Au nom de mon père

Au nom de la terre a connu un énorme succès en France, en 2019. Son histoire, inspirée de la vie du père du réalisateur, Édouard Bergeon, a touché le grand public et mis en exergue toutes les difficultés actuelles auxquelles doivent faire face les agriculteurs et les éleveurs français.

Le récit est celui de Pierre, un homme qui reprend la ferme de son paternel. Ambitieux et passionné, il se lance dans l’aventure avec conviction, entouré de sa femme et de ses enfants qui lui donnent un coup de main. Mais de malheur en malheur, les dettes s’accumulent et Pierre ne cesse d’emprunter et de grossir ses élevages afin de sortir la tête de l’eau.

Alors que son film prend enfin l’affiche au Québec, Édouard Bergeon nous a parlé de sa première fiction, de ses acteurs et de l’importance de débattre de la crise agricole actuelle.

Le Clap : Édouard, votre film est porté par un récit fort, mais aussi par la présence d’Anthony Bajon qui incarne l’enfant que vous étiez, un ado témoin de la détresse de son père. Comment l’avez-vous choisi pour incarner le jeune Thomas?

Édouard Bergeon : J’ai repéré Anthony Bajon dans le film La Prière et j’ai tout de suite remarqué qu’il avait une présence forte, qu’il dégageait une sorte de puissance à l’écran. Il vient du monde ouvrier, moi, du monde

L’acteur Anthony Bajon

agricole, on s’est retrouvé là-dessus. De plus, il travaille fort sur un plateau. Il est toujours d’une grande justesse dans son exécution.

Le Clap : Guillaume Canet, lui, joue Pierre, son père. D’avoir un acteur populaire, comme tête d’affiche, ça assure au film une certaine visibilité dès le départ.

ÉB : Tout à fait. C’est assumé vous savez,  Au nom de la terre est conçu comme un film grand public. Je l’ai fait pour qu’il soit vu le plus possible. Alors d’avoir Guillaume Canet au générique, ça aide à attirer les gens. Et Guillaume, il était habitué avec les animaux, il a fait de l’équitation, il est embarqué entièrement dans le projet, tellement qu’il devenait littéralement mon père sur le plateau. Il a aussi beaucoup participé à la promotion par la suite en m’accompagnant partout. Et côté distribution, il ne faut pas oublier Rufus qui joue mon grand-père. Quelle carrure  il a! Finalement, pour incarner ma mère, j’ai eu la chance d’avoir la formidable Veerle Baetens que plusieurs avaient découverte dans Alabama Monroe.

Le Clap : Votre histoire, c’est la vôtre, celle de votre père, de votre famille et des injustices qui affligent le milieu agricole en France et dans beaucoup de pays. Votre récit, bien que touchant, est assez sombre. Êtes-vous surpris de son succès?

Edouard Bergeon, réalisateur

ÉB :  Oui et non. Mon film, il parle aux gens, il les touche. Plusieurs se reconnaissent là-dedans. Mais c’est sûr que si on fait un résumé rapide, ce n’est pas très vendeur, car ça porte sur un agriculteur qui se suicide. Mais le public s’est pointé à ce rendez-vous et j’en suis très content.

Le Clap : Il parle aux gens et pas seulement aux Français. La situation décriée ici est la même pour bien des fermiers européens et canadiens.

ÉB: Absolument. L’agriculture mondiale est subventionnée, mais mal en point. La situation est pareille partout. Au Canada, en Allemagne, aux États-Unis, en France, le taux de suicide est trop élevé chez les agriculteurs et les éleveurs. Mais je n’étais pas en mission avec mon film, vous savez. Je voulais en faire une œuvre humaine qui est devenue politique par son propos, évidemment. L’histoire crée des débats sur la façon de se nourrir en Occident, sur notre façon de nourrir la planète en entier même.

Le Clap : Alors que des fermiers se battent pour leur survie dans un milieu extrêmement compétitif, ils sont aussi victimes de campagnes de dénigrement de la part de ceux qui s’opposent à l’élevage d’animaux.

ÉB : Oui et c’est injuste de la part de ces organisations de s’en prendre aux agriculteurs. Ces derniers sont les victimes du système. Quand on est végane,  mettre le feu aux poulaillers n’améliorera pas les choses. Il y a d’autres moyens de changer le système. Et ce n’est pas avec du steak végétal ou avec le soja et l’huile de palme qu’on est des consommateurs plus éthiques vous savez, loin de là.

Le Clap : Vous avez réalisé précédemment un documentaire sur le même sujet. Ça a été votre porte d’entrée vers la fiction?

ÉB : Oui. En 2012, mon producteur a été bouleversé par mon documentaire et il m’a convaincu d’en faire une fiction. Moi, j’étais dans le journalisme documentaire. Maintenant, je suis entré de plain-pied dans le cinéma de fiction. Présentement, je baigne dans plusieurs projets, j’ai envie de raconter plein de choses. Entre autres, depuis des années, j’examine l’univers des restos et c’est ce qui m’inspire pour mon prochain film.

Le Clap : L’impact d’Au nom de la terre, concrètement, ça mènera à quelque chose de mieux pour le milieu agricole en France?

EB : Un peu. Il y a déjà des choses qui bougent en France, mais ce sont des petites choses. C’est déjà bien, mais il reste tant à faire. Je n’ai aucune prétention face à l’effet de mon film sur le cours des choses. Au moins, j’ai touché à un sujet délicat et les familles affectées par le suicide des agriculteurs ont été heureuses que je rende public ce phénomène. Ma famille est heureuse du succès de mon film même si c’est plus délicat pour ma sœur. Elle a vécu tout ça différemment de moi. C’est bien ainsi, car on ne vit pas tout ça de la même manière. Bien que mon film s’inspire de la vie de mon père, ça demeure quand même une fiction, une fiction qui a le mérite de faire réfléchir sans non plus trop faire la morale.

Au nom de la terre prendra l’affiche en salle au Clap à la fin du mois de juillet. Cette entrevue a été réalisée sur invitation, dans le cadre de la 22e édition des Rendez-vous du cinéma d’UniFrance 2020, à Paris.

Perdrix, comme un envol

Perdrix, film réalisé par Erwan Le Duc.

Perdrix, c’est le titre de la comédie réalisée par Erwan Le Duc. C’est aussi un nom de famille dans ce film au ton absurde et déstabilisant qui rappelle l’univers des longs métrages de Pierre Salvadori. Cette première réalisation de Leduc, spécialiste des sports longtemps rattaché à ce domaine dans le journal Le Monde en France, a été tournée dans les décors uniques des Vosges. Perdrix détonne des comédies habituelle, car son humour semble chevaucher autant celui d’un Claude Zidi que d’un Jean-Luc Godard.

Perdrix, c’est l’histoire d’une famille, celle de Pierre, chef de la gendarmerie locale, de son frère Julien, et de sa mère Thérèse jouée par Fanny Ardant. Le quotidien des Perdrix et des habitants du coin sera bouleversée par l’arrivée de Juliette, une jeune femme au tempérament explosif, aussi séduisante qu’imprévisible. Le cinéaste a bien voulu nous donner des détails sur son film qui a séduit le public et surpris les critiques de l’Hexagone en 2019.

Le Clap : Votre comédie est considérée comme l’une des belles surprises de l’année en France. On ne la voyait pas venir si je puis dire.

Erwan Le Duc, réalisateur.

Erwan Le Duc : Effectivement. La réception, critique et publique, a été franchement très bonne. Si on tente d’expliquer ce succès, c’est que le sujet  du film est très universel je crois, et il parle à un peu tout le monde. Mais c’est certain que mon humour est plutôt décalé. D’être à Cannes l’an passé et que le public fut au rendez-vous lors de sa sortie en salle, et ce, malgré cet univers singulier, ça a été mes deux plus grandes joies.

Le Clap : Perdrix, est-ce un vrai nom de famille?

ELD : C’est un nom que j’avais utilisé dans l’un de mes courts métrages. J’aime cette sonorité, ça a un côté évocateur. C’est marrant, car en banlieue parisienne, une dame m’a abordé là-dessus. Elle m’a avoué s’appeler Perdrix, alors, oui, ça existe comme nom de famille (rires).

Le Clap : Avoir Fanny Ardant à son générique, c’est un plus pour un long métrage. On sait qu’on attirera inévitablement l’attention des médias et du public. Et c’est pour le mieux.

Fanny Ardant

ELD : Absolument. Et ce fut une rencontre merveilleuse. Fanny n’a pas à être dirigée, elle propose des choses et  s’approprie le personnage de Thérèse Perdrix entièrement. Fanny, c’est l’élégance et la légèreté incarnées. Ce rôle cassait son image un peu bourgeoise et elle en était heureuse.

Le Clap : Swann Arlaud était formidable dans Petit Paysan. On le retrouve encore dans un rôle campagnard, cette fois en policier. C’est devenu une valeur sûre à l’écran. Mais la révélation du film, c’est Maud Wyler dans le rôle de Juliette, un personnage exécrable à souhait dans votre film.

ELD : Oui, tout à fait. J’ai été chanceux, car mes interprètes incarnent à merveille leurs rôles respectifs. Swann, il a un physique singulier, un visage très expressif. Pour incarner Pierre Perdrix, je voulais un acteur avec un visage honnête, qui ne cache rien. Swann a ça en lui. Pour Maud, son personnage est une tornade. C’est la météorite qui fait exploser la planète Perdrix si je peux dire. C’est une actrice de grand talent avec qui j’avais travaillé sur plusieurs courts métrages. Elle est inventive et me rappelle la grande Katharine Hepburn.

Le Clap : Votre comédie a un ton très particulier. Tout est né de l’écriture ou bien le tournage y a joué pour beaucoup.

ELD : C’est le ton que je recherchais en écrivant le récit. J’aime embrasser différents genres. J’aime être sur une mince ligne afin de garder le spectateur sur le qui-vive. Par exemple, la scène des nudistes révolutionnaires est amusante, oui, mais elle est aussi assez flippante quand on y songe. Il y a une intensité latente dans plusieurs des scènes et ça j’en suis heureux.

Le Clap : Le succès de Perdrix en France crée des attentes. On risque de s’attendre à un Perdrix 2  lors de votre prochain film. Ça vous fait peur?

ELD : Tout ça, ça a du bon et ça fait que je me pose plusieurs questions. Mais je veux demeurer près de personnages colorés, je veux m’assurer de toujours mélanger les genres, de creuser un sillon qui me ressemble. Ce qui me rassure, c’est que le public a semblé apprécier une proposition aussi singulière que celle de Perdrix. Ça me permettra sûrement de poursuivre en toute liberté mon travail en y mettant encore une touche audacieuse.

Perdrix prendra l’affiche en salle au Clap en juillet. Cette entrevue a été réalisée sur invitation, dans le cadre de la 22e édition des Rendez-vous du cinéma d’UniFrance 2020, à Paris.

Il faut qu’on parle d’Ahmed

La feuille de route des frères Dardenne (Jean-Pierre et Luc) est assez incroyable. En plus 30 ans de carrière, leurs onze longs métrages ont gagné une multitudes de prix internationaux dont deux palmes d’or à Cannes (Rosetta en 1999 et L’Enfant en 2005 ). Jean-Pierre et Luc Dardenne sont non seulement des cinéastes belges mais ils sont aussi scénaristes et producteurs de leurs œuvres.

Avec un fort bel accent belge, ils ont bien voulu discuter de leur plus récent film, Le Jeune Ahmed, un drame bouleversant, Prix de la mise en scène à Cannes en 2019, un long métrage qui relate le destin d’un adolescent prisonnier du dogme de l’islam radical et dont l’entourage fera tout pour l’éloigner du discours haineux d’un imam local.

Le Clap : Je suis votre carrière depuis La Promesse, votre deuxième long métrage, sorti en 1996. J’ai remarqué que vous avez conservé depuis 25 ans un rythme de réalisation très constant, non?

Les frères Dardenne : C’est vrai, nous avons un rythme très régulier. Aux trois ans environ, nous lançons un nouveau long métrage et plusieurs d’entre eux ont de plus été présentés à Cannes. Nous sommes choyés.

Le Clap : Dans votre plus récent film, Le Jeune Ahmed, vous abordez une thématique très délicate, la radicalisation d’un adolescent. Vos œuvres ont toujours une grande portée sociale, celle-là est également politique.

Les réalisateurs Jean-Pierre et Luc Dardenne.

LFD : Le sujet est effectivement très politique. Inévitablement, nous l’avons abordé à notre façon, sans vraiment préméditer toutes les facettes de ce récit malgré ce qu’on peut penser. Nous désirions comprendre comment un gamin peut devenir aussi radical et du même coup, explorer le fanatisme religieux.

Le Clap : Le radicalisme religieux, ça demeure délicat comme sujet…

LFD : Ah non, pas pour nous. Pas en Belgique du moins. Chez vous davantage peut-être. On a un personnage qui voit dans le geste de tuer, un acte qui n’est pas mauvais dans le sens de mal. Il pense faire le bien. Il a comme modèle un martyr. Tuer ou ne pas tuer, au cinéma, c’est très universel. Le fanatisme n’est pas que musulman, il a été chrétien longtemps. Actuellement, c’est associé à l’islam radical, oui. Demain, on verra. Nous, on s’inspire de ce qui se passe présentement dans le monde. Nous avons un ami au Burkina Faso qui nous a raconté toute l’horreur du fanatisme religieux là-bas. En Belgique, c’est différent, mais le problème existe. Et c’est ce qui nous a touchés. Les imams en Belgique ont une réelle emprise sur la jeunesse musulmane. Ils isolent les jeunes, ils leur interdisent de parler aux non-musulmans. Ils polarisent en mettant les bons d’un côté et les mauvais, les non-croyants, de l’autre. C’est un combat entre les purs et les impurs. Dans notre film, la famille d’Ahmed devient impure aux yeux de ce dernier, car elle ne respecte pas les préceptes alimentés par l’imam du quartier.

Le Clap : Votre film fait résonner chez le spectateur un grand sentiment d’impuissance. On le doit à votre façon, très habile, de mettre en scène le scénario, mais aussi à votre jeune acteur, Idir Ben Addi, réellement formidable dans le rôle d’Ahmed.

LFD : Oui. Son radicalisme est sombre, mais heureusement, il y a une belle douceur chez lui. C’est ce qu’il dégage. Il nous fallait un jeune acteur qui n’incarnait pas au premier regard toute la violence qui l’habite dans le récit. Il ne fallait pas voir tous les signes de sa radicalisation dès le départ. On a répété plusieurs semaines, cinq ou six, avec Idir. C’était une forme d’entraînement. Il faut que les mécanismes de défense des acteurs se perdent, que le naturel prenne sa place dans leur jeu, dans leurs gestes devant la caméra. Trouver le juste milieu entre la méthode et l’instinct du jeu de comédien.

Le Clap : Depuis la sortie du film à Cannes, puis dans plusieurs pays en Europe, un débat s’est-il enclenché sur la radicalisation des adolescents?

LFD : Oui, tout à fait. Dans les salles de cinémas, quand nous y étions invités, mais aussi dans les écoles et dans les milieux communautaires qui s’occupent des jeunes radicalisés, les discussions furent nombreuses. Chaque fois, les choses se disent. Oui, il y a une confrontation qui en ressort, mais c’est normal. Un jeune assez grand nous a dit : « Pourquoi vous voyez le côté noir des Arabes. Pourquoi ne pas avoir pris un Blanc? » On lui a répondu qu’avec un Blanc, ça aurait donné un autre film justement. Nous assumons nos choix. Et au-delà de ses origines culturelles, nous voulions prendre un garçon tout à fait normal pour qu’on s’identifie à lui, et ce, même s’il est musulman. Et si nous abordons l’islam radical, c’est parce que ces jeunes sont interpellés par ce phénomène dans la société actuelle en Belgique. Sa question était légitime cela dit. Le fanatisme n’est pas que musulman, une fois cela avoué, notre film a le mérite, nous le croyons, de provoquer une discussion constructive sur ce qui se passe actuellement dans le monde.

Le Jeune Ahmed prendra l’affiche en salle au Clap en juillet. Cette entrevue a été réalisée sur invitation, dans le cadre de la 22e édition des Rendez-vous du cinéma d’UniFrance 2020, à Paris.

100 kilos d’estime de soi

100 kilos d’étoiles

Il y a de ces films dont l’intention première est de faire du bien. 100 kilos d’étoiles, premier long métrage de Marie-Sophie Chambon, est de ceux-là. Avec humour et légèreté et aussi beaucoup de finesse, le film aborde l’amitié à l’adolescence et surtout l’acceptation de soi malgré la lourdeur du regard des autres qui peut facilement plomber l’estime de soi. Inévitablement, l’œuvre rappelle Jeune Juliette d’Anne Émond, sorti l’été dernier dans nos salles, film qui explorait un peu les mêmes thématiques.

100 kilos d’étoiles raconte l’histoire de Loïs, jouée par la nouvelle venue Laure Duchêne, une ado surdouée en sciences qui rêve de devenir cosmonaute. Mais sa détermination à réaliser son rêve est gravement minée par un surplus de poids qui l’accable et que son entourage se plaît à lui rappeler. Heureusement pour elle, sa rencontre avec trois autres adolescentes, devant composer également avec des troubles divers, aura pour effet de lui redonner confiance et ensemble, les nouvelles amies partiront sur la route afin de participer à un camp spatial unique en son genre.

La réalisatrice Marie-Sophie Chambon explique la genèse de son road movie familial qui prendra l’affiche au cinéma Le Clap dès le début du mois de juillet.

Marie-Sophie Chambon, réalisatrice.

Le Clap : Marie-Sophie, parlez-moi de l’idée de départ de votre film, du message que vous vouliez transmettre avec ce récit d’une adolescente ambitieuse, mais mal dans sa peau.

Marie-Sophie Chambon : L’idée, c’était de parler de jeunes filles qu’on voit peu au cinéma. Jeune, ma sœur a eu un problème de surpoids et pour elle, et toutes celles qui en souffrent, cette situation prend rapidement la forme d’une véritable prison. D’ailleurs, en voyant mon film, ma sœur a réagi en disant : « Enfin, les choses sont dites ». Ça prouve qu’il y a tant à dire sur ce sujet encore un peu tabou. J’avais donc envie, au départ, de raconter l’histoire de jeunes filles un peu décalées et qui peuvent trouver un sens à leur vie. Peu avant de réaliser le film, alors que je peaufinais le scénario, j’ai réalisé Princesse, un court métrage qui est un peu un prequel (antépisode) de 100 kilos d’étoiles. De faire mon court et d’avoir un bel accueil pour ce dernier, ça a définitivement aidé à financer le long.

Le Clap : Trouver la jeune actrice idéale, ça a été facile?

MSC : Oh que non. Et je savais qu’en trouvant l’ado parfaite, mais inexpérimentée pour le rôle, ça n’allait en rien aider à financer mon film, car les investisseurs aiment les stars. Mais bref, ça a pris un an et demi pour trouver Laure et les trois autres actrices. Ces jeunes filles allaient devoir montrer leurs corps au grand écran et ça, ce n’était vraiment pas évident. On a fait du casting sauvage, on a visité des lycées, on a espionné des profils Facebook et finalement, c’est au Salon du livre de Paris qu’on a trouvé Laure. Quand on lui a offert de passer en audition, elle a cru à une blague. Heureusement, elle a embarqué dans l’aventure et lors de l’audition, on a bien vu qu’elle correspondait parfaitement au personnage de Loïs.

Le Clap : Dans votre film, les adolescentes se rendent à un camp d’astronomie étonnant. Ça existe vraiment en France ce genre de rassemblement?

MSC : Absolument. J’y suis allée deux fois et ça se déroule dans des bases militaires. Ils font des lancements de fusées et les jeunes viennent de partout, de Russie, du Japon et d’ailleurs. Il y a cependant très peu de filles dans ce camp, mais c’est marrant de les voir aller. Ils cousent des parachutes, ils font de la soudure. Ils touchent à tout et sont passionnés par cette compétition.

Le Clap : Votre film n’est pas qu’un récit dramatique, vous y avez ajouté plusieurs pointes humoristiques.

MSC : Oui, car si je voulais parler du rapport à notre corps à l’adolescence et parler des rêves adolescents, comme celui de devenir astronaute, il fallait balancer l’histoire et y intégrer un peu d’humour afin d’éviter que le fil narratif ne devienne trop dramatique. Je suis heureuse du résultat. D’ailleurs, au Festival de Cannes l’an passé, notre film a été projeté dans un cadre jeunesse, dans des salles remplies d’ados. La réaction a été hyper-positive. Ils ont rigolé, ils ont été touchés. Une jeune fille nous a remerciés en disant qu’elle se trouvait moche et que notre histoire lui avait fait un bien énorme. J’ai été très émue de sa réaction. Pour moi, ça justifie pourquoi on fait des films. Mon long métrage a un peu changé son regard sur elle-même.

Le Clap : Votre sujet est assez universel, c’est ce qui explique son succès auprès de nombreux distributeurs dans le monde?

MSC : Oui, je le crois, car il a été acheté notamment en Australie, en Corée du Sud, au Brésil et évidemment au Québec. Tout ça, pour moi, c’est magique.

100 kilos d’étoiles est à l’affiche au Clap. Cette entrevue a été réalisée sur invitation, dans le cadre de la 22e édition des Rendez-vous du cinéma d’UniFrance 2020, à Paris.