Top 10 de 2014

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Birdman

En cette fin d’année, à titre de blogueur du Clap et surtout à titre d’amateur de cinéma, je vous présente mon Top 10 annuel regroupant mes sélections puisées à travers l’ensemble des longs métrages sortis au Québec en 2014, du moins à travers les 250 nouveautés que j’ai eu l’occasion de voir depuis un an.

Mon classement est bien entendu très personnel, car avec cet exercice, il ne s’agit pas pour moi de célébrer les films qui ont fait l’unanimité chez le public ou dans la presse spécialisée, mais bien ceux qui m’ont marqué, qui m’ont touché et emballé à titre de spectateur. Mon palmarès pourrait changer légèrement au fil des prochaines semaines  puisque je n’ai pas encore vu les très louangés Nightcrawler, Foxcatcher, Borgman et Love Is Strange. Mais bref, sous la forme d’un décompte, voici donc mes 10 films préférés de 2014; je vous invite à les commenter, en bien ou en mal, et aussi, si le coeur vous en dit, à me faire part de VOS coups de foudre personnels.

10-Blue Ruin : Distribué au Québec en DVD sans avoir pu profiter d’une sortie en salle, ce sombre polar américain réalisé par Jeremy Saulnier mérite sa place pour la finesse de son scénario qui joue habilement avec les codes du genre et pour la qualité du jeu de ses méconnus interprètes. Une bien belle découverte que ce film sorti de nulle part.

9-Tu dors Nicole : Stéphane Lafleur ne rassemblera peut-être jamais les foules et ce, même si ses films sont drôles et touchants. Pourtant, avec ce 3e long métrage, le cinéaste québécois démontre encore sa signature si particulière et sa maîtrise scénaristique truffée d’idées de mise en scène étonnantes. En 2014, mettre Tu dors Nicole devant Mommy peut paraître surprenant; mais sans rien enlever au second, le premier profite d’une plus belle maturité dans son traitement du même thème de l’adolescence.

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La Danza de la Realidad de Jodorowsky.

8-La Danza de la Realidad : Possible testament filmique de Jodorowsky, cette biographie colorée de réalisme magique démontre que le cinéma actuel est bien sage comparé à l’imaginaire du cinéaste chilien et nous rappelle à quel point on peut s’ennuyer aujourd’hui de la créativité des Bunuel, Pasolini et autres grands rêveurs du 7e.

7-Pas son genre : Le film d’amour de l’année. Celui qui ne se dirige jamais là où on croit qu’il ira. Celui qui s’attarde aux ébats amoureux et  aux différences de milieux, à travers le détour parfois tragique qu’emprunte un coup de foudre. Émilie Dequenne n’a jamais été aussi bonne que dans ce film signé du Belge Lucas Belvaux rappelant beaucoup La Discrète de Christian Vincent.

6-Enemy : Après Prisoners, on ne s’attendait pas à ce que Denis Villeneuve, en adaptant Saramago,  aille jouer dans la cour de David Cronenberg et qu’il accouche d’une œuvre aussi déconcertante et porteuse d’une ambiance glauque et étrange comme je les aime.

5-Whiplash : Le film américain qu’on n’attendait pas, celui qui nous réconcilie avec le savoir-faire scénaristique de nos voisins du Sud. Celui qui démontre qu’ils savent parfois raconter une histoire mieux que quiconque et mettre à l’avant-scène des comédiens formidables et méconnus du grand public.

4-L’amour est un crime parfait : J’avais parler sur ce blogue du plaisir évident que ce long métrage des frères Larrieu m’avait procuré. Polar noir à l’humour absurde tourné dans les décors enchanteurs de Lausanne, le film est porté par un Mathieu Amalric drôle, charmeur et attendrissant. Un film jouissif au possible.

3-Jodorowsky’s Dune : Un documentaire sur un film qui aurait dû exister. Un documentaire qui fait mal tellement il démontre à quel point ce projet démentiel qui ne verra jamais le jour aurait pu devenir l’une des plus grandes réussites de l’histoire du cinéma. On peut bien rêver, direz-vous, et c’est ce que ce film s’emploie à faire faire à merveille.

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Michael Keaton dans Birdman d’Inarritu.

2-Under The Skin : Objet filmique audacieux, aussi impressionniste qu’énigmatique. De la science-fiction comme il s’en fait trop peu et qui mise sur une actrice, Scarlett Johansson, aussi audacieuse que talentueuse.

1-Birdman : Inarritu au sommet de son art, qui nous livre ne œuvre émouvante, techniquement remarquable, et constituée d’acteurs formidables avec à leur tête Michael Keaton qui nous offre sa plus belle performance en carrière. Du grand art, du très grand art!

Mentions: Ida, Boyhood, MommyMiron, un homme revenu d’en dehors du monde, Tel père, tel fils.

Là-dessus, bonne année à tous, on se retrouve en janvier pour voir ce que 2015 nous réserve!

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Under The Skin, réalisé par Jonathan Glazer.

 

 

 

 

 

 

Du cinéma « Bio »

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Du cinéma bio, c’est-à-dire biographique, en voulez-vous? En v’là. D’ici la fin de 2014, pas moins de neuf films faisant le portrait de personnalités ayant marqué à leur façon leur époque prendront l’affiche : Selma, Unbroken, Wild, Grace de Monaco, Foxcatcher, The Imitation Game, Big Eyes, Mr. Turner, D’où je viens. Parmi ceux-ci, D’où je viens se démarque par sa teneur documentaire et aussi parce qu’il ne fait pas le portrait d’un seul homme ou d’une seule femme ni d’un événement en particulier, mais bien le portrait d’un quartier en entier, Verdun.

Durant les Fêtes, alors que la population en général sera tentée d’aller voir un long métrage américain aux visées oscarisables, on peut se demander pourquoi l’ONF a choisi de lancer un tel documentaire durant cette période. En entrevue, le réalisateur du film, Claude 58841_28Demers (Les Dames en bleu), avoue s’être aussi posé la question. « Au départ j’étais craintif, puis, j’ai endossé la stratégie du distributeur qui y voit l’occasion d’offrir un film différent pour tous ceux qui ne veulent pas aller voir un blockbuster américain. Mais ça fait peur, évidemment, et on travaille auprès de certains réseaux communautaires afin de rejoindre le plus de public possible ».

D’où je viens est une œuvre très onirique, filmée magnifiquement, aux images superbes portées par une musique éthérée ou classique donnant un ton très personnel à l’ensemble. Si le cinéaste a fait de Verdun son point d’ancrage, c’est parce que c’est le quartier de son enfance, mais aussi, un territoire méconnu des Montréalais pourtant situé à quinze minutes à peine du centre-ville en voiture. Une île dans une île, dira-t-il, un lieu tapissé de tours à logements, mais aussi bordé par le fleuve où certains y pêchent régulièrement. « Je parle d’un quartier en bordure de Montréal, oui, mais d’un quartier qui pourrait être le vôtre, qui pourrait être n’importe où, un endroit qui ressemble à d’autres et en plus personne ne sait qu’en en dix minutes de bateau, on peut y chasser le canard en ayant une vue sur Montréal. Je me suis pris un appartement à Verdun durant deux mois et demi, en plein hiver. Je voulais me lever le matin et me replonger dans ma vie d’adolescent à Verdun et mieux savoir comment aborder mon sujet alors que je voulais toucher à l’enfance. »

Au fil de l’écriture, cinq thèmes se sont imposés à Claude Demers qui a donc tricoté son film autour de cinq mailles : l’enfance, la résistance, le territoire, le langage, la foi. Cinq thèmes nourris par une série de scènes évocatrices, tirées du quotidien de Verdun, et qui font parfois penser aux tableaux du peintre Edward Hopper. L’une de ces scènes, marquante, a été tournée dans un Dunkin Donuts (l’un des rares encore ouverts au Québec), filmée de l’extérieur en un plan-séquence qui ne triche pas, un plan simple et 58841_17très révélateur de la vie de quartier. Cette séquence qui pourrait paraître banale, démontre à quel point Claude Demers ne voulait pas construire une œuvre de façon traditionnelle et tenait à sortir de sa zone de confort. « Mon film, on le qualifie d’ovni et c’est tant mieux. Je trouve souvent que tous les longs métrages se ressemblent. Moi, j’aime qu’une œuvre nous dépasse. On retrouve encore ça en littérature, mais au cinéma, ça devient rare. J’aime être dérouté, j’aime qu’on m’amène en voyage. Donc, j’ai fait un film lyrique. Mon film est une quête de soi tout en se déployant d’une façon universelle, sans rester narcissique ». D’où je viens, en salle le 26 décembre prochain.

 

Le métier d’acteur vu par Kassovitz

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Mathieu Kassovitz s’est fait connaître comme réalisateur avec son deuxième film, La Haine, qui avait eu un immense succès en 1995. Comme comédien, il a rapidement acquis une belle notoriété grâce à ses rôles dans les films de Jacques Audiard (notamment Un héros très discret), et dans Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain. L’acteur-cinéaste s’est aussi démarqué depuis ses débuts pour sa grande franchise lors d’entrevues médiatiques et ses nombreuses déclarations à l’emporte-pièce sur le cinéma français ou encore sur les attentats du 11 septembre. Récemment, il donnait une série d’entrevues pour la presse en France liées à la sortie de deux films dont il est la tête d’affiche : Un illustre inconnu de Matthieu Delaporte et Vie sauvage de Cédric Kahn.

Ainsi, pour le magazine Télérama, Mathieu Kassovitz a sévi à nouveau, discutant du 7e art et de la pratique de son métier devant ou derrière la caméra avec une franchise déstabilisante, déversant ses coups de gueule avec passion et émotion. Dans l’entretien, il relate ses démêlés avec les producteurs américains à la suite de la sortie catastrophique de Babylon AD, ses divergences d’opinion avec quelques réalisateurs français, son aversion pour le travail de Carax et celui de Tarantino, son admiration pour Jackie Chan et Spielberg et avouant, au final,  emmerder bien des gens de l’industrie cinématographique.

À travers le lot d’opinions tranchées mais éclairantes émis par l’artiste, il faut noter sa vision du métier d’acteur et de sa pratique. « À mes yeux, acteur n’est pas un métier, juste un hobby… Pour moi, si vous avez une gueule, de la présence, si vous savez votre texte et ne vous prenez pas au sérieux, vous êtes un bon comédien », d’affirmer Kassovitz qui ajoute qu’être acteur, c’est être un peu la marionnette du mathieu-kassovitz-20040429-1493réalisateur.  « Je l’ai fait. Avec Audiard et Jeunet. Ces mecs-là, ils font 50 prises. Et je suis toujours d’accord. J’obéis et j’attends. D’ailleurs, un acteur de cinéma, ça travaille deux heures par jour. Le reste du temps, il attend. Il glande… », d’ajouter celui qui s’était aussi démarqué dans le rôle d’un jeune prêtre dans Amen de Costa-Gavras.

Sujet sensible s’il en est un, la façon dont s’exerce le métier d’acteur ne fait jamais l’unanimité chez les comédiens. Certains, comme Jean-Pierre Bacri, n’embarque que dans des projets dont ils appuient la démarche morale ou artistique. D’autres, comme le défunt Michel Serrault, se voyant davantage comme des exécutants tels des plombiers qui ne se soucient pas du client ou du lieu de travail, s’arrangent pour faire leur boulot (jouer) avec beaucoup de sérieux et de rigueur. Kassovitz rejoindra davantage cette dernière vision du métier. Cependant, à la lumière de son parcours et de ses récentes déclarations, il s’inscrit davantage dans la vision de Bacri lorsqu’il passe derrière la caméra, rôle qui semble lui tenir de moins en moins à cœur sauf pour un projet bien spécial, soit l’éventuelle suite de La Haine. Un dossier à suivre.

Voici le lien pour lire dans son intégralité l’entrevue donnée par Mathieu Kassovitz à Télérama.

http://bit.ly/1595fEA

Le côté lumineux du cinéma !

Voici un petit texte de blogue pour souligner rapidement l’excellente nouvelle annoncée plus tôt cette semaine, c’est-à-dire la remise, le 15 mars prochain, du prix Jutra-Hommage au cinéaste et comédien André Melançon, à l’occasion de la 17e soirée des Jutra. Ce choix, des plus judicieux compte tenu de la carrière de ce réalisateur, arrive à un moment opportun. L’artiste âgé de 72 ans, surtout connu pour avoir réalisé quatre Contes pour tous, dont La Guerre des tuques et Bach et bottine, est considéré melanconagedans le milieu du cinéma québécois comme un passionné et un grand rassembleur pour son travail avec les enfants sur les plateaux de tournage.

Ralenti par la maladie (il a combattu tour à tour un cancer et un rare virus), le réalisateur originaire de l’Abitibi verra dans cet hommage une reconnaissance de ses pairs qui arrive à point, un coup de chapeau soulignant la qualité de son travail devant et derrière la caméra au fil des 40 dernières années. André Melançon était toujours actif malgré la maladie, simplement moins visible. Il a d’ailleurs récemment cosigné le scénario de La Gang des hors-la-loi, et ce, sans avoir l’état de santé lui permettant de réaliser ce 24e et plus récent Conte pour tous.

De mon côté, je me souviens l’avoir croisé à quelques reprises. Il était toujours des plus enthousiastes lorsqu’il parlait de ses différents projets. Je me rappelle d’ailleurs sa présence dans l’ancien Cinéplex de Place Charest au début des années 90. Il y était pour faire la promotion d’un film argentin d’Eliseo Subiela, coproduit avec le Québec et intitulé Le Côté obscur du cœur.  J’étais tombé sous le charme de ce long métrage teinté de réalisme magique, un film poétique que j’ai par hasard revu récemment. Melançon y jouait un petit rôle, celui de l’ami bohème d’un artiste qui créait des sculptures phalliques géantes. Je me souviens aussi de son rôle le plus important dans un film québécois, c’était dans Taureau, tourné en 1973. Aux côtés de la toute jeune Louise Portal, il incarnait avec naïveté le personnage principal, désœuvré  et perdu dans un univers violent et rural, similaire à ceux de Red et Bulldozer tournés à la même époque.

Avec sa carrure et sa bouille d’ours docile, André Melançon inspirait le respect et la confiance. Il demeure encore aujourd’hui le réalisateur québécois qui sait le mieux diriger des enfants lors d’un tournage et soutirer le meilleur de chacun d’eux. On espère qu’il aura l’énergie pour retourner derrière une caméra avant longtemps, histoire de nous offrir un autre conte dont il a le secret, nous offrir une fois de plus le côté lumineux du cinéma québécois.