Embrasser le grand et le petit écran

Videodrome

Depuis quelques années, de nombreux réalisateurs réputés alternent les projets conçus pour le grand écran et ceux destinés au petit écran. Parmi eux, Martin Scorsese (Boardwalk Empire), David Fincher (House of Cards), Guillermo Del Toro (The Strain) Steven Soderbergh (The Knick) et bientôt M. Night Shyamalan (Wayward Pines). Les Québécois n’échappent pas à cette tendance puisque Ricardo Trogi, Francis Leclerc et Podz jouent allègrement sur les deux tableaux tout comme Yves Simoneau et Christian Duguay à l’international.

En France, le phénomène, quoique moins répandu, pourrait aussi prendre de l’ampleur depuis l’accueil public et critique plus que favorable octroyé à P’tit Quinquin, une série de quatre épisodes réalisée par Bruno Dumont et présentée sur ARTE en France. Suivie par 1,5 million de personnes lors de sa diffusion, P’tit Quinquin relate l’enquête de deux policiers dans une petite ville de la région du Nord-Pas-de-Calais après la découverte, à l’intérieur d’une vache,  du corps démembré d’une femme. Autour de cette intrigue macabre gravite innocemment une bande de jeunes copains menée par P’tit Quinquin. 7915

Né en 1958 et lui-même enfant du nord de la France, Bruno Dumont se fait un nom dans le milieu du cinéma en 1997 avec La Vie de Jésus, un premier long métrage qui n’a rien de biblique malgré son  titre évocateur. Son second opus, L’Humanité, le met à l’avant plan du septième art mondial en remportant le Grand Prix du Festival de Cannes en 1999, récompense que Dumont recevra à nouveau en 2006 pour Flandres. En 2013, Camille Claudel 1915, son septième long métrage prend l’affiche avec pour la première fois au sein de sa distribution une « vedette  », en l’occurrence Juliette Binoche dans le rôle de la sculptrice internée. Dumont, au fil d’une carrière aussi respectée que conspuée, a effectivement misé sur des comédiens non-professionnels pour incarner les anti-héros un peu paumés habitant ses œuvres. Ses films, aux scènes lentes âpres et crues, baignent toujours dans un naturalisme qu’il se plaît lui-même à renier.

P’tit Quinquin porte évidemment sa singulière signature. Mais cette tragicomédie en quatre chapitres s’avère aussi sa création la plus loufoque, baignant dans une douce folie qui étonne autant qu’elle charme. Malgré un récit des plus macabres, Bruno Dumont met en scène des personnages attachants, imparfaits, joués par des amateurs au  jeu naturel, spontané et maladroit. C’est ce qui rend si unique cette série flirtant avec le polar absurde et qui, on l’espère grandement, aura une suite. Marquant l’entrée dans le milieu télévisuel du cinéaste, P’tit Quinquin a été lancé à la Quinzaine des réalisateurs de Cannes en mai dernier. La série a été présentée dans les salles françaises en octobre , offerte en un solide bloc de 3 heures 28 minutes, rendant plus floue la frontière séparant la télé et le cinéma. Au Québec, Funfilm distribuera la série en salle, possiblement au début de l’année 2015. Un rendez-vous à ne pas manquer!