De l’effet Villeneuve à l’effet Vallée!

Voir un film en salle, c’est comme aller au théâtre. Quand l’œuvre est marquante, poignante, on en ressort les jambes un peu molles avec l’esprit qui cogite. On se remémore le film, la pièce, en repensant aux comédiens qui nous ont transportés durant près de deux heures. Quand, de plus, l’œuvre fait réfléchir, c’est dire à quel point le pari est gagné! C’est assurément le cas pour le plus récent film de Jean-Marc Vallée, Dallas Buyers Club, qui débarque enfin sur nos écrans avec un propos aussi touchant que la performance des comédiens paraît remarquable.

Doté d’un budget famélique pour une production américaine (moins de 6 millions de dollars), Dallas Buyers Club a l’air de tout sauf d’un téléfilm tourné à la va-vite! Autant Matthew McConaughey, dans le rôle principal, que Jared Leto, dans un second rôle, devraient se retrouver en nomination aux Oscars. Les deux acteurs, transformés et amaigris, jouent deux sidéens faisant la contrebande de médicaments à la fin des années 80, au Texas. Ces médicaments non approuvés à cette époque par la FDA, aux États-Unis, permettaient de prolonger la vie des personnes atteintes du VIH. Dans le film, cette injustice crève le cœur mais, fort heureusement, elle est traitée sans aucune dose de misérabilisme par le cinéaste qui a pu miser sur le jeu énergique du tandem formé par McConaughey et Leto pour éviter cet écueil.

Bien qu’ayant peu en commun avec ses œuvres précédentes (C.R.A.Z.Y. ou Café de Flore), Dallas Buyers Club pourrait valoir à Jean-Marc Vallée l’occasion de se faire un nom chez nos voisins du Sud au même titre que Denis Villeneuve, qui, avec Prisoners, se dirige vraisemblablement vers les Oscars. La qualité de ces deux longs métrages réalisés par des Québécois est indéniable et fait en sorte qu’ils se démarquent aisément cette année des productions populaires du cinéma américain. Ce fait permet aussi d’oublier, l’espace d’un instant, les échecs en sol américain de cinéastes étrangers qui peinent à rester fidèles à eux-mêmes dans une industrie qui n’a rien à faire de la vision d’un auteur.

Dallas Buyers Club offre aussi la possibilité de constater à quel point un comédien peut voir sa carrière changer du tout au tout. Matthew McConaughey a longtemps joué les bellâtres d’occasion au grand écran. Mais en 2013, ses performances dans le film de Vallée, dans Mud de Jeff Nichols et bientôt dans The Wolf of Wall Street de Scorsese et dans Interstellar de Christopher Nolan (sortie prévue en 2014) feront de lui un acteur à prendre très au sérieux et dont on suivra dorénavant la carrière d’un autre œil.