’écran, se retrouvent et participent à un jeu étrange. Dans une demeure isolée, l’homme obéit aux ordres de sa conjointe dans le cadre d’une expérience qui prend la forme d’une catharsis émotionnelle.

En guerre : Après La Loi du marché, Stéphane Brizé refait équipe avec Vincent Lindon pour illustrer le dur combat d’un groupe de travailleurs de l’automobile qui défend ses droits face à la prochaine délocalisation de leur usine et la perte inévitable de leurs emplois. Filmé comme un docufiction, le long métrage permet à Lindon, ici en chef syndical, de démontrer une fois de plus son immense talent.

Sashinka : La surprise de l’été du côté du cinéma d’auteur. Kristina Wagenbauer réalise un premier long métrage poignant qui dépeint la relation tourmentée entre une jeune chanteuse et musicienne de Montréal (qui fait penser fortement à Cœur de pirate) et sa mère d’origine russe, excentrique, envahissante et incontrôlable. À voir!!