En mode rural !

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Les Mauvaises Herbes de Louis Bélanger

 

Par Camille Arteau-Leclerc

Depuis quelque temps, une tendance s’est développée au sein des productions cinématographiques québécoises. L’urbanité des grandes villes est mise de côté au profit des tournages en milieu rural. De  nombreux films sortis récemment semblent prouver ce phénomène. L’exode des grandes villes a commencé à prendre de l’ampleur dans le cinéma québécois depuis le début des années 2010; des films comme La Chasse au Godard d’AbbittibbiLe Démantèlement et Ressac, tous sortis en 2013, sont caractérisés par leurs décors campagnards et le profond désir de dépeindre la vie en région. Présentement, on peut aussi observer cet élan rural dans plusieurs productions ayant pris à l’affiche depuis le début de l’année : Les Mauvaises Herbes, Boris sans Béatrice, La Démolition familiale ou encore Le Rang du lion pour n’en citer que quelques-uns. Cette tendance se poursuivra en avril avec les sorties de Avant les rues et de L’Origine des espèces, tout comme celles prévues pour l’automne avec Feuilles mortes et Desperado, tous deux  tournés dans la région de Québec.

De passage récemment dans la capitale pour la promotion de son film Les Mauvaises Herbes, le réalisateur Louis Bélanger mentionne : « Il y a eu, dans les années 80, beaucoup des films faits dans les lofts du Plateau-Mont-Royal. J’en avais un petit peu mon casque de ça », confirmant une tendance qui rendait plutôt homogène l’allure de notre cinéma. Bélanger n’en est d’ailleurs pas à son premier film dans un environnement campagnard. On peut supposer qu’il a une certaine affection pour les lieux reculés puisque ses films récents comme Route 132 et Timekeeper n’ont pas été tournés en ville. Dans son nouveau long métrage, la campagne est d’une importance capitale, car elle sert de cadre à une amitié improbable entre un vieil homme solitaire, un acteur endetté et une employée d’Hydro-Nord. La ruralité affecte donc positivement et impérativement les relations entre les personnages de son film.

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Boris sans Béatrice de Denis Côté

Boris sans Béatrice, de son côté, a été réalisé par Denis Côté, connu pour ses films Bestiaire et Vic + Flo ont vu un ours. Sa plus récente réalisation raconte l’histoire de Boris Malinowski qui, dans sa luxueuse maison de campagne, veille sur son épouse atteinte d’un mal étrange. Le personnage de Boris (joué par un James Hyndman trop rare au cinéma et formidable dans ce rôle) se voit forcer d’entamer une remise en question fort profonde de sa personnalité. Dans ce drame psychologique, la ruralité s’affiche comme étant un lieu de réflexion et de guérison très bourgeois, rappelant un peu la campagne que Denys Arcand avait illustrée dans Le Déclin de l’empire américain et plus récemment dans Le Règne de la beauté. La ruralité dans Boris sans Béatrice rime donc avec richesse et bien-être malgré la détresse que subissent les personnages principaux.

Même les documentaires n’échappent pas à ce désir d’explorer les régions. Dans La Démolition familiale, Patrick Damien nous transporte dans sa région natale : le comté de Bellechasse. On y fait la connaissance de Marika et Christopher, deux jeunes amateurs de derby de démolition automobile, une activité qui semble très prisée dans différents villages de la province. À travers la caméra de Damien, on observe l’influence rurale à son meilleur : les personnages, ayant tous un lien de sang ou presque, vivant en symbiose et partageant une rang-du-lionpassion commune : patenter la mécanique automobile et trafiquer les moteurs. Tourné en Estrie dans une maison de ferme isolée, Le Rang du lion de Stéphan Beaudoin,  de son côté, relate en fiction l’arrivée dans une petite secte d’un jeune couple en manque de repères. Le huis clos du récit a aidé à souder l’équipe pendant le tournage comme le souligne son réalisateur : « Ça a vraiment créé une cohésion, ça a tissé des liens et intensifié la dynamique entre les personnages ». Pendant les onze jours, les comédiens ainsi que l’équipe technique ont vécu ensemble jour et nuit sur les lieux du tournage, loin de la ville et de ses distractions, à l’image des personnages du film. Encore une fois, la campagne, omniprésente, est synonyme de rapprochement entre les membres d’une même communauté.

En bref, il faudra vérifier si cette tendance sera là pour durer même si, en 2016, l’urbanité est encore mise en valeur dans quelques-uns de nos longs métrages (Montréal la blanche, Nitro Rush). La campagne, elle, est porteuse de plusieurs significations, tant du côté familial, psychologique que social. Cette tendance de sortir des grandes villes joue inévitablement un rôle clé dans les relations entre les personnages, et même entre les acteurs, donnant une couleur locale et originale aux récits qui se retrouvent au grand écran!