Nojoom et la jeunesse volée

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Y a de ces films essentiels de par le sujet qu’ils abordent. C’est le cas de Moi, Nojoom, 10 ans, divorcée qui vient de prendre l’affiche à Québec et Montréal. Ce long métrage de fiction réalisé par la documentariste Khadija Al-Salami raconte l’histoire de Nojoom qui, à l’image de nombreuses jeunes filles, voire de très jeunes filles, sont forcées de se marier avec des hommes ayant 10, 20 ou même 30 ans de plus qu’elles. Une situation que doivent subir des fillettes du Yémen, pays d’origine de la cinéaste, une situation qui perdure aussi dans plusieurs autres pays d’Asie et d’Afrique.

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Khadija Al-Salami, réalisatrice

Habitant aujourd’hui Paris, Khadija Al-Salami, qui était de passage à Montréal tout récemment, confirme que l’histoire fictive de Nojoom s’inspire de son propre parcours. Ce récit, en grande partie autobiographique, met l’accent sur un problème qui sévit encore au Yémen à cause de traditions implantées depuis des siècles. Fort bien illustré dans son film, le combat de Nojoom pour reprendre sa liberté est à la fois fascinant et consternant. La réalisatrice dépeint la différence de mentalité entre les traditions rurales et urbaines et démontre l’inertie des autorités à établir une loi claire pour régler le problème qui se retrouve souvent entre les mains et le bon jugement des chefs de village et de tribus. « Il faut éveiller les consciences, mais actuellement, au Yémen, la situation politique commence à ressembler à ce qui se passe en Syrie. Les islamistes n’ont pas intérêt à faire changer les choses et la population pense davantage à survivre à la guerre actuelle » selon la réalisatrice. Quinze millions de jeunes femmes mineures sont mariées contre leur gré chaque année dans le monde et pourtant on parle encore très peu de ce phénomène. Heureusement, ce film profite depuis un an d’une belle visibilité à l’international et représentera son pays dans la course pour l’Oscar du meilleur film en langue étrangère.

Fuyant la guerre et l’extrême pauvreté qui affligent actuellement le Yémen, la petite Rheam Mohammed, celle qui joue Nojoom, a réussi à s’exiler en Malaisie. Atteinte de diabète, elle y sera plus en sécurité et mieux soignée selon les dires de la cinéaste qui, de son côté, prépare un projet de documentaire. Ce prochain film portera sur l’embrigadement djihadiste de jeunes femmes converties à l’islam. « Je veux explorer cette problématique qui oppose celles qui combattent ce mouvement et celles qui embarquent dans le fondamentalisme et l’intégrisme religieux », de conclure cette artiste engagée et porteuse d’espoir.