Sortir les films de l’Île

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La bande dessinée est à l’honneur cette semaine alors que Lulu femme nue mettant en vedette Karin Viard et tiré de l’œuvre d’Étienne Davodeau vient de prendre l’affiche en salle, et que, sur la rive sud de Québec, à Saint-Nicolas (Lévis), on entame le tournage de Paul à Québec, de Michel Rabagliati, réalisé par François Bouvier. Si le 9e art peut se réjouir de cet attrait de plus en plus fort du cinéma envers les bandes dessinées, la Ville de Québec, de son côté, doit-elle être emballée de l’arrivée d’une équipe de tournage dans la région, chose de plus en plus rarissime?

En fait, lorsque des équipes montréalaises débarquent dans la capitale et ses alentours, c’est bien souvent pour n’y tourner que quelques scènes extérieures et puis repartir illico dans la métropole afin d’y capter toutes les scènes charnières du film en chantier. L’exemple de 1987 vient immédiatement en tête, Ricardo Trogi ayant tourné devant le Parmesan et le Dagobert sur la Grande Allée uniquement pour les devantures des commerces. Le reste de son long métrage a été tourné à Montréal pour éviter les coûts de déplacement et d’hébergement de l’équipe technique et artistique. Pour Paul à Québec, le même phénomène est à prévoir. L’église et le cimetière seront identiques à ceux de la BD, et  Saint-Nicolas servira de décor durant cinq petits jours à un film dont le titre n’aura de Québec (la ville, la région) que le titre.1987-affiche

La chose n’est pas nouvelle, mais elle demeure tout de même frustrante. Un problème de ce genre ne se poserait pas si les projets de films, acceptés et financés, émanaient davantage de la capitale. Mais la SODEC a en décidé autrement. Toutes les raisons sont bonnes pour refuser les scénarios de réalisateurs de la région et de producteurs d’ici comme le souligne si bien l’actrice engagée Catherine Dorion dans son excellent billet publié dans le journal Le Carrefour que vous pouvez lire via ce lien: http://bit.ly/1wg4QIe.

La Ville de Québec organise des « états généraux » sur la culture à la fin du mois de septembre; une sorte de mise à jour de ses politiques culturelles et municipales, événement très attendu qui permettra aux artistes de la Ville de s’exprimer. Loin de moi l’idée qu’il faille mettre en priorité le secteur du cinéma lors de ces assises. Les milieux du théâtre, de la danse, des arts visuels et de la musique ont aussi chacun leur cheval de bataille. La rétention des artistes locaux étant une priorité pour le maire Labeaume afin d’éviter l’exode de talent vers Montréal, plusieurs programmes ont été mis de l’avant depuis quelques années pour favoriser la création et la diffusion culturelle à Québec. Bravo! Mais je dois avouer que par moments la situation dans laquelle se retrouvent les travailleurs en cinéma semble désolante. C’est le seul secteur des arts dont presque l’entièreté du budget de production est confiée uniquement aux grands bonzes de l’industrie tous basés dans la région de Montréal. On ne donne que des  clopinettes aux producteurs régionaux et aux projets de cinéastes qui n’habitent pas l’Île.

Le maire de Québec, et pourquoi pas aussi ceux d’autres villes comme Rimouski, Sherbrooke, Gatineau ou Val-D’or, se doit d’exiger une rencontre avec le gouvernement et la dirigeante de la SODEC Monique Simard afin de défendre les intérêts des travailleurs du cinéma de Québec et des régions. Décloisonner le milieu du cinéma, voilà la priorité. Car même si plusieurs réalisateurs ont récemment filmé la Gaspésie (Catherine Martin), le Lac-Saint-Jean (Sébastien Pilote) et l’Abitibi (Éric Morin), la production de leurs films, elle, était toujours celle des producteurs montréalais qui, au premier chef, trouvent bien peu rentable l’idée de s’exiler dans les « terres » pour y tourner un long métrage de fiction. Drôle de pensée pour une industrie qui, de toute manière, ne peut espérer une quelconque rentabilité, le cinéma étant l’art le plus coûteux à produire, mais aussi celui qui voyage le mieux à l’étranger comme reflet culturel. Québec ne doit pas seulement être le sujet d’une œuvre phare du 9e art, elle doit également devenir un maillon fort de l’industrie du cinéma québécois, être une ville d’envergure du 7e art, devant et derrière la caméra.

*En lien avec un précédent texte de blogue, selon Le Soleil, le film de Philippe Falardeau, The Good Lie, sera finalement distribué à Québec lors de sa sortie à la fin du mois d’octobre, et ce, avec sous-titres. Bonne nouvelle!