Trio gagnant

Philippe Rebbot, Antoine Bertrand, Côme Levin

Le deuxième long métrage de Nadège Loiseau, Trois fois rien, prend l’affiche simultanément en France et au Québec à la mi-mars. Cette coproduction franco-canadienne met en vedette Antoine Bertrand, Philippe Rebbot et Côme Levin qui, tous trois, avaient été dirigés par la cinéaste dans sa réalisation précédente Le Petit Locataire (inédit au Québec) sortie en 2016. Dans cette nouvelle comédie dramatique, le trio d’acteurs interprète des itinérants qui ont trouvé refuge dans le bois de Vincennes en banlieue parisienne. Leurs destinées, devenues communes, prendront une drôle de tournure lorsqu’ils gagneront un lot de plus de 200 000 euros au loto. Mais évidemment, le bonheur au quotidien ne se résume pas à une somme d’argent, aussi élevée soit-elle. Nadège Loiseau nous offre quelques minutes de son temps pour nous parler de son film et du pari qui l’accompagne, soit d’en faire un succès alors qu’Antoine Bertrand, encore peu connu en France, en est la tête d’affiche.

Le Clap : Nadège, vos trois acteurs qui jouent Brindille, Casquette et La Flèche avaient joué sous votre direction dans votre premier long métrage qui mettait aussi et surtout en vedette Karin Viard. Qu’est-ce qui vous a poussé à les réunir devant votre caméra à nouveau tout en leur donnant des rôles de plus grande importance?

Nadège Loiseau : L’envie de refaire un film avec eux est né littéralement sur le plateau du Petit Locataire. Ils ont tous les trois une énergie physique incroyable et vraiment très différente. Je suis très rattaché au corps des acteurs à l’écran et ce qu’ils en font. Ici, on voit bien qu’ils se complètent à merveille. Le défi, ici, dans le registre de la comédie, c’était qu’il fallait qu’ils apprennent à danser une valse à trois et ça ce n’est pas évident. L’enjeu, c’est que les trois existent à l’écran, que chacun serve la soupe pour que l’autre soit mis en valeur, et ce, à tour de rôle. Heureusement, cette volonté était bien là pour chacun d’eux.

Nadège Loiseau, réalisatrice.

Le Clap : Les trois acteurs se complètent physiquement et ils ont des têtes et des caractères très différents. Antoine a une tête de Québécois, Philippe de Français, et Côme, il a définitivement une tête pour jouer dans Trainspotting, non?

NL : Ha! Ha! Ha! Absolument. Côme a une tête de Gallois, il a d’ailleurs des origines franco-américaines.

Le Clap : Plus le récit avance dans votre film, plus le personnage d’Antoine, soit Brindille, prend de l’importance. C’est un risque d’en faire votre vedette principale, car même s’il a tourné quelques films et que Starbuck a été un grand succès, il n’est pas encore considéré comme une star en France aux yeux et du public et des médias.

NL : C’est vrai, mais ce film ne pouvait être fait qu’avec Antoine dans le rôle de Brindille. Le budget du film n’était pas élevé et la pression était donc moindre pour avoir un casting flamboyant. Heureusement car pour moi, la présence d’Antoine en tête d’affiche n’était pas négociable. Monter un long métrage avec Antoine, c’est une gageure et la coproduction avec le Québec a aidé à concrétiser le tout.

Le Clap : L’accent d’Antoine n’est pas camouflé, il parle québécois, naturellement, comme il se doit. C’est encore rare la mise en évidence des accents régionaux et étrangers dans le cinéma français.

NL : En France, maintenant, on est prêt, je crois à accueillir, l’accent québécois. Je viens du nord de la France et on m’a fait remarquer rapidement, quand je suis arrivée à Paris, que j’avais un drôle d’accent. Je suis fan des langues et hélas les accents ont de la difficulté à exister au cinéma français. Pourtant les accents, c’est musical, ça raconte un pays, une région, et c’est important. Et Brindille, il doit garder son accent québécois sans pour autant que l’histoire soit celle d’un Québécois à Paris. On est ailleurs. Antoine lui se marre avec son accent quand il vient à Paris. Et nous, on se marre avec lui.

Le Clap : Le sujet principal du long métrage, et il faut en parler, c’est l’itinérance et les SDF. C’est un sujet qui vous tenait à coeur.

NL : Oh oui, le sujet me bouleverse et le regard qu’on pose sur ces gens sans domicile fixe ou encore celui qu’on n’ose pas poser, c’est ce qui est troublant. Même si le visage typique du SDF a beaucoup changé depuis quelques années en France, notamment à cause de l’immigration, j’ai été à même de connaître ce phénomène, car j’ai vécu à côté du bois de Vincennes où plusieurs s’y trouvent, dans des campings de fortune. J’ai rencontré ces gars-là qui ont été mes voisins et qui m’invitaient à prendre un café avec eux. Il y avait 200 000 sans-abris quand j’ai commencé à plancher sur le scénario voilà cinq ans. Aujourd’hui, ils sont 300 000 en France. Ce phénomène, inévitablement et heureusement, fait partie du débat qui va accompagner la sortie du film en salle. Il n’y a pas un message angélique dans mon récit, mais il faut réaliser que les itinérants ont chacun leur propre histoire et qu’il faut s’y intéresser. Je ne voulais pas rire d’eux, mais rire avec eux pour que notre regard ne soit pas au-dessus d’eux mais bien à leur hauteur. Avec le rire, mon film, je l’espère, donnera envie de ne plus les quitter du regard.

Viande froide au grand écran

Réalisé par le comédien, humoriste et réalisateur Fabrice Ébroué, Barbaque raconte les aventures de Vincent et Sophie qui tiennent une petite boucherie au Havre et qui forment un couple au bord de la rupture. Mais lorsqu’un incident dramatique les amène à mettre sur les tablettes une drôle de viande froide qu’ils appellent le jambon d’Iran, les ventes décollent, les clients font la file et leur amour retrouve sa vigueur d’antan. Mais le succès de ce jambon les entraîne dans une spirale sanglante inattendue.

Marina Foïs (L’Atelier, Polisse) est en vedette aux côtés du cinéaste dans cette comédie absurde, loufoque, romantique et gore à la fois. Rencontrée récemment pour la promotion du film qui arrive sur nos écrans en mars, l’actrice a donné des détails sur Barbaque ainsi que sur ses nombreux prochains projets au cinéma.

Le Clap : Marina, comment êtes-vous arrivée sur ce projet de comédie très singulière?

Marina Foïs : Fabrice m’a envoyé le scénario par la poste et le récit m’a beaucoup fait rire. Malgré mes débuts en humour avec la troupe les Robins des bois, j’ai fait très peu de comédie dans ma carrière, alors quand un scénario provoque une telle réaction chez moi, ça m’incite à dire oui. On pense parfois à moi pour des comédies, mais je suis difficile. Je cherche l’originalité du projet ou encore une histoire absurde qui me plaira et c’était totalement le cas avec Barbaque. En plus, ce qui était séduisant avec ce film, c’est que ça frisait la comédie romantique à travers un couple qui va se reconstruire en vivant une véritable histoire meurtrière. Bref, c’est un mélange de gore et de romantisme, et ça, c’est rare!

Le Clap : Le film se moque de beaucoup de choses liées au militantisme d’aujourd’hui dont une frange, plus radicale, s’en prend aux petites boucheries, petits restaurants et consommateurs de viande dans une ère où le véganisme est devenu un mode de vie pour bien des gens. Est-ce délicat de faire de l’humour avec un sujet comme celui-là?

MF : Je ne crois pas que ce soit si délicat, car Barbaque n’est pas un film à charge, ni contre les végétariens, ni à l’inverse vis-à-vis ceux qui sont carnivores. Il faut défendre les animaux et la planète, ça oui! Après, sur la manière dont on le fait, il y a matière à discussion surtout s’il y a de la violence. Le problème, c’est le manque de nuance et Barbaque, comme film, mise sur l’humour ironique. C’est salutaire l’humour. De plus, dans tout ça, il faut faire une différence entre les boucheries industrielles et les gens qui maltraitent les animaux d’un côté et les plus petits producteurs et éleveurs de l’autre.

Le Clap : Une comédie, c’est une mécanique en soi. Quand on ajoute des effets gores pour faire de l’humour, est-ce que ça change la dynamique sur le plateau car il faut le dire, le film, bien qu’hilarant, est sanglant?

MF : La comédie, c’est du rythme, de la précision, de la rigueur. Sur le plateau de Barbaque, il y avait des scènes très drôles à faire à cause de l’aspect gore effectivement, et ça nous amenait à rigoler, disons différemment, comme on peut le faire à un enterrement. De mon côté, j’ai surtout pris plaisir à interpréter Sophie, une manipulatrice, maline et cruelle. C’est ce qui la rend si intéressante, c’est elle qui insuffle de la vie dans ce couple rempli d’amertume.

Le Clap : Les histoires de boucherie dans le cinéma français, je pense au film Le Boucher de Claude Chabrol ou encore à Carne et Seul contre tous de Gaspar Noé, sont toujours un peu, voire très malsaines, non?

MF : Ha! Ha! Ce n’est pas faux. Les boucheries, c’est un décor particulier et il faut croire que c’est très inspirant pour des cinéastes.

Le Clap : En regardant votre feuille de route, je vois que les tournages s’enfilent à la vitesse de l’éclair. Votre rythme de travail est effarant.

MF : C’est vrai, j’ai beaucoup tourné, souvent trois ou quatre films par an. L’année qui vient ne fera pas exception parce qu’on me verra avec Denis Ménochet dans un suspense rural, As bestas, du talentueux réalisateur espagnol Rodrigo Sorogoyen. Puis, il y aussi eu le tournage de L’Année du requin avec Anthony Bajon, réalisé par les frères Boukherma. C’est une histoire incroyable, une sorte de remake de Jaws, à la fois film de genre et drame social inspiré par le cinéma asiatique et qui profite d’une réelle liberté formelle dans sa conception. Enfin, il y a Cet été-là d’Éric Lartigau où je joue aux côtés de Gael García Bernal et Chiara Mastroianni. Mais bon, là, j’avoue qu’il faut que je pense à ralentir tout ça un peu.

Cette entrevue a été réalisée sur invitation, dans le cadre des Rendez-vous du cinéma d’UniFrance 2022.

Les dix films de mars 2022

Au menu du mois de mars, plusieurs curiosités qui pourraient nous surprendre, dont la romance historique Mothering Sunday avec Colin Firth et du côté de la France, sur fond de triangle amoureux, la nouvelle réalisation de Nicole Garcia intitulée Les Amants avec Pierre Niney. Il y aura aussi les sorties de Memory Box (coproduit avec le Québec et le Liban) et de Louloute, une comédie dramatique avec la talentueuse Laure Calamy (Antoinette dans les Cévennes). Les amateurs d’action, de personnages balaises ou de comédies se rabattront sur Opération Fortune de Guy Ritchie ou sur le tandem formé de Sandra Bullock et Channing Tatum dans The Lost City, film d’aventure où toute subtilité semble bannie. Au-delà de ces titres, voici les dix films qui, selon moi, se démarquent ce mois-ci dans l’agenda.

NDLR : Ce texte de blogue est dédié à la mémoire de Serge Pallascio récemment décédé. Serge a collaboré durant des années au Magazine Le Clap. Sa grande cinéphilie et sa curiosité pour le travail des artisans du septième art émanaient de ses dizaines d’entretiens menés dans le cadre de la chronique Le Cinéma vu par. Nos plus sincères condoléances à tous ses proches.

1- Le Batman (The Batman) : Robert Pattinson a été choisi pour incarner cette nouvelle mouture du super-héros masqué dans une version qu’on nous présente comme étant plus sombre que les plus récentes productions DC avec Ben Affleck. Le Sphinx, joué par Paul Dano, La femme chat interprétée par Zoë Kravitz et le Pingouin, incarné par Colin Farrell, sont appelés à être les super-vilains de service dans ce film réalisé par Matt Reeves (Cloverfield).

2- X : En plein coeur du Texas, un vieux couple accueille dans sa demeure l’équipe de tournage d’un film porno. Dès la tombée de la nuit, tout va dégénérer complètement. Réalisé par Ti West (The House of the Devil), X serait le film d’horreur à voir ce mois-ci.

3- Ouistreham : Juliette Binoche se retrouve au coeur de ce drame social adaptant l’essai de Florence Aubenas. L’écrivain Emmanuel Carrère (La Moustache, L’Adversaire) endosse le rôle de réalisateur pour mettre en scène ce récit sur une autrice qui se fait engager comme femme de ménage pour bosser sur les traversiers en Normandie. Sa mission vise à témoigner, dans un livre à paraître, du quotidien difficile vécu par des femmes dont la précarité économique et les conditions de travail sont trop peu connues.

4- Barbaque : Marina Foïs et Fabrice Éboué (aussi réalisateur) forment un couple qui tient une boucherie dans la cité du Havre. Leur commerce connaîtra un succès boeuf le jour où il se mettront à vendre du « jambon iranien ». Mais quelle est la recette secrète de ce jambon qui, bien que leur apportant une clientèle inespérée, pourrait aussi les mener à leur propre perte. Humour gore, absurde et politiquement incorrect au menu.

5- Jockey : On dit le plus grand bien de ce drame mettant en vedette Clifton Collins Jr., acteur sous-estimé. Il interprète ici le rôle d’un jockey au bord de la retraite qui entend participer à une ultime compétition au moment où il découvre qu’un autre cavalier pourrait être son fils.

6- Le Tailleur (The Outfit) : Mark Rylance incarne un tailleur londonien exilé à Chicago qui tient un petit commerce spécialisé dans les vêtements faits sur mesure. Sa clientèle aussi aisée que mafieuse pourrait cependant rapidement faire de lui un complice de ce milieu criminel et retors.

7- Trois fois rien : Antoine Bertrand fait équipe avec Philippe Rebbot et Côme Levin pour former un trio de sans-abris qui gagnent inopinément une fortune au loto et qui doivent trouver une solution rapide afin de pouvoir légalement encaisser cette somme inespérée qui les sortira de la pauvreté. Comédie française de Nadège Loiseau où l’ex-Bougon aura l’occasion d’en faire des tonnes.

Trois fois rien

8- Un monde : La réalisatrice française Laura Wandel nous propose un film rempli d’émotions où un frère et une soeur deviennent les pierres angulaires d’une réflexion sur l’intimidation chez les enfants des écoles primaires. Un monde est un long métrage puissant et douloureux à la fois, filmé à hauteur d’enfants. À voir!

9- Nouveau-Québec : Christine Beaulieu joue le rôle de Sophie qui se rend à Schefferville, avec son amoureux, pour récupérer les cendres de son père décédé et régler les détails entourant la vente de son chalet. Mais un incident dramatique survient et la force à rester sur place plus longtemps que prévu, ce qui l’amènera à découvrir des choses étonnantes et à faire de l’ordre dans sa vie. Un film réalisé par Sarah Fortin.

10- Tout partout à la fois (Everything Everywhere All at Once) : Michelle Yeoh joue une femme au bord de la crise de nerfs qui peine à remplir sa déclaration de revenus. L’humour déjanté des réalisateurs Daniel Scheinert et Daniel Kwan (Swiss Army Man) sera au centre de cette comédie d’action et de science-fiction aux multiples univers.

L’événement

Anamaria Vartolomei dans L’Événement

Le film français L’Événement, réalisé par Audrey Diwan, a fait sensation en 2021, gagnant le Lion d’or à la plus récente édition de la Mostra de Venise. Il arrive enfin sur nos écrans ce mois-ci. Le long métrage tire son origine du roman autobiographique d’Annie Ernaux publié en 2000. Le récit retrace comment, dans la France du début des années 60, l’écrivaine alors toute jeune étudiante universitaire, doit trouver une façon pour se faire avorter alors que la chose est encore illégale au pays. Audrey Diwan, aussi réalisatrice de Mais vous êtes fous et scénariste de Bac Nord, nous donne des détails sur cette deuxième réalisation, un film concocté avec intelligence et sensibilité, porté par la formidable performance d’Anamaria Vartolomei dans le rôle principal.

Le Clap : Audrey, votre film se déroule en 1963 et permet de remettre en contexte une époque pas si lointaine où des changements sociaux majeurs étaient nombreux à poindre à l’horizon.

Audrey Diwan : Oui, à ce moment, la jeunesse française était en train de se constituer en tant que corps social distinct, d’affirmer sa voix. C’est particulier de s’imaginer tous ces jeunes de vingt ans tentant de se rapprocher et de s’émanciper dans un cadre social encore très rigide où il était interdit de se toucher. Écrire et mettre en scène ce film, c’est à la fois raconter l’interdit et le désir.

Audrey Diwan, réalisatrice, tenant le Lion d’or remporté à Mostra de Venise.

Le Clap : Remonter dans le temps, c’est inévitablement faire des découvertes sur la société de l’époque et la façon dont l’avortement était vu. C’était un tabou énorme.

AD : J’ai été très surprise par ce phénomène d’autant plus que j’ai moi-même déjà avorté. Le livre d’Annie Ernaux n’est pas son plus connu. Sa sortie a été assez confidentielle. En me plongeant entièrement dans le bouquin et dans cette époque, j’ai réalisé que je ne connaissais pas grand-chose à l’avortement clandestin. J’ai constaté l’ampleur de ma méconnaissance sur le sujet. La réalité était brutale. Elle l’est encore, car elle nous amène à nous interroger à nouveau sur ce qui se passe dans le monde, là où l’avortement est encore interdit du moins dans des dizaines de pays. J’ai discuté longuement avec Annie Ernaux lors de l’écriture du film et son parcours m’a impressionnée. Elle venait d’un milieu prolétaire, de la campagne, mais elle s’est rendue à l’université, elle a traversé les époques et les barrières de classes. Son histoire, c’est aussi celle d’une femme qui trouve et fait sa place dans la société.

Le Clap : Anamaria Vartolomei est d’une grande justesse dans le rôle d’Anne. Comment a-t-elle obtenu le rôle?

AD : Je travaille avec une excellente directrice de casting qui savait que je voulais une jeune actrice qui puisse oublier la caméra, car mon tournage allait être immersif et chorégraphique à la fois. Il fallait trouver un savoir-faire naturel à l’écran et Anamaria l’avait d’instinct en nous offrant un jeu minimaliste. Son personnage étudie les lettres, la littérature, il fallait quelqu’un qui maîtrise le texte et les mots. Chose qu’elle savait faire à la perfection.

Sandrine Bonnaire et Anamaria Vartolomei

Le Clap : Sandrine Bonnaire apparaît dans un rôle secondaire dans votre film. C’est une belle faveur qu’elle vous accorde.

AD : Qu’elle accepte un second rôle démontre son intelligence et sa grande humilité. C’est la marque des grandes actrices. Et ce qui est drôle, c’est que Sans toit ni loi, qui a marqué sa carrière de comédienne, a aussi gagné le Lion d’or en 1985. Mais surtout, c’est que cette oeuvre signée Agnès Varda nous servait de matrice lors du tournage. J’ai montré ce film à Anamaria pour qu’elle s’inspire du sentiment de liberté qui s’en dégage, pour qu’elle constate à quel point ce personnage joué par Sandrine est très vertical dans sa façon d’être et d’apparaître à l’écran.

Le Clap : En 2021, Titane et L’Événement ont été les deux films français les plus salués par les critiques et les festivals à l’international. Les deux sont réalisés par des femmes, Julia Ducournau et vous. Symboliquement, c’est un beau hasard.

AD : Oui, mais j’en fais une lecture toute personnelle et particulière. Julia et moi, nos films du moins, représentent une industrie qui désarme très lentement sa méfiance envers des réalisatrices qui ont un point de vue, voire un parti pris, à mettre de l’avant au grand écran. Et cette méfiance, pour l’atténuer, c’est un processus qui est long, très long. Seulement un quart des films européens sont actuellement réalisés par des femmes. J’espère que nous sommes les nouveaux rouages permettant de désamorcer ce système et cette méfiance petit à petit.

Cette entrevue a été réalisée dans le cadre des Rendez-vous du cinéma d’UniFrance 2022.

Médecin de nuit

Vincent Macaigne dans Médecin de nuit

Dans Médecin de nuit, Vincent Macaigne a trouvé un rôle qui casse son image d’acteur à la fois un peu maladroit, mais fort doué pour la comédie. Dans ce drame sous tension réalisé par Elie Wajeman (Alyah, Les Anarchistes), le comédien incarne Mikaël, un médecin et père de famille qui patrouille les rues de Paris la nuit afin de faire des visites à domicile auprès de nombreux patients. Sa vie nocturne est cependant chaotique, car il participe à un trafic de médicaments, de concert avec son ami Dimitri (Pio Marmaï), un pharmacien endetté et conjoint de sa maîtresse Sofia (Sara Giraudeau). Insomnie, toxicomanie et adultère, voilà ce qui gangrène petit à petit ce médecin de nuit. Rencontre avec Vincent Macaigne et Elie Wajeman qui nous parlent de ce film noir aussi prenant qu’étouffant.

Le Clap : Elie, cette histoire singulière vise à raconter la vie de nuit d’un médecin itinérant. D’où vous vient cette idée?

Elie Wajeman : J’ai un copain médecin qui pratique son métier de cette façon, de nuit, à Paris. J’ai rapidement compris que ça pouvait devenir un beau personnage romantique pour le cinéma, surtout pour un film noir. Juste le voir traverser Paris la nuit, en voiture, c’est déjà très cinématographique. Ces gens qui vivent de nuit, on les appelle « les nuiteux » et ils ont le sentiment que la ville leur appartient durant ce moment. Ces médecins sont un peu punks, ils ont du vécu et des parcours étonnants. Ceux qui profitent du trafic de médocs pour se faire un peu d’argent sont nombreux. Je voulais aussi montrer Paris comme une ville qui n’est pas que bourgeoise avec ses recoins où la vie est dure, où il y a de la solitude, des appartement vétustes, voire pourris. Avec le film noir comme genre, on peut faire une étude sociale, montrer ce qui se passe la nuit et qu’on ne voit pas.

Elie Wajeman, réalisateur

Le Clap : Vincent, on vous connaît principalement pour avoir tenu de nombreux rôles comiques. Ici, on peut carrément parler de contre-emploi. Ça ne se refuse pas une telle offre, non?

Vincent Macaigne : Oui, c’est un rôle qui ne se refuse pas et Elie m’a fait confiance dès le début. Jouer Mikaël, ça m’a permis de creuser une part de jeu que je n’avais jamais exploré avant. Il est moins bavard que d’autres personnages que j’ai pu jouer et aussi plus physique dans son jeu. Je sortais du tournage de L’Origine du monde de Laurent Lafitte où je jouais presque constamment nu et où j’étais plus gros, plus rond. J’ai alors dû travailler pour avoir l’air physiquement plus sec et brutal. J’ai fait un régime et suivi un entrainement physique, j’ai fait du sport et j’ai dû passer mon permis de conduire pour faire ce film (rire)! Tout ça en suivant les médecins de nuit dans leurs rondes nocturnes pour mieux comprendre leur réalité. L’air de rien, tout ça a nourri mon imaginaire pour tourner chacune des séquences. Le film se passe en une nuit et l’impact est violent. Il fallait être dans le bon tempo pour chacune des scènes.

Le Clap : Elie, pourquoi justement avoir choisi Vincent pour incarner ce médecin?

EW : J’ai pensé à lui avec naïveté et même si c’était nouveau pour lui d’incarner un tel personnage, ça a été très naturel, voire simple. Je n’ai jamais été inquiet. C’est un acteur formidable. Son personnage est ambigu et couche après couche, on le découvre véritablement, aimable et salaud à la fois dans sa vie sentimentale, avec sa femme et sa maîtresse. Tout ça divise notre perception et j’aime bien ça. En toile de fond, la nuit devient presque un personnage en soi. C’est d’ailleurs l’élément radical qui a tout changé dans mon scénario. La brutalité nocturne dans le film fait qu’il se distingue, et ce, sans nuire au côté documentaire du sujet, ni au romantisme de la fiction, voire au lyrisme qui définit cette histoire de médecin de nuit.

Le Clap : On voit Médecin de nuit et on songe inévitablement à d’autres films qui se déroulent entre le soir et petit matin comme Taxi Driver. Quelles ont été vos influences?

EW : J’avais effectivement des références en tête pour le tournage. Je pense à des longs métrages américains comme Lenny, Conversations secrètes, Mean Streets, The Panic in Needle Park et After Hours. Des oeuvres qui offrent des portraits existentiels et qui suivent la dérive psychologique d’un homme. Mon film, c’est aussi un portrait de la France contemporaine mais le secret, c’est qu’au départ, c’est une adaptation de la pièce Platonov de Tchekhov qui se concentre sur un type écartelé entre plusieurs femmes exactement comme Mikaël.

VM : Et pour compléter ce que vient de dire Elie, le résultat pour moi, c’est qu’il se dégage de Médecin de nuit une belle et cruelle vérité.

Le film Médecin de nuit est disponible en location sur le site des cinémas Le Clap.

Cette entrevue a été réalisée sur invitation, dans le cadre de la 22e édition des Rendez-vous du cinéma d’UniFrance 2020, à Paris.

Février 2022 en dix films

Ça va se bousculer dans l’agenda des sorties en février, car les longs métrages (dont les lancements sont prévus depuis Noël) seront nombreux à vouloir leur place au grand écran, notamment parce que les salles seront enfin rouvertes. À travers des longs métrages comme Marry me (drame romantique avec J. Lo) ou encore plus irrévérencieux comme le nouveau Jackass, on pourra voir quelques films familiaux dont Le Loup et le lion et Vaillante ainsi que le retour du détective Hercule Poirot dans Mort sur le Nil. Il y aura également de la place pour l’absurde avec Le Bruit des moteurs mettant en vedette Robert Naylor et Studio 666, comédie d’horreur avec les membres des Foo Fighters. Mais voici dix autres titres qui feront grandement saliver les cinéphiles lors du mois le plus court de l’année!

1- Julie (en 12 chapitres) : Gros coup de coeur pour ce drame romantique présenté à Cannes l’an passé, réalisé par Joachim Trier et relatant les hésitations sentimentales d’une Norvégienne, Julie (jouée par la pimpante Renate Reinsve), écartelée entre son amour pour Aksel et sa passion pour Eivind. Réalisé avec maestria, le film nous fait passer par toute la gamme des émotions liées aux relations amoureuses qui nous déchirent.

2- Drive my Car (Conduis mon char) : Cette adaptation filmique d’une nouvelle de Murakami a fait sensation à Cannes, gagnant le prix du meilleur scénario. Le film dépeint la rencontre entre un metteur en scène et sa chauffeuse privée alors que le premier tente de monter la pièce Oncle Vania de Tchekhov à Hiroshima. Les deux personnages vivent un deuil et, de confidence en confidence, se soutiendront mutuellement vis-vis leur peine respective.

L’Événement, réalisé par Audrey Diwan.

3- L’Événement : Ce drame raconte, dans la France du début des années 60, les efforts ardus d’une jeune étudiante pour se faire avorter. Transposant au grand écran le récit autobiographique d’Annie Ernaux, cette réalisation d’Audrey Diwan a obtenu le Lion d’or à la dernière Mostra de Venise. Un des meilleurs films français de 2021. À ne pas rater.

4- Cyrano : Voici l’adaptation de la comédie musicale Off Broadway s’inspirant du Cyrano de Bergerac de Rostand. Après la scène, le très talentueux Peter Dinklage (Tyrion Lannister dans Game of Thrones) reprend pour le grand écran le rôle principal de Cyrano.

5- The Cursed : Fin XIXe, une enquête est menée dans une petite bourgade à la suite de la mort d’un jeune garçon. On tente alors de retrouver l’animal sauvage qui serait à l’origine de cette agression. Ce film d’horreur folklorique réalisé par Sean Ellis nous amène sur la piste d’un loup-garou sur fond de cauchemar gothique.

6- Madres paralelas (Mères parallèles) : La nouvelle réalisation de Pedro Almodóvar, portée à nouveau par des personnages féminins forts, est l’une de ses plus belles en carrière. Penélope Cruz joue une quarantenaire qui donne naissance à un enfant au même moment qu’une adolescente avec laquelle elle se lie d’amitié. Évidemment, ces naissances apporteront des complications totalement insoupçonnées pour les deux nouvelles mères. À voir absolument.

7- Uncharted : Tom Holland est la tête d’affiche de ce drame d’action inspiré par une série de jeux vidéo du même nom. Il y joue le jeune Nathan Drake qui, accompagné de son mentor, doit retrouver un trésor valant 5 milliards de dollars. Des cascades époustouflantes arrangées avec le gars des vues seront au menu.

8- Flee : À la fois film documentaire et d’animation, cette coproduction danoise rappelle dans sa forme Téhéran tabou et Valse avec Bachir. Elle raconte la fuite d’Afghanistan d’Amin et de sa famille dans les années 90. leur long chemin vers une nouvelle terre d’accueil, la Suède, en passant par le Danemark et la Russie. Le parcours d’exilé d’Amin est aussi construit autour de son homosexualité cachée et par sa crainte d’être rejeté par sa famille plutôt conservatrice. Un récit humaniste touchant, aux images magnifiquement animées.

9- Illusions perdues : Grosse distribution pour ce nouveau film de Xavier Giannoli (À l’origine, L’Apparition), cinéaste adepte des histoires de faux-semblants. Pour cette adaptation du roman de Balzac, on retrouve au grand écran Benjamin Voisin, Cécile de France, Xavier Dolan, Vincent Lacoste et Gérard Depardieu. Une étude relevée et cruelle des relations humaines dans le Paris du XIXe. Une adaptation brillante rappelant Ridicule. À voir sur grand écran, bien sûr!

10- Licorice Pizza (Rêver grand) : Début des années 70, à Los Angeles, un étudiant rêvant de devenir acteur (Cooper Hoffman) rencontre une jeune photographe (Alana Haim) et se lance avec elle dans la vente de matelas d’eau. Ensemble, à Hollywood, ils font la rencontre d’un producteur (Bradley Cooper) et d’un acteur célèbre (Sean Penn) tout en s’impliquant dans la campagne d’un candidat aux élections (Benny Safdie). Et on allait oublier de souligner que c’est Paul Thomas Anderson qui est aux commandes de tout ça. Dire qu’on a hâte est un euphémisme. Le film devait sortir à Noël. C’est un grand bonheur de constater qu’il prendra enfin l’affiche ici dès la réouverture des salles.

Top 10 2021

Titane

Comme à chaque année depuis l’existence de ce blogue, je vous présente mes coups de coeur du côté des longs métrages. Faire un top 10 des meilleurs films, c’est aussi établir des règles d’éligibilité afin de rendre le tout le plus clair possible. Les films sont choisis cette année parmi ceux sortis en 2021 dans les cinémas québécois. Je me dois donc d’exclure les longs métrages présentés en festivals ou déjà sorti dans les pays où ils ont été réalisés et les films offerts directement en ligne. Bref, voici mes coups de coeur de 2021 en espérant que nous trouverons là un terrain d’entente ou que ces titres piqueront votre curiosité et que vous serez tenté de les visionner dans les prochaines semaines.

P.-S. : Le site ouvoir.ca vous aidera à vérifier la disponibilité des titres en salle ou en ligne.

1- Titane : Véritable hommage au cinéma de David Cronenberg, ce deuxième long métrage de la Française Julia Ducournau (Grave) questionne, remue, perturbe et fascine ceux qui le visionnent. On aime ou pas, mais dans les rôles principaux, Agathe Rousselle et Vincent Lindon se donnent corps et âme devant la caméra.

2- Martin Eden : Ce long métrage d’une grande beauté est ma plus grande surprise de l’année. Ces images d’autrefois insérées dans le récit, cette Italie plus belle que jamais et ces personnages qui semblent sortir de photos d’époque charment à coup sûr. Une adaptation touchante et poétique du roman de Jack London par Pietro Marcello.

Lamb

3- Lamb : Dépaysant et déstabilisant, ce sont les deux mots qui résument le mieux ce film islandais mettant en vedette Noomi Rapace. Un couple, éleveur de moutons, doit s’occuper d’un agnelet orphelin. L’arrivée du déluré frangin et l’étrange menace qui plane sur la vallée auront tôt fait d’obscurcir le paisible quotidien du couple.

4- Stillwater : Selon moi, Matt Damon trouve dans ce drame son plus beau rôle en carrière. Il y joue un père qui tente de faire innocenter sa fille emprisonnée à Marseille. Un film humaniste sur le clash culturel profond qui oppose l’Europe aux États-Unis.

5- Nomadland : Rien à ajouter sur Nomadland sorti au début de 2021. Une oeuvre aux images stupéfiantes dépeignant l’Amérique profonde, un film réalisé avec subtilité par Chloé Zhao, avec en son coeur la toujours excellente Frances McDormand.

6- Boîte noire : Le meilleur suspense de l’année vient de France. On y suit l’investigation minutieuse qui fait suite à un accident d’avion. On pense à The Conversation et à Blow Up tellement ce film nous démontre par l’ouïe tout le travail obsessionnel d’enquête du personnage principal joué habilement par Pierre Niney.

Mandibules

7- Mandibules : La meilleure comédie de l’année vient-elle de France? Oui, si on aime le burlesque, l’absurde, l’humour potache provenant du champ gauche et qui émerge de la série Z sans pudeur. Le récit relate les efforts d’un tandem de perdants tentant de domestiquer une mouche géante. Adèle Exarchopoulos y crie sans arrêt. On l’écoute et on rigole ou on pèse sur mute.

8- Dune : Denis Villeneuve a réalisé l’un des meilleurs, sinon le meilleur film de science-fiction du XXIe siècle (jusqu’ici du moins). Le pari était grand et même les amateurs des romans ont généralement été charmés par son adaptation.

9- Flee : Un film d’animation danois, tourné en plusieurs langues, mi-documentaire, mi-fiction, qui nous raconte l’histoire touchante d’un jeune exilé afghan homosexuel. À voir.

10- Promising Young Woman : Un film hybride. Par moments drôle, frôlant l’horreur, devenant un film de vengeance, mais aussi teinté de romantisme. Mais étrangement, ça fonctionne surtout grâce au scénario qui surprend et au talent de Carey Mulligan, l’une des meilleures actrices de sa génération.

Et comme épilogue, voici quelques mentions de films qui m’ont aussi marqué en 2021 :

The Velvet Underground

1- Sin La Habana : Hélas passé un peu inaperçu, ce drame est mon film québécois de l’année. Bien scénarisé, bien interprété, bien réalisé.

2- The Velvet Underground : Oui, il y a eu la série documentaire sur les Beatles mais ce documentaire de deux heures sur le groupe mené par John Cale et Lou Reed est assez intense. À l’image de leur musique finalement. Bravo Todd Haynes ! Documentaire lancé sur la plateforme Apple TV.

3- The Killing of Two Lovers : Le plus beau petit film indépendant américain de l’année. Une histoire de séparation d’un couple avec enfants. Une oeuvre âpre, aride mais aussi très touchante. Sorti en salles aux États-Unis, inédit au Québec.

4- Médecin de nuit : Le meilleur long métrage français de l’année donnant le meilleur rôle en carrière à Vincent Macaigne qui joue un médecin visitant ses clients, la nuit, en voiture, à travers Paris. Une sorte de Taxi Driver sous médication. Sorti en ligne au Québec.

5- Carne y Arena : Alejandro González Inárritu avait présenté ce court métrage tourné en réalité virtuelle au Festival de Cannes et L’Arsenal, à Montréal, a eu le bonheur de le diffuser durant quelques semaines en 2021. Une oeuvre qui frappe fort en présentant le destin des migrants latino-américains à la frontière du Mexique et des États-Unis. L’expression « oeuvre immersive » pour ce court métrage n’a jamais été aussi juste.

Décembre 2021 en dix titres

Décembre, c’est un mois qui mélange pour le mieux les films de pur divertissement et les longs métrages dits oscarisables. Si du côté de Québec, certains titres honorés en festival ne pourront être visionnés qu’en ligne comme The Power of th Dog et The Lost Daughter, nous pourrons heureusement voir sur grand écran des oeuvres fort attendues de cinéastes de renom comme Paul Thomas Anderson, Steven Spielberg et Guillermo del Toro. Nous serons également curieux de voir Joaquin Phoenix dans C’mon C’mon et Michael B. Jordan dans A Journal for Jordan. On se croisera aussi les doigts pour avoir la chance de voir à Québec Flee, documentaire d’animation dont on dit le plus grand bien et qui sera le candidat du Danemark pour les Oscars 2022. Mais bref, voici les dix films à voir au cinéma et qui attirent le plus mon attention ce mois-ci.

Nightmare Alley de Guillermo Del Toro.

1- Nightmare Alley (Ruelle de cauchemar) : Bradley Cooper, Rooney Mara, Cate Blanchett, Willem Dafoe et Toni Collette sont dirigés par Guillermo del Toro dans ce film d’horreur se déroulant dans le milieu forain. La bande-annonce donne le ton pour aller faire un tour de manège vers les ténèbres.

2- The Tragedy of Macbeth (Macbeth) : Joel Coen revisite Shakespeare (sans la participation de son frère Ethan) en offrant le premier rôle à Denzel Washington qui, selon la rumeur, serait remarquable dans le rôle du futur roi d’Écosse. On le verra aux côtés de la toujours excellente Frances McDormand, conjointe du réalisateur devant l’Éternel.

3- Red Rocket (Fusée rouge) : Difficile de passer à côté de la nouvelle réalisation de Sean S. Baker (Tangerine et The Florida Project). Le cinéaste nous raconte ici la destinée de Mikey, ex-star du porno, qui retourne vivre dans son Texas natal, sans le sou et trouvant refuge chez son ex-femme.

4- Spider-Man: No Way Home (Spider-Man : sans retour) : Tom Holland enfile de nouveau le costume de l’homme-araignée et demande l’aide du docteur Strange et de sa magie afin de retrouver un semblant d’anonymat. Mais les choses tourneront mal, allant même jusqu’à faire réapparaître plusieurs de ses ennemis jurés dont le docteur Octopus, toujours joué par le suave Alfred Molina.

5- Au revoir le bonheur : Cette comédie québécoise du temps des Fêtes est signée par Ken Scott qui, pour l’occasion, réunit aux îles de la Madeleine Patrice Robitaille, Louis Morissette, Antoine Bertrand et François Arnaud. Les acteurs joueront quatre frères devant répandre les cendres de leur défunt père aux Îles. Mais encore faut-il qu’ils retrouvent les dites cendres qui, malencontreusement, viennent de disparaître.

6- West Side Story : Steven Spielberg est à la barre de cette nouvelle version d’une des plus grandes comédies musicales de l’histoire d’Hollywood. Son initiative permettra à une toute nouvelle génération de spectateurs de découvrir cet univers de musique et de chorégraphies colorant le New York des années 50 sur fond de romance et de guerre de gangs.

West Side Story réalisé par Steven Spielberg

7- The King’s Man (Kingsman : première mission) : Les deux premiers films étaient tout aussi efficaces que réussis. Cette fois, on plonge dans un antépisode qui nous amène dans les coulisses de la création de l’agence d’espionnage britannique. Ralph Fiennes, Gemma Arterton et Daniel Brühl en sont les têtes d’affiche.

8- The Matrix Resurrections : (La Matrice : résurrections) : Lana Wachowski part en solo, mais sans l’apport de sa soeur Lilly pour nous offrir ce quatrième volet des aventures de Neo, toujours joué par Keanu Reeves. Le héros devra retrouver la mémoire pour mieux repartir au combat dans un élan ultime de rébellion face à la Matrice et ses sombres sbires.

9- Benedetta : Dans ce drame historique se déroulant au XVIIe siècle, Virginie Efira personnifie une nonne italienne, Benedetta Carlini, qui affirme voir Jésus en apparitions tout en entretenant une liaison secrète et torride avec une jeune soeur du même couvent. Paul Verhoeven, habitué aux films sulfureux, réalise ce drame historique, biographique et saphique sur cette mystique toscane appelée à finir ses jours en prison.

10- Licorice Pizza (Rêver grand) : Début des années 70, à Los Angeles, un étudiant rêvant de devenir acteur (Cooper Hoffman) rencontre une jeune photographe (Alana Haim) et se lance avec elle dans la vente de matelas d’eau. Ensemble, ils font la rencontre à Hollywood d’un producteur (Bradley Cooper) et d’un acteur célèbre (Sean Penn) tout en s’impliquant dans la campagne d’un candidat aux élections (Benny Safdie). Et on allait oublier de souligner que c’est Paul Thomas Anderson qui est aux commandes de tout ça. Dire qu’on a hâte est un euphémisme.

Oscars 2022, les prévisions se pointent

Variety, le magazine américain spécialisé en cinéma, vient de publier sa liste de prédictions concernant les films et les artisans du cinéma qui, selon leurs experts, seront nommés dans les différentes catégories lors de la prochaine cérémonie des Oscars qui aura lieu le dimanche 27 mars 2022. Leur liste exhaustive nous donne un réel aperçu de l’année qui vient de passer en matière de films à rattraper et sur les sorties à mettre à notre agenda, longs métrages qui prendront l’affiche dans les prochaines semaines afin d’être éligibles selon les règlements de l’Académie. Voici en gros les films (et l’info sur leurs sorties) et les artistes qui retiennent présentement l’attention des journalistes de Variety dans les principales catégories.

Tout d’abord, comme Meilleur film de l’année, les titres mentionnés sont Belfast (en salle), Coda (en ligne), Dune (en salle), King Richard (en salle), Licorice Pizza (sortie prévue en salle à Noël), The Lost Daughter (en décembre sur Netflix), The Power of the Dog (1er décembre sur Netflix), Nightmare Alley (sortie prévue en salle en décembre), tick, tick…Boom! (en ligne), The Tragedy of Macbeth (sortie en salle prévue le 31 décembre).

Penélope Cruz dans Mères parallèles

Comme actrices, se feraient la lutte Jessica Chastain (The Eyes of Tammy Faye, en ligne), Olivia Colman (The Lost Daughter), Penélope Cruz (Mères parallèles, sortie prévue en salle en janvier), Lady Gaga (House of Gucci, en salle le 24 novembre), Kristen Stewart (Spencer, en salle) se feront compétition pendant que chez les acteurs, on retrouverait nommés Clifton Collins Jr. (Jockey, sortie en salle prévu en janvier), Benedict Cumberbatch (The Power of the Dog), Andrew Garfield (tick, tick…Boom!), Will Smith (King Richard), Denzel Washington (The Tragedy of Macbeth).

Du côté de la réalisation, la compétition opposerait Paul Thomas Anderson (Licorice Pizza), Jane Campion (The Power of the Dog), Kenneth Branagh (Belfast), Denis Villeneuve (Dune) et Reinaldo Marcus Green (King Richard). puis comme Meilleur film international, les titres retenus seraient Compartiment no 6 (Finlande, sortie en salle prévue cet hiver), The Hand of God (Italie, sur Netflix en décembre), Un héros (Iran, sortie en salle prévue en janvier), Julie (en 12 chapitres) (Norvège, sortie en salle prévue en février) et Flee (Danemark, sortie en salle prévue à la mi-décembre) qui, remarquablement, se retrouve aussi nommé comme meilleur documentaire et meilleur film d’animation. Les Oiseaux ivres, lui, à titre de représentant canadien, serait hélas laissé de côté.

Toutes les autres catégories font aussi l’objet de prédictions et dans celles-ci la surprise pour le Québec provient de la section Meilleur court métrage de fiction dans laquelle Les Grandes Claques réalisé par Annie St-Pierre se retrouverait finaliste. Ce sera définitivement à surveiller.

Bref, tant de films restent à voir ici au Québec, car leurs sorties étant prévues en décembre, voire janvier prochain, qu’il apparaît difficile de dire pour l’instant qui sont les grands absents de ces listes si ce n’est que Matt Damon et Oscar Isaac, tous deux respectivement formidables dans Stillwater et The Card Counter, semblent écartés. Notons également que le film de Jane Campion, The Power of the Dog, est une coproduction québécoise grâce à l’apport du producteur Roger Frappier. Rappelons enfin que la cérémonie des Oscars aura lieu cette année le dimanche 27 mars prochain et que les noms de tous les finalistes seront annoncés le 8 février au matin, heure du Québec. À suivre!

Papa, ce héros toxique

Avec Profession du père, le réalisateur Jean-Pierre Améris nous plonge dans les années 60, en France, nous faisant devenir les témoins de l’étrange quotidien d’Émile, un enfant de douze ans obnubilé par les histoires abracadabrantes de son père, un être narcissique et excentrique joué par un Benoît Poelvoorde en grande forme. Ce fabulateur et mythomane colérique s’applique à imposer une autorité toxique auprès de son fils et de son épouse. Peu à peu, ce jeu de dupes aura des conséquences qui iront bien au-delà du cadre familial. Aux côtés de Poelvoorde, Jules Lefebvre et Audrey Dana incarnent Émile et sa mère dans ce qu’on pourrait qualifier de conte cruel. Le cinéaste nous donne des détails sur la conception et le tournage de Profession du père, film qui prendra l’affiche le 12 novembre.

Le Clap : Votre film est l’adaptation du roman du même titre publié en 2015 par Sorj Chalandon. Qu’est-ce qui vous a intéressé dans ce livre pour vouloir en faire l’adaptation?

Jean-Pierre Améris : J’ai toujours aimé les romans de Sorj Chalandon qui, il faut le rappeler, est un ancien reporter de guerre. Il aime la mystification et avec Profession du père, il racontait son enfance auprès d’un père totalement mythomane. En lisant ce livre, j’ai senti une proximité immédiate avec ce qu’il avait vécu et l’ambiance familiale tendue de ma propre enfance dans les années 60. Comme beaucoup d’enfants, Chalandon et moi avons vécu l’angoisse du retour à la maison liée à cette tension violente permanente qui provenait d’un père autoritaire et dictatorial. Bref, j’ai rencontré Sorj pour lui faire part de ma volonté d’adapter son roman, d’en faire un film, et il m’a encouragé à y intégrer mes propres souvenirs. Le film s’inspire donc et du roman et de ma jeunesse. D’ailleurs, en voyant le résultat, Sorj m’a avoué qu’à l’écran, c’était vraiment plus mes parents que les siens qui prenaient vie, surtout pour le personnage de la mère qui console son fils tout en étant terrorisée. Cela dit, mon film va au-delà des violences physiques envers un enfant, on est plus dans la folie psychologique. La névrose de nos parents n’est pas la nôtre. Les enfants sont des héros pour survivre aux maux de l’enfance, la violence parentale ou celle du milieu scolaire.

Le Clap : Vous dirigez pour une troisième fois Benoît Poelvoorde. Cette nouvelle collaboration devait être naturelle.

JPA : Oui, tout à fait. J’ai beaucoup d’admiration et d’affection pour Benoît. On a une grande confiance mutuelle depuis qu’on a tourné ensemble Les Émotifs anonymes. Il avait été merveilleux sur le plateau même s’il est, comme plusieurs comédiens, exubérant et qu’il parle fort. Il sait que j’aime chez lui sa façon de jouer un être plus fragile ou encore plus sombre. Pour son rôle dans Profession du père, je pensais à une image paternelle me rappelant celle d’Alberto Sordi et de Vittorio Gassman, ces grands acteurs italiens. Poelvoorde a ça en lui, cette grande vérité et ce sens du comique à l’italienne. Mais pour ne pas abîmer son image, son agent lui déconseillait d’accepter ce rôle de mythomane violent et raciste. Benoît a quand même foncé tête première. Il joue admirablement ce père, proche du mien, un tyran domestique qui humiliait ma mère et qui en voulait au monde entier. La grandeur des acteurs et des actrices, c’est d’embrasser la noirceur humaine. Benoît a le talent pour incarner de la meilleure des façons un personnage aussi horrible qu’il soit.

Jean-Pierre Améris, réalisateur.

Le Clap : Votre long métrage adopte la forme d’un conte cruel.

JPA : Oui, car je voulais montrer le point de vue de l’enfant vis-à-vis du père. Mais ce n’est pas un règlement de comptes, c’est fait avec amour. Quand on se lance dans un film avec un enfant comme personnage principal, il faut dénicher le jeune acteur qui réussira à trouver un écho dans ce rôle. Jules Lefebvre, qui était déjà très bon dans Duelles, m’a épaté lors de notre rencontre. Lors des essais, il était d’une telle vivacité devant la caméra, malin, joyeux et curieux à la fois. Mon travail de metteur en scène, c’était de bien le diriger. Avec un Jules fort à l’aise dans le rôle d’Émile, j’ai pu faire le film à hauteur d’enfant. C’était essentiel de raconter les choses selon la vision qu’a son personnage de la réalité.

Le Clap : Votre film reste en tête. On y repense longtemps, car ça demeure troublant comme histoire, comme aliénation familiale.

JPA : Et bien merci! J’ai reçu bien des commentaires en ce sens. Les spectateurs me disent qu’ils se reconnaissent soit dans la mère, le père ou l’enfant. Ce récit, ça touche à quelque chose d’assez émotif pour l’ensemble des gens qui voient le film.

Cette entrevue a été réalisée sur invitation, dans le cadre de la 22e édition des Rendez-vous du cinéma d’UniFrance 2020, à Paris.