Avril 2022 en 10 titres

The Northman
The Northman

Avril débordera de nouveautés en tous genres. Côté divertissement hollywoodien, Memory, drame d’action avec Liam Neeson, Monica Bellucci et Guy Pearce prendra l’affiche tout comme le film de l’écurie Marvel Morbius avec Jared Leto. On verra aussi débarquer les films d’animation Les Méchants et Sonic 2. De la France, beaucoup de titres au menu dont Les Magnétiques (César du meilleur premier film), Twist à Bamako de Robert Guédiguian, le documentaire Animal du réalisateur de Demain Cyril Dion, le pamphlet anti-OGM Goliath avec Gilles Lellouche et Pierre Niney, l’adaptation d’une BD d’Adrian Tomine par Jacques Audiard intitulé Les Olympiades, Notre-Dame brûle de Jean-Jacques Annaud, Madeleine Collins un drame qui rappelle L’Adversaire avec Virginie Efira et Le Temps des secrets tiré de l’oeuvre de Marcel Pagnol. Un vie démente, réalisation belge, nous offre avec humour et sensibilité un récit sur la vieillesse et la démence. Enfin, si on espère la sortie à Québec du film d’horreur You Won’t Be Alone à l’intérieur d’un calendrier mensuel déjà très prometteur côté cinéma.

1- L’Homme du Nord (The Northman) : Ce très attendu film de Vikings, réalisé par Robert Eggers (The Lighthouse, The Witch), met en vedette une pléthore de grands noms : Alexandre Skarsgard, Nicole Kidman, Anya Taylor-Joy, Ethan Hawke, Willem Dafoe et la chanteuse Björk.

2- Tout partout à la fois (Everything Everywhere All at Once) : Michelle Yeoh joue une femme au bord de la crise de nerfs qui peine à remplir sa déclaration de revenus. L’humour déjanté des réalisateurs Daniel Scheinert et Daniel Kwan (Swiss Army Man) sera au centre de cette comédie d’action et de science-fiction aux multiples univers. (la sortie prévue en mars ayant été repoussée)

3-Norbourg : Françoi s Arnaud et Vincent-Guillaume Otis sont en vedette dans ce suspense financier (réalisé par Maxime Giroux) relatant la fraude scandaleuse et la chute vertigineuse de Norbourg, l’entreprise québécoise spécialisée en gestion de fonds de placement au début des années 2000.

4- Un talent en or massif (The Unbearable Weight of Massive Talent) : Nicolas Cage joue un acteur endetté qui se voit offrir un cachet inespéré pour faire une apparition à la fête pour l’anniversaire d’un grand fan milliardaire. Ce dernier baigne aussi dans des activités plutôt louches. Bref, les conditions seront réunies pour que ça dégénère. D’un rôle à l’autre, Cage ne se prend plus du tout au sérieux.

5- Tout s’est bien passé : François Ozon dirige Sophie Marceau et Géraldine Pailhas dans ce drame touchant, adapté du récit de la défunte Emmanuèle Bernheim et qui raconte comment un père de famille (formidable André Dussollier), sentant sa qualité de vie diminuer rapidement, demande à ses deux filles de l’aider à entamer les démarches afin d’obtenir l’aide médicale à mourir.

6- Les Animaux fantastiques 3 : les secrets de Dumbledore (Fantastic Beasts: The Secrets of Dumbledore). La saga pré-Harry Potter prend de plus en plus d’ampleur dans ce volet aux effets spéciaux grandiloquents nous amenant à une confrontation attendue entre Dumbledore (Jude Law) et Grindelwald (maintenant joué par Mads Mikkelsen).

7- Noémie dit oui : Vue dans La Déesse des mouches à feu, Kelly Depeault incarne la Noémie du titre dans un long métrage réalisé par Geneviève Albert. L’histoire, rappelant la série Fugueuse, est celle d’une adolescente qui, ayant fui un centre jeunesse, tombe sous le charme d’un jeune proxénète et qui par amour ira jusqu’à devenir escorte.

8- Eiffel : Romain Duris interprète celui qui donna son nom à la plus célèbre tour du monde. L’histoire se divise en deux dans ce drame biographique et historique. D’une part, elle pose son regard sur les dessous de la conception et de la construction de la tour et d’autre part, elle raconte la triste idylle de Gustave Eiffel avec Adrienne Bourgès (joué par Emma Mackey).

9- Ambulance : La nouveauté de Michael Bay, avec Jake Gyllenhaal en tête d’affiche, est une course poursuite à bord d’une ambulance en plein coeur de Los Angeles et qui fait suite à un braquage de banque évalué à 32 millions de dollars. La célèbre phrase « Silence, moteur, ça tourne, action! » prend ici tout son sens.

10- À plein temps : Ce deuxième long métrage du Québécois Éric Gravel (exilé en France depuis plusieurs années) se concentre sur le personnage de Julie (joué par l’excellente Laure Calamy) qui se démène pour joindre les deux bouts tout en élevant seule ses deux enfants. Une grève des transport en commun mettra à rude épreuve ses ambitions professionnelles.

Rendre les invisibles visibles

Réalisé par Emmanuel Carrère (auteur de L’Adversaire et de La Moustache qu’il a aussi réalisés), le drame Ouistreham, du nom d’une petite ville portuaire normande, met en scène Juliette Binoche dans le rôle d’une écrivaine et reporter, Marianne Winckler. Son personnage est au centre d’un récit ancré dans le cinéma social européen, un courant porté notamment par Stéphane Brizé, les frères Dardenne et Ken Loach. Dans cette adaptation du livre de Florence Aubenas intitulé Le Quai de Ouistreham, Marianne mène anonymement une enquête sur le milieu des femmes de ménage en se faisant engager dans un groupe appelé à travailler sur un traversier.

Accordant de nombreuses entrevues en janvier dernier pour la promotion du film, l’actrice a demandé régulièrement aux journalistes présents de répéter leurs questions. On la sent ainsi légèrement sur la défensive, car le débat autour de Ouistreham rejoint inévitablement celui du livre dont il tire son origine. Comment une écrivaine, ou ici une actrice, peut témoigner avec conviction d’un milieu qu’elle investit secrètement pour mieux ensuite retourner à sa vie d’avant, confortable et embourgeoisée diront les plus méchantes langues? Mais Juliette Binoche ne se défilera pas, défendant ce film qu’elle a depuis le début porté à bout de bras.

Le Clap : Juliette, le livre de Florence Aubenas a beaucoup fait parler de lui lors de sa sortie voilà plus de dix ans. Comment êtes-vous arrivée au coeur de son adaptation pour le cinéma?

Juliette Binoche : Voilà quelques années, un réalisateur m’avait demandé si je voulais jouer cette journaliste, mais Florence Aubenas ne voulait pas vendre les droits d’adaptation. J’ai quand même terminé la lecture du livre et j’ai appelé Florence pour tenter de la convaincre de nous laisser faire le film. Elle a accepté avec comme seule condition qu’Emmanuel Carrère en fasse l’adaptation. J’ai alors contacté Emmanuel. Nous avons dîné tous ensemble à quelques reprises afin de se mettre d’accord sur l’ensemble de la production. Emmanuel s’est aussitôt mis au travail. Mais Florence et son éditeur continuaient à faire preuve de résistance, et ce, jusqu’à ce que je la rencontre par hasard au Festival de Cannes. Florence, se sentant peut-être coupable de retarder le projet, a fait son mea-culpa et donné son aval. L’éditeur du livre, lui, ne me voyait pas dans le rôle principal, au contraire d’Emmanuel évidemment. Il n’y a rien eu de facile mais heureusement, tout s’est arrangé. Le tournage a finalement eu lieu et a été des plus harmonieux. Et je dois également le préciser, Emmanuel a fait tout un travail d’adaptation et aussi de casting pour trouver les non-acteurs qui allaient jouer dans le film.

Emmanuel Carrère, auteur et réalisateur

Le Clap : Justement, comment travaille-t-on avec des actrices qui ne sont pas des professionnelles, qui ne viennent pas du milieu du cinéma et qui débutent à l’écran?

JB : Il faut les mettre en confiance et cette confiance, heureusement, elle était réciproque. Entrer dans le monde du cinéma, du jeu, elles ont aimé ça. Ensuite, il fallait travailler pour que l’intériorité de chacun des personnages passe à l’écran à travers ces femmes qu’elles incarnent. Il faut être patient. Le choix des actrices était parfait. Ce sont des personnages avec des ego assez forts. Il le fallait pour s’exposer ainsi à la caméra. Elles avaient toutes ces qualités qu’il fallait pour être crédibles à l’écran.

Le Clap : Comment s’est déroulée votre préparation pour un tel rôle?

JB : J’ai bâti mon interprétation comme un mélange entre la personnalité de Florence Aubenas et la mienne, en tenant compte de la vision d’Emmanuel. Je suis arrivée sur le tournage exténuée, grippée, j’étais en train de perdre mon père, j’étais dans un état second et sans le cacher, ça a servi le rôle. Mon but, c’était d’exposer la réalité de ces gens-là en étant avec eux. Emmanuel me déléguait tout l’aspect du jeu avec mes partenaires. J’ai pris cette responsabilité. Il n’y avait pas de défi d’actrice comme tel, car j’étais dans l’abnégation en m’occupant du travail des autres et en m’assurant de rendre les invisibles visibles. Il faut se réhumaniser, c’est le propos du film.

Le Clap : Le film ouvre un débat sur la situation précaire de ces travailleuses tout en montrant que ceux qui veulent les aider, peuvent être vus comme des nantis qui se font du capital sur leur dos, non?

JB : Quand j’ai fait Les Amants du Pont-Neuf, j’ai côtoyé les gens de la rue. Pour Camille Claudel 1915, j’ai été dans un hôpital psychiatrique pour avoir une référence intérieure, pour la transposer dans une oeuvre qui devient une autre réalité parce qu’on recrée le tout. Mais dans tout ça, il faut réussir à atteindre le spectateur. Les liens entre la réalité vécue et la transposition de l’oeuvre s’expriment dans une autre forme que le documentaire, soit la fiction, et il faut en tenir compte. Mais oui, certains peuvent y voir une sorte de trahison du réel. L’intention derrière le projet de Florence Aubenas, c’était de témoigner de ce que ces femmes vivaient au quotidien. Il faut le rappeler. Mais oui, Florence a gagné des sous avec son livre. Ça fait qu’on se pose des questions. Elle avait d’ailleurs peur que le film la fasse retomber dans une sorte de culpabilité. Ouistreham nous fait réfléchir sur le sentiment d’injustice dans la vie et sur la valeur de la condition humaine. Mon désir premier de concrétiser ce projet, d’en faire un film, vient de là.

Cette entrevue a été réalisée sur invitation, dans le cadre des Rendez-vous du cinéma d’UniFrance 2022.

Trio gagnant

Philippe Rebbot, Antoine Bertrand, Côme Levin

Le deuxième long métrage de Nadège Loiseau, Trois fois rien, prend l’affiche simultanément en France et au Québec à la mi-mars. Cette coproduction franco-canadienne met en vedette Antoine Bertrand, Philippe Rebbot et Côme Levin qui, tous trois, avaient été dirigés par la cinéaste dans sa réalisation précédente Le Petit Locataire (inédit au Québec) sortie en 2016. Dans cette nouvelle comédie dramatique, le trio d’acteurs interprète des itinérants qui ont trouvé refuge dans le bois de Vincennes en banlieue parisienne. Leurs destinées, devenues communes, prendront une drôle de tournure lorsqu’ils gagneront un lot de plus de 200 000 euros au loto. Mais évidemment, le bonheur au quotidien ne se résume pas à une somme d’argent, aussi élevée soit-elle. Nadège Loiseau nous offre quelques minutes de son temps pour nous parler de son film et du pari qui l’accompagne, soit d’en faire un succès alors qu’Antoine Bertrand, encore peu connu en France, en est la tête d’affiche.

Le Clap : Nadège, vos trois acteurs qui jouent Brindille, Casquette et La Flèche avaient joué sous votre direction dans votre premier long métrage qui mettait aussi et surtout en vedette Karin Viard. Qu’est-ce qui vous a poussé à les réunir devant votre caméra à nouveau tout en leur donnant des rôles de plus grande importance?

Nadège Loiseau : L’envie de refaire un film avec eux est né littéralement sur le plateau du Petit Locataire. Ils ont tous les trois une énergie physique incroyable et vraiment très différente. Je suis très rattaché au corps des acteurs à l’écran et ce qu’ils en font. Ici, on voit bien qu’ils se complètent à merveille. Le défi, ici, dans le registre de la comédie, c’était qu’il fallait qu’ils apprennent à danser une valse à trois et ça ce n’est pas évident. L’enjeu, c’est que les trois existent à l’écran, que chacun serve la soupe pour que l’autre soit mis en valeur, et ce, à tour de rôle. Heureusement, cette volonté était bien là pour chacun d’eux.

Nadège Loiseau, réalisatrice.

Le Clap : Les trois acteurs se complètent physiquement et ils ont des têtes et des caractères très différents. Antoine a une tête de Québécois, Philippe de Français, et Côme, il a définitivement une tête pour jouer dans Trainspotting, non?

NL : Ha! Ha! Ha! Absolument. Côme a une tête de Gallois, il a d’ailleurs des origines franco-américaines.

Le Clap : Plus le récit avance dans votre film, plus le personnage d’Antoine, soit Brindille, prend de l’importance. C’est un risque d’en faire votre vedette principale, car même s’il a tourné quelques films et que Starbuck a été un grand succès, il n’est pas encore considéré comme une star en France aux yeux et du public et des médias.

NL : C’est vrai, mais ce film ne pouvait être fait qu’avec Antoine dans le rôle de Brindille. Le budget du film n’était pas élevé et la pression était donc moindre pour avoir un casting flamboyant. Heureusement car pour moi, la présence d’Antoine en tête d’affiche n’était pas négociable. Monter un long métrage avec Antoine, c’est une gageure et la coproduction avec le Québec a aidé à concrétiser le tout.

Le Clap : L’accent d’Antoine n’est pas camouflé, il parle québécois, naturellement, comme il se doit. C’est encore rare la mise en évidence des accents régionaux et étrangers dans le cinéma français.

NL : En France, maintenant, on est prêt, je crois à accueillir, l’accent québécois. Je viens du nord de la France et on m’a fait remarquer rapidement, quand je suis arrivée à Paris, que j’avais un drôle d’accent. Je suis fan des langues et hélas les accents ont de la difficulté à exister au cinéma français. Pourtant les accents, c’est musical, ça raconte un pays, une région, et c’est important. Et Brindille, il doit garder son accent québécois sans pour autant que l’histoire soit celle d’un Québécois à Paris. On est ailleurs. Antoine lui se marre avec son accent quand il vient à Paris. Et nous, on se marre avec lui.

Le Clap : Le sujet principal du long métrage, et il faut en parler, c’est l’itinérance et les SDF. C’est un sujet qui vous tenait à coeur.

NL : Oh oui, le sujet me bouleverse et le regard qu’on pose sur ces gens sans domicile fixe ou encore celui qu’on n’ose pas poser, c’est ce qui est troublant. Même si le visage typique du SDF a beaucoup changé depuis quelques années en France, notamment à cause de l’immigration, j’ai été à même de connaître ce phénomène, car j’ai vécu à côté du bois de Vincennes où plusieurs s’y trouvent, dans des campings de fortune. J’ai rencontré ces gars-là qui ont été mes voisins et qui m’invitaient à prendre un café avec eux. Il y avait 200 000 sans-abris quand j’ai commencé à plancher sur le scénario voilà cinq ans. Aujourd’hui, ils sont 300 000 en France. Ce phénomène, inévitablement et heureusement, fait partie du débat qui va accompagner la sortie du film en salle. Il n’y a pas un message angélique dans mon récit, mais il faut réaliser que les itinérants ont chacun leur propre histoire et qu’il faut s’y intéresser. Je ne voulais pas rire d’eux, mais rire avec eux pour que notre regard ne soit pas au-dessus d’eux mais bien à leur hauteur. Avec le rire, mon film, je l’espère, donnera envie de ne plus les quitter du regard.

Viande froide au grand écran

Réalisé par le comédien, humoriste et réalisateur Fabrice Ébroué, Barbaque raconte les aventures de Vincent et Sophie qui tiennent une petite boucherie au Havre et qui forment un couple au bord de la rupture. Mais lorsqu’un incident dramatique les amène à mettre sur les tablettes une drôle de viande froide qu’ils appellent le jambon d’Iran, les ventes décollent, les clients font la file et leur amour retrouve sa vigueur d’antan. Mais le succès de ce jambon les entraîne dans une spirale sanglante inattendue.

Marina Foïs (L’Atelier, Polisse) est en vedette aux côtés du cinéaste dans cette comédie absurde, loufoque, romantique et gore à la fois. Rencontrée récemment pour la promotion du film qui arrive sur nos écrans en mars, l’actrice a donné des détails sur Barbaque ainsi que sur ses nombreux prochains projets au cinéma.

Le Clap : Marina, comment êtes-vous arrivée sur ce projet de comédie très singulière?

Marina Foïs : Fabrice m’a envoyé le scénario par la poste et le récit m’a beaucoup fait rire. Malgré mes débuts en humour avec la troupe les Robins des bois, j’ai fait très peu de comédie dans ma carrière, alors quand un scénario provoque une telle réaction chez moi, ça m’incite à dire oui. On pense parfois à moi pour des comédies, mais je suis difficile. Je cherche l’originalité du projet ou encore une histoire absurde qui me plaira et c’était totalement le cas avec Barbaque. En plus, ce qui était séduisant avec ce film, c’est que ça frisait la comédie romantique à travers un couple qui va se reconstruire en vivant une véritable histoire meurtrière. Bref, c’est un mélange de gore et de romantisme, et ça, c’est rare!

Le Clap : Le film se moque de beaucoup de choses liées au militantisme d’aujourd’hui dont une frange, plus radicale, s’en prend aux petites boucheries, petits restaurants et consommateurs de viande dans une ère où le véganisme est devenu un mode de vie pour bien des gens. Est-ce délicat de faire de l’humour avec un sujet comme celui-là?

MF : Je ne crois pas que ce soit si délicat, car Barbaque n’est pas un film à charge, ni contre les végétariens, ni à l’inverse vis-à-vis ceux qui sont carnivores. Il faut défendre les animaux et la planète, ça oui! Après, sur la manière dont on le fait, il y a matière à discussion surtout s’il y a de la violence. Le problème, c’est le manque de nuance et Barbaque, comme film, mise sur l’humour ironique. C’est salutaire l’humour. De plus, dans tout ça, il faut faire une différence entre les boucheries industrielles et les gens qui maltraitent les animaux d’un côté et les plus petits producteurs et éleveurs de l’autre.

Le Clap : Une comédie, c’est une mécanique en soi. Quand on ajoute des effets gores pour faire de l’humour, est-ce que ça change la dynamique sur le plateau car il faut le dire, le film, bien qu’hilarant, est sanglant?

MF : La comédie, c’est du rythme, de la précision, de la rigueur. Sur le plateau de Barbaque, il y avait des scènes très drôles à faire à cause de l’aspect gore effectivement, et ça nous amenait à rigoler, disons différemment, comme on peut le faire à un enterrement. De mon côté, j’ai surtout pris plaisir à interpréter Sophie, une manipulatrice, maline et cruelle. C’est ce qui la rend si intéressante, c’est elle qui insuffle de la vie dans ce couple rempli d’amertume.

Le Clap : Les histoires de boucherie dans le cinéma français, je pense au film Le Boucher de Claude Chabrol ou encore à Carne et Seul contre tous de Gaspar Noé, sont toujours un peu, voire très malsaines, non?

MF : Ha! Ha! Ce n’est pas faux. Les boucheries, c’est un décor particulier et il faut croire que c’est très inspirant pour des cinéastes.

Le Clap : En regardant votre feuille de route, je vois que les tournages s’enfilent à la vitesse de l’éclair. Votre rythme de travail est effarant.

MF : C’est vrai, j’ai beaucoup tourné, souvent trois ou quatre films par an. L’année qui vient ne fera pas exception parce qu’on me verra avec Denis Ménochet dans un suspense rural, As bestas, du talentueux réalisateur espagnol Rodrigo Sorogoyen. Puis, il y aussi eu le tournage de L’Année du requin avec Anthony Bajon, réalisé par les frères Boukherma. C’est une histoire incroyable, une sorte de remake de Jaws, à la fois film de genre et drame social inspiré par le cinéma asiatique et qui profite d’une réelle liberté formelle dans sa conception. Enfin, il y a Cet été-là d’Éric Lartigau où je joue aux côtés de Gael García Bernal et Chiara Mastroianni. Mais bon, là, j’avoue qu’il faut que je pense à ralentir tout ça un peu.

Cette entrevue a été réalisée sur invitation, dans le cadre des Rendez-vous du cinéma d’UniFrance 2022.