D’un genre à l’autre

En octobre dernier, sur ce blogue, je résumais tout le plaisir que j’avais eu à voir le film L’Amour est un crime parfait des frères Larrieu, une comédie noire et alpine qui m’a 479126totalement séduit. Un autre film français que personne n’attendait, ni moi d’ailleurs, m’a également procuré récemment beaucoup de bonheur. Il s’agit de Pas son genre, la toute dernière réalisation du Belge Lucas Belvaux qui n’aura eu qu’une semaine de vie sur nos écrans. Pourquoi ai-je tant aimé ce film ? Peut-être parce que je retrouvais dans cette histoire un peu de l’univers de La Discrète avec Fabrice Luchini, une œuvre qui m’avait totalement fasciné à l’époque. Racontant la relation amoureuse improbable entre un prof de philosophie et une coiffeuse Pas son genre mise sur le talent du tandem formé de Loïc Corbery (une découverte) et d’Émilie Dequenne (révélée dans Rosetta). Adapté du livre de Philippe Vilain (dont j’ai adoré les romans précédents, tiens donc !) Pas son genre est à ranger dans le lot des drames romantiques en apparence banals, mais qui examinent avec une fine intelligence et une cruelle douceur le phénomène de l’amour et de l’attirance et de la pérennité d’un couple que tout sépare. Hélas, comme c’est souvent le cas avec ce genre de petits films étrangers sortant discrètement en salle, le film n’a pas eu une longue vie en salle. Mais bon, coup de coeur oblige, il fallait que j’en glisse un mot puisqu’on aura l’occasion de le revoir dans quelques mois en DVD, sur une plateforme Web ou à la télé.

Plus localement et dans un autre ordre d’idées, le projet de documentaire Surfer sur la grâce de David B. Ricard a atteint son objectif de 15 000 $ en dons versés via la plateforme de sociofinancement Kickstarter. Une somme obtenue à l’arraché lors des trois derniers jours de campagne alors que plus de 3 000 $ ont été déposés durant ce dernier droit. Rencontré cette semaine à Limoilou, le quartier qu’il habite, le cinéaste résumait ainsi la finale de sa campagne de financement : « Passé le cap du 10 000 $, les dons ont déboulé, comme si les gens attendaient d’y croire avant de donner. Quand on a atteint le chiffre de 10 000, les gens se sont dit qu’ils ne donneraient pas leur argent pour rien, ils y croyaient, comme si avant ça, ils ne voulaient pas être associés à une possible défaite. C’est mon explication, mais ça, je le dis sous toute réserve ». Près de 50 % des dons proviennent de personnes que je ne connais pas du tout, c’est quand même incroyable » d’ajouter David qui prévoit finir la postproduction de son film en avril prochain.

duo

David et Louis Ricard, crédit photo Léo Lecours-Pelletier.

En cinéma, 15 000 $, c’est peu, mais c’est assez pour permettre à un réalisateur indépendant de finaliser un projet, de faire l’étalonnage des couleurs, le sous-titrage et autres détails techniques qui rendront le film plus attrayant. L’apport des réseaux sociaux a beaucoup aidé à atteindre l’objectif, David y a cru et avec sa petite équipe, ils ont travaillé chaque jour pour alimenter le site du film avec de nouveaux extraits du documentaire afin de séduire d’éventuels donneurs. « On a reçu l’appui de gens qui aiment le cinéma, de ceux qui aiment la planche à roulette aussi. La formule Kickstarter a un schéma bien précis. On savait que les dons plafonneraient à un moment donné et qu’il fallait relancer nos supporters potentiels et autres curieux  pour atteindre le cap du 10 000 et rendre le tout possible. Le fait que le projet soit en français n’a pas aidé non plus à aller chercher des dons à l’étranger. Ce qui nous a sauvés, c’est le sujet sportif du film qui a attiré les fans de skate et de slalom », d’ajouter le jeune réalisateur. Maintenant, David vise la participation de son film en avril à Visions du réel, un festival consacré aux documentaires situé à Nyon, en Suisse. Bref, c’est une histoire à suivre pour un cinéaste talentueux qui ne surfe pas seulement sur la chance, mais aussi sur l’effort continu et passionné de son équipe dans ce projet.

En terminant, contre vents et marées, à savoir la pléthore de films destinés aux oscars et à la faste période des Fêtes et qui envahiront les écrans dans les semaines à venir, il faut souligner la présentation au Clap et au Musée de la civilisation des 13es Sommets du cinéma d’animation de Québec, du 27 au 30 novembre. Dans cette même veine, discrètement et tout en ayant à coeur l’ouverture aux cinématographies étrangères, le Clap présente à nouveau le Festival du film roumain, du 28 novembre au 4 décembre. Il s’agit d’actes de résistance à l’hégémonie du cinéma comme la présentation ces derniers jours de la première édition du Festival du film de l’Inde au MNBAQ. À Québec, les amateurs de cinéma peuvent donc encore voyager à bas prix dans l’exotisme du 7e art.

Bande-annonce de Bobby Yeah, un film d’animation de Robert Morgan, présenté le samedi 29 novembre au Clap dans le cadre des Sommets de l’animation :