De Verhoeven à Huppert en passant par Djian

 

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J’ai récemment eu un gros coup de cœur pour Elle de Paul Verhoeven, film mettant en vedette Isabelle Huppert que j’ai eu la chance de voir avant sa sortie en salle (prévue ici le 18 novembre). Depuis, je repense beaucoup à cette œuvre  me rappelant le parcours du réalisateur, le talent immense de son actrice principale et la qualité d’écriture de ce scénario  » malaisant  » issu d’un roman de Philippe Djian. Elle raconte le parcours sinueux d’une femme d’affaires, forte et déterminée, engagée dans un étrange jeu de pouvoirs avec l’homme anonyme qui l’a agressée et qui la menace toujours.

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Le réalisateur Paul Verhoeven

Paul Verhoeven est Hollandais d’origine. Sa carrière de réalisateur ressemble à celles de plusieurs artisans, plébiscités dans leur pays, qui foncent vers Hollywood, obtiennent un succès instantané, échouent avec un supposé blockbuster qui fait chou blanc, puis reviennent dans leur pays d’origine pour retrouver l’inspiration des premiers jours. Bref, Verhoeven a fait ses débuts au Pays-Bas dans les années 70 et y réalise en quinze ans sept longs métrages de fiction dont les très remarqués Turkish Délices, Le Quatrième Homme et La Chair et le sang. Verhoeven obtient une reconnaissance qui lui pave la voie vers l’international, chemin qu’empruntera aussi son acteur fétiche local, Rutger Hauer (Blade Runner). En 1987, le cinéaste débarque donc aux États-Unis et enfile la réalisation de blockbusters à succès (Robocop, Total Recall, Basic Instinct) avant de se casser les dents avec Showgirls et Hollow Man. Échaudé par les mauvaises critiques et les attentes des grands studios, il revient dans ses terres basses pour y concevoir en 2006 Black Book, acclamé dès sa sortie, œuvre sur la Seconde Guerre mondiale qui le relancera aux yeux de tous les critiques. Et cette année, c’est à Cannes qu’il fascine le milieu du cinéma en proposant Elle, son nouvel opus déstabilisant réalisé en France. Verhoeven semble au sommet de son art présentement.

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Isabelle Huppert

Au sommet de son art, on retrouve également Isabelle Huppert. Le personnage central de Elle, Michèle Leblanc, semble avoir été écrit pour elle tellement les caractéristiques de cette femme froide, intellectuelle et tordue semblent habiter cette comédienne habituée aux rôles complexes (Une affaire de femmes, Madame Bovary, La Pianiste, La Séparation, etc.). Huppert semble à l’abri du temps dans ce film, toujours au diapason de la note parfaite et égale à elle-même dans son opacité émotive. Aujourd’hui âgée de 63 ans (elle ne les fait pas), l’actrice est assurément l’une des plus grandes  de l’histoire du cinéma français, voire du cinéma tout court. Bon, OK, je suis vendu à son jeu.

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L’écrivain Philippe Djian

Ce rôle formidable de Michèle Leblanc, c’est Philippe Djian qui l’a façonné. Elle, le film, est l’adaptation de son roman  » Oh… «  que je n’ai malheureusement pas encore lu. Depuis quelques années, je me jure de revenir à Djian comme on revient vers un lieu qu’on aime, mais qu’on a peu à peu mis de côté. Comme bien d’autres, j’avais découvert l’œuvre du romancier français avec le film 37°2 le matin, l’une des cinq adaptations de ses romans pour le cinéma et sûrement la plus connue. Puis, voilà deux ans, j’avais été fortement impressionné par L’amour est un crime parfait des frères Larrieu, une œuvre provenant aussi de son univers romanesque, à la fois drôle, sombre et un peu désespéré. L’écrivain semble avoir apprécié la façon dont Paul Verhoeven a mis en scène son récit avec Huppert comme pivot, qualifiant Elle de « trahison merveilleuse » selon Livres Hebdo. Tant mieux, car pour moi, on parle ici d’un des meilleurs longs métrages de l’année, un film marquant, dérangeant et qui me donne envie de revenir au roman d’origine, le cinéma et la littérature s’épousant si bien par moments.