Un cinéaste aux 3 coeurs

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Charlotte Gainsbourg et Benoît Poelvoorde dans 3 Cœurs

Poussé par une campagne de promotion titanesque, 50 Shades of Grey vient de prendre l’affiche la fin de semaine de la Saint-Valentin. Au même moment, plus discrètement, un autre film sur la rencontre amoureuse atterrit aussi sur nos écrans, soit 3 Cœurs réalisé par le Français Benoît Jacquot. Le cinéaste, rencontré récemment à Paris à l’occasion de la promotion entourant la sortie de son long métrage au Québec, a un parcours très particulier, alternant les projets intimistes, les films d’époque et les drames conjugaux contemporains. Si son nom n’est pas le plus connu parmi les réalisateurs de l’Hexagone, ses œuvres, elles, finissent presque toujours par être distribuées dans nos salles, appuyées par des critiques élogieuses.

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Benoît Jacquot, réalisateur

Jacquot, âgé de 68 ans, a tourné son premier long métrage en 1975;  depuis, ses réalisations dont Sade, Villa Amalia et Les Adieux à la reine ont fait le tour du monde, rassemblant un petit public de fidèles, adeptes de sa démarche d’auteur qui aime beaucoup placer la femme au centre de ses récits. Pour 3 Cœurs, son 21e film, il a choisi de mettre un homme au cœur de son histoire, un personnage écartelé entre deux femmes qui sont aussi sœurs, un être tiraillé par l’amour joué dans un contre-emploi par le Belge Benoît Poelvoorde.

En entrevue, Jacquot avoue qu’il avait envie depuis longtemps de travailler avec Poelvoorde,  précisant que l’acteur s’engage toujours intensément dans un film, aussi bien physiquement que psychologiquement. Était-il à même de bien contrôler cet acteur reconnu pour ses excès? « Benoît, c’est effectivement un comédien dangereux pour lui-même et pour les autres. C’est comme un dément, un fou qui se livre à son délire devant la caméra. Dès lors, son metteur en scène devient un peu son psychiatre », répondra le réalisateur l’œil moqueur. « Au-delà de la personnalité de Benoît, le défi avec ce film, c’était de réunir au tournage Poelvoorde, Gainsbourg, Mastroianni et Deneuve, car leurs agendas ne sont pas simples. Mais eux, ils se réjouissaient vraiment d’être réunis dans ce projet. La connivence a été immédiate », de dire Jacquot.

Avec 3 Cœurs, Benoît Jacquot ne voulait pas refaire un film d’époque avec un éclairage à la chandelle, mais bien un film qui parle de ce qui se passe maintenant et où les malentendus prennent des formes contemporaines, avec un personnage central 012839 masculin. « Ce qui me passionne, ce sont les malentendus entre les gens, dans l’amour, l’amitié, encore plus aujourd’hui alors que nos moyens de communication sont censés nous aider. Moi, je crois, au contraire, qu’ils accentuent nos problèmes à bien communiquer, à bien se comprendre ».

Quand on lui souligne sa propension à diriger des actrices plutôt que l’inverse, il précise : « Filmer principalement un homme plutôt qu’une femme a sûrement modifié ma mise en scène. Je ne m’approche jamais d’un acteur masculin comme je m’approche d’une actrice. Ce n’est pas le même vœu de séduction. On est toujours un peu amoureux de son actrice. Pour un type comme moi en tout cas ! Avec un comédien, c’est plus affectueux, amical, ça relève davantage de la complicité, donc l’approche est très différente. Mais vous savez, les acteurs aussi veulent séduire les metteurs en scène. Le cinéma, ça fonctionne au charme, pour les acteurs et pour les actrices, et toujours dans ce lien unique développé avec celui qui se trouve derrière la caméra. Mais mon érotisme personnel, disons, ne me met pas dans le même état quand je filme une actrice ou un acteur ».

Benoît Jacquot continue de tourner à un rythme effréné. Il présentait récemment à Berlin Le Journal d’une femme de chambre, sa plus récente réalisation dont la sortie est prévue au Québec en avril prochain. Léa Seydoux interprète le rôle principal dans cette version du roman d’Octave Mirbeau déjà transposée au cinéma par Bunuel avec Jeanne Moreau, en 1964. Quand on lui fait remarquer qu’il ne semble prendre aucune pause entre deux tournages, passionné, Benoît Jacquot conclut l’entretien par cette phrase: « Les vacances pour moi, ça incarne le vide, et pour moi le vide, c’est un gouffre ».

Les frais de voyage ont été payés par UniFrance.