10 films pour septembre 2021

Maria Chapdelaine réalisé par Sébastien Pilote.

En septembre, on aura droit à un avant-goût des films de l’automne, saison des oeuvres oscarisables, avec en prime la sortie de quelques films québécois et étrangers. Nous verrons donc débarquer sur les écrans deux films québécois autour de l’immigration, soit la comédie La Face cachée du baklava de Maryanne Zéhil et le drame Le Meilleur pays du monde de Ky Nam Le Duc. Aussi au menu, la comédie française Le Sens de la famille avec Franck Dubosc et Alexandra Lamy et trois romances filmiques : I’m your Man, After : la chute, Blue Bayou. Mais surtout, voici les dix films qui retiennent mon attention ce mois-ci.

1- Maria Chapdelaine : Pour la quatrième fois, le livre de Louis Hémon est transposé au grand écran, ici par Sébastien Pilote qui a porté une grande attention aux décors naturels du Lac-Saint-Jean et qui a pris soin d’engager pour le rôle principal une jeune actrice (Sara Montpetit) afin de se rapprocher de l’esprit du roman d’origine. Un film d’époque dont on attend la sortie depuis près d’un an.

2- Copshop (Descente au poste) : Le film d’action du mois. Un peu dans le même esprit que Assault on Precinct 13, ce drame sous tension met en scène la prise de force d’un petit poste de police. Une policière, un escroc et un tueur à gages vont s’y affronter. Le patibulaire Gerard Butler est au générique.

3- Délicieux : Cette comédie dramatique nous raconte le parcours véridique et singulier d’un cuisinier qui ouvrit le tout premier restaurant de l’histoire de la gastronomie française. Isabelle Carré donne ici la réplique à l’immense et talentueux Grégory Gadebois dans le rôle principal.

4- Malignant (Malfaisant) : L’un des nouveaux maîtres de l’horreur, James Wan (The Conjuring, Insidious), met en images les cauchemars violents d’une jeune femme qui voit s’incarner sous ses yeux un univers maléfique qu’elle pensait au départ fabulatoire. Cris de peur dans le noir au menu.

Malignant de James Wan.

5- The Eyes of Tammy Faye (Dans les yeux de Tammy Faye) : Inspiré par le documentaire éponyme sorti voilà vingt ans, ce drame biographique s’intéresse au point de vue de la conjointe du célèbre télévangéliste américain (et fraudeur devant l’Éternel) Jim Bakker. Jessica Chastain et Andrew Garfield interprètent le controversé tandem.

6- Sin La Habana : Cette coproduction entre le Québec et Cuba relate le rêve d’un couple de cubains, l’un danseur, l’autre avocate, de fuir leur pays vers l’Amérique du Nord. Dans ce but, le danseur séduira une montréalaise d’origine iranienne et tentera ensuite de faire venir au Canada son amoureuse. De l’exotisme, de la danse et plusieurs clashs culturels sont au menu de ce drame fort bien interprété.

7- The Card Counter : Le réalisateur Paul Schrader dirige Oscar Isaac, Tye Sheridan et Willem Dafoe dans ce récit où un ancien militaire, accro au poker, doit faire équipe avec un jeune homme pour exercer une vengeance envers leur ennemi commun. Les critiques parlent déjà de ce film comme possiblement l’un des meilleurs de l’automne.

Oscar Isaac dans The Card Counter.

8- Shang-Chi and the Legend of the Ten Rings (Shang-Chi et la légende des dix anneaux) : Cette nouveauté Marvel est l’adaptation de la bande dessinée mieux connue sous le titre Maître du kung-fu. Le héros, un champion d’arts martiaux, doit affronter une organisation secrète reliée à son passé. Combats et effets spéciaux sont évidemment au menu du film.

9- Rumba Rules, nouvelles généalogies : Ce documentaire musical, cosigné par David N. Bernatchez et Sammy Baloji, est la curiosité du mois. Les réalisateurs nous plongent au cœur de la scène de la rumba congolaise de Kinshasa avec l’orchestre de Brigade Sarbati. Bref, c’est l’occasion idéale pour découvrir des artistes qui rythment la capitale de la République démocratique du Congo en faisant évoluer une surprenante tradition musicale.

10- Cry Macho (Le Chemin de la rédemption) : Maintenant âgé de 91 ans, Clint Eastwood ne lâche pas la patate et réalise un nouveau long métrage dans lequel il tient le rôle d’un ancien champion de rodéo qui doit ramener un adolescent auprès de son père qui se révèle aussi son ancien patron. Clash générationnel au programme.

Droit au filet!

Le film 5ème set se penche sur le retour inattendu en finale de tournoi d’un joueur de tennis de 37 ans, en fin de carrière. Ce long métrage français réalisé par Quentin Reynaud met en scène le personnage de Thomas, professionnel de la raquette qui, jadis, était considéré comme l’un des meilleurs espoirs de son pays. Lors d’un tournoi qu’il croit être son dernier, contre toute attente, Thomas se met à gagner ses matchs face à des adversaires bien mieux classés. Le cinéaste nous donne quelques détails entourant la réalisation de son film qui va bien au-delà du simple drame sportif.

Le Clap : Votre film nous présente des scènes de tennis épatantes visuellement et de plus très réalistes pour qui a déjà suivi le tennis à la télé. Mais avant d’aborder la façon dont vous avez tourné le tout, parlez-moi de votre distribution formée d’Alex Lutz, Kristin Scott Thomas et Ana Girardot dans les trois rôles principaux.

Quentin Reynaud : Alex qui joue Thomas, je l’ai choisi pour son âge et surtout pour son côté mélancolique à l’écran, car il a un petit quelque chose de Buster Keaton. Bien sûr, je savais qu’il avait le talent et la rigueur pour tenir ce rôle. Quand à Kristin Scott Thomas, elle interprète Judith la mère de Thomas. Elle avait la froideur anglo-saxonne qui convenait parfaitement et Dieu sait que peu importe le rôle qu’on lui offre, Kristin démontre toujours son immense talent. Enfin il y a Ana Girardot qui joue Ève, la femme de Thomas. Et Ana, pour moi, c’est une véritable découverte. Avant que ma caméra ne se pose sur elle, je n’avais jamais vraiment mesuré toute la finesse de son jeu. Elle mérite assurément de plus grands rôles au cinéma. Dans toutes ses scènes, elle était d’une grande justesse.

Quentin Reynaud, réalisateur.

Le Clap : Si le récit est centré sur le parcours de Thomas en tournoi, vos deux personnages féminins, Judith et Ève, ont une importance capitale dans le déroulement du film qui nous aide à bien saisir les travers de Thomas dans son parcours de joueur, de fils, de père, de mari.

QR : Tout à fait. Dès le début, c’était très important de mettre en évidence le rapport que Thomas entretient avec sa mère et avec sa famille comme père plutôt absent. Un joueur de tennis professionnel, comme Djokovic en ce moment, ce sont des soleils, tout le monde vit autour d’eux, mais le personnage de Thomas n’est pas une étoile, il est un joueur moyen, et sa cellule familiale peut remettre en question ses sacrifices. Thomas justifie difficilement tout ça avec sa famille et surtout avec sa mère. Là-dessus, je me suis inspiré de la relation entre Andy Murray et sa mère Judy qui l’a entraîné. Judith, est le mentor de Thomas. C’est l’enjeu du film ce rapport mère/fils. Il y a un déplacement qui s’opère petit à petit de l’antipathie qu’on a pour la mère qui va se diriger vers Thomas et qui participe à mieux saisir son parcours intérieur. À la maison, Thomas, c’est un bon père, mais il est dur avec son épouse qui pourtant le soutient et l’envie un peu à la fois, car c’est une ancienne joueuse qui a tout mis de côté pour sa vie familiale. C’est assez réaliste de la vie amoureuse dans le milieu sportif. Je voulais qu’on plonge dans une sorte de safari pour mieux voir comment ces animaux vivent entre eux.

Alex Lutz dans le rôle de Thomas.

Le Clap : Parlons des images! Le film repose sur de nombreuses scènes de joutes endiablées. On se doute que toute la mise en scène a dû faire l’objet d’une longue préparation d’un point de vue visuel et technique.

QR : Ça a été un gros travail préparatoire. On n’avait pas énormément d’argent pour tourner, alors on a beaucoup travaillé en amont. J’ai fait tout storyboarder les scènes et chacun des plans. On a fait la mise en images de la finale, de tous les coups échangés mais il fallait aussi, de façon plus intime, qu’on découvre ce qui se passe dans la tête de Thomas. Afin d’être proche du joueur dans un moment pareil, nous avons fait de nombreux plans rapprochés. Puis, pour l’action, à l’intérieur du terrain, tout était calculé. Il fallait repérer, cadrer et concevoir les plans comme si c’était en direct avec les doublures et réaliser le tout en seulement deux jours de tournage. Pour la finale, on a calqué tous les coups du match entre Andre Agassi et Marcos Baghdatis joué en 2006 au US Open. On a repris à l’identique plusieurs des séquences de ce match marquant de l’histoire du tournoi de New York, le dernier tournoi en carrière d’Agassi. Mes acteurs ont rejoué sept fois le match en entier. Le soir, je montais les images et le lendemain on reprenait le tournage pour terminer chacune des scènes. C’était millimétré et entièrement chorégraphié comme exercice. Le cadrage était aussi très important avec la foule. C’était un travail énorme de fabrication!

Le Clap : Vous estimez-vous satisfait du résultat au grand écran qui, pour le simple spectateur, est vraiment bluffant de réalisme?

QR : Assez oui. Techniquement, je voulais être irréprochable. J’ai été pointilleux du début à la fin et ça en valait la peine. J’ai fait vérifier l’ensemble des scènes de jeu par des professionnels. Alex avait une doublure pour frapper les balles, mais pour les plans rapprochés. Il faut souligner à quel point il a travaillé fort. Il fallait qu’il se rapproche le plus possible de la gestuelle d’un professionnel du tennis. Alors, par des petits gestes, en marchant, en attrapant les balles, en s’essuyant le visage, il a su capter le naturel d’un tennisman d’élite. Il a vraiment réussi à s’approprier le langage corporel et la posture du joueur de tennis.

Le Clap : En terminant, quels sont les films de sport que vous trouvez inspirants?

QR : Il y en a évidemment plusieurs. Pour moi, les drames sportifs reflètent parfaitement l’image que je me fais de la vie en général. C’est une vision de l’échec et de la réussite qu’ils nous montrent. L’acceptation de la défaite pour progresser, c’est ce qu’ils nous transmettent. Le film qui me touche le plus, vous ne serez pas surpris de mon choix, c’est Raging Bull de Scorsese, car il dépasse le simple film de sport. C’est un véritable drame social assorti d’une vraie mise en scène. Sinon, plus en lien direct avec mon film, j’irais pour le cinématographiquement puissant The Wrestler de Darren Aronofsky avec Mickey Rourke.

Cette entrevue a été réalisée sur invitation, dans le cadre de la 22e édition des Rendez-vous du cinéma d’UniFrance 2020, à Paris.