Joachim Lafosse, en couple avec le cinéma!

L’Économie du couple, film réalisé par Joachim Lafosse

L’un sinon le meilleur des films européens (coproduction France-Belgique) de ce début d’année prendra l’affiche vendredi 7 avril à Québec et a pour titre L’Économie du couple, une septième réalisation signée par le Belge Joachim Lafosse.

Rencontré plus tôt cette année dans le cadre de la promotion de son film pour UniFrance, le cinéaste, dont la carrière semble marquée par la production de plusieurs drames familiaux nourris aux guerres intestines (Nue propriété, À perdre la raison), a fait preuve durant l’entretien d’une belle humilité mais aussi, et surtout, d’une fine intelligence sur sa façon d’exercer son métier et d’embrasser des sujets difficiles pour les porter avec soin au grand écran.

Joachim Lafosse, réalisateur

Celui qui est également scénariste, dramaturge et metteur en scène se révèle être un fort habile directeur d’acteurs, Bérénice Bejo et Cédric Kahn décrivant aux journalistes toute l’efficacité et la précision de Lafosse sur un plateau, le dépeignant comme un réalisateur réglant au quart de tour chacune des scènes, multipliant les prises et laissant parfois place à une improvisation tout à fait justifiée dans des séquences aux ambiances plus viscérales. L’Économie du couple nous fait entrer dans un univers qui se désagrège, celui d’un couple de parents formé de Marie et Boris, qui se sépare après de nombreuses années de vie commune, et ce, sur fond de disputes tournant autour des enfants, de la maison et surtout de l’argent. Voici ce que Joachim Lafosse avait à dire au sujet de son fort beau film, une œuvre parfois douloureuse mais tout à fait réussie.

Éditions Le Clap : Votre long métrage nous présente un couple qui se déchire autour de l’argent notamment. Comment est née cette nouvelle aventure cinématographique dont vous cosignez aussi le scénario?

Joachim Lafosse : Ça faisait très longtemps que j’avais envie de faire un film sur le couple, de mettre en scène une crise conjugale. Je vous dis ça, car mon envie de faire du cinéma vient de Kramer contre Kramer. Quand mes parents se sont séparés, on ne parlait pas du divorce et quelques semaines après la séparation, on a vu Kramer contre Kramer. Plus de quinze ans après, je me suis souvenu de la discussion que le long métrage avait engendrée et ce jour-là j’ai décidé de faire du cinéma. En fait, je me suis rendu compte qu’un film nous avait permis à la maison de parler de nous sans avoir à dire que c’était nous. De parler de ce qui se passait, mais pudiquement. Ce qui, je pense, est la fonction essentielle du cinéma de la littérature et du théâtre. Aussi, je suis un fan absolu de Qui a peur de Virginia Woolf? avec Elizabeth Taylor et Richard Burton. J’adore les acteurs et je rêvais d’avoir un scénario qui me permette de mettre en scène un dispositif  similaire à ce film c’est-à-dire des acteurs dans un lieu unique et une mise en scène qui se consacre à l’essentiel.

E.L.C. : Comment résumez-vous la façon dont vos personnages nous sont présentés, ancrés dans la modernité des relations hommes-femmes d’aujourd’hui?

J.L. : Au départ, lors de l’écriture du film, il y a une chose qui nous intéressait. Le monde évolue et le féminisme, par ses luttes, a mené à des progrès, ce qui fait qu’aujourd’hui il y a de plus en plus de couples où la femme gagne mieux sa vie que l’homme. Mais en fait, ce progrès n’est pas encore tout à fait acquis, car c’est parfois une difficulté de plus pour ses hommes qui arrivent péniblement à aimer des femmes qui gagnent plus qu’eux. Et ça, pour nous, c’était un très beau sujet de film.

E.L.C.: Et de quelle façon réussit-on à vendre à des producteurs, puis à un public, une œuvre qui se concentre sur une crise conjugale?

Cédric Kahn et Bérénice Bejo

J.L. : C’est le scénario qui a fait tout le travail. Dès la lecture de celui-ci, tout le monde disait « ouais, mais c’est ma vie ça, je connais quelqu’un, un voisin ou mon frère qui a vécu ça, ou moi-même j’ai vécu avec quelqu’un et on a eu des problèmes de fric, on s’est engueulés autour de l’argent ». C’est ça qui donnait envie aux gens de faire le film. C’était d’ailleurs incroyable quand on tournait les scènes, j’entendais l’équipe autour de moi qui faisait constamment des commentaires. Ils se reconnaissaient là-dedans. Après, ça ne veut pas dire que le public va venir voir le film. Le cinéma européen accepte heureusement encore la création de ce type de film, après il faut convaincre le public de venir le voir. Il y a deux manières d’aller au cinéma; on peut y aller pour se distraire ou pour se regarder dans le miroir. Je suis très ému quand j’entends les gens me dire que c’est un film qui ne donne pas envie de se séparer. Que c’est un film qui donne envie de comprendre ce qui ne va pas et de résoudre, de dénouer. Je préfère passer une heure et demie à réfléchir à ses questions et apprendre des choses sur la façon dont on peut les dénouer que de vivre un enfer à la maison.

E.L.C. : Quel aspect de votre métier préférez-vous, de la scénarisation au tournage en passant par le montage et la sortie du long métrage?

J.L.: Réalisateur, c’est un métier incroyable qui me plaît de plus en plus. C’est un lieu  commun ce que je vais vous dire, mais si vous êtes curieux dans la vie et que vous aimez les arts, c’est le métier idéal, car c’est celui qui rassemble tous les arts. C’est inouï! On peut être passionné de musique et du coup amener de la musique dans son film. On peut aimer l’écriture, la littérature, adapter un roman, puis être passionné de peinture, d’arts plastiques quand il est question de décors. Ce sont les mêmes interrogations qui surviennent. Et puis les acteurs, c’est tellement mystérieux, énigmatique. Moi, je ne me lasse pas et j’aurais tendance à dire que je souhaiterais qu’il y ait de plus en plus de cinéastes et que les gens fassent de plus en plus de films parce que ça nous rend meilleur.

Le plus beau titre de film de l’année

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Réparer les vivants vient de prendre l’affiche au Clap. Ce film, réalisé par Katell Quillévéré, possède assurément le plus beau titre de l’année, titre du roman dont il tire son origine, une œuvre signée Maylis de Kerangal. Le long métrage qui en découle met en vedette une pléthore d’acteurs provenant de différents horizons et interprétant, pour plusieurs d’entre eux, des rôles étonnants et détonnant des castings habituels qui leur sont dévolus.

La jeune et brillante cinéaste Katell Quillévéré (Un poison violent, Suzanne), a réuni autour de cette histoire touchante de don d’organes, les Québécoises Anne Dorval et Monia Chokri, le Belge Bouli Lanners et les Français Tahar Rahim, Emmanuelle Seigner, Alice Taglioni et Dominique Blanc. Rencontrée récemment lors d’une journée de promotion à Paris, la réalisatrice a bien voulu revenir sur son troisième long métrage, au titre fort et puissant, qu’elle signe avec énormément de panache et de doigté.

Le Clap : Comment résumez-vous l’histoire de Réparer les vivants?

Katell Quillévéré : C’est l’odyssée d’un cœur, c’est le voyage d’un cœur, du corps d’un être qui va perdre la vie vers celui d’une femme qui attend ce cœur pour prolonger sa vie. Et à travers ce voyage, on explore toutes les émotions qui traversent ceux qui font partie de la chaîne et qui aident à ce que cette vie soit prolongée.

LC : Quelle est la principale différence entre le livre et votre film?

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Anne Dorval

K.Q. : La plus grande différence se retrouve autour du personnage joué par Anne Dorval, une histoire très peu développée dans le roman. Moi, j’ai décidé de lui donner plus de place car, dans le livre, son histoire n’était que symbolique. C’était tout simplement celle qui reçoit le cœur. J’ai voulu lui donner plus d’importance, plus de scènes, afin de faire en sorte qu’on connaisse mieux cette femme, mais aussi ses enfants et son histoire d’amour.

L.C. : Pourquoi avoir choisi deux Québécoises, Monia Chokri et Anne Dorval, pour jouer dans un film où les personnages sont français.

K.Q. : Monia, je l’avais vu dans les films de Xavier Dolan évidemment, mais c’est surtout dans Gare du nord de Claire Simon qu’elle m’a éblouie dans le rôle d’une agente immobilière. Elle y était très forte et là j’ai eu l’idée de lui donner le rôle de l’infirmière. Anne, je l’ai découverte dans les films de Xavier aussi et dans Mommy, j’ai pris la mesure de l’actrice immense qu’elle était. En plus, dans sa catégorie d’âge, c’est l’actrice qui m’a le plus bouleversée, et ce, depuis longtemps.

L.C. : Pendant que Monia et Anne jouent des Françaises, il y a Bouli Lanners et Tahar Rahim en médecins. Ici, on est presque dans le contre-emploi si on regarde les rôles qu’ils ont tenu de façon générale au cinéma. C’était voulu?

K.Q. : J’ai un grand amour des acteurs et une grande confiance en eux. Je ne me pose jamais la question, je les choisi pas en fonction de ce qu’ils ont déjà fait. Je pars du principe qu’un acteur, s’il est bon, il peut tout faire en fait, et j’ai plutôt envie, chaque fois, de les amener à un endroit où ils ne sont jamais allés. C’est un risque à prendre, mais si on ne prend pas de risque, on risque de ne pas faire un bon film. C’est ce qui va donner de la force, de la puissance au récit de redécouvrir un acteur dans un autre registre. Et je crois que ça fait partie de notre mission comme cinéaste.

L.C. : Il y a comme plusieurs films dans Réparer les vivants, voir diverses types de mises en scène. Ça commence avec le film sportif et adolescent, puis le mélodrame et enfin l’œuvre clinique, médicale, non?

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Katell Quillévéré, réalisatrice.

K.Q. : Tout à fait. Avec mon chef opérateur, on a conçu l’esthétique du film en amont et c’est donc un long métrage qui assume ces changements de ton. Je voulais faire un récit qui mue. Ça part du teenage movie à hauteur des adolescents, une histoire fauchée par la mort et qui se confronte à une réalité beaucoup plus brute. Puis, la vie reprend è travers un mélodrame avec l’arrivée du personnage joué par Anne Dorval et inspiré par Douglas Sirk et James L. Brooks. Enfin, on rebascule une dernière fois avec la chirurgie. C’était quelque chose de très réfléchi. Évidemment, la scène de greffe, j’y ai pensé, j’était gêné même à la base. Alors, j’ai assisté à une greffe du cœur afin de mieux comprendre tout ça. C’était une expérience très forte pour moi. Voir ce cœur posé dans un corps étranger et se remettre à battre, c’était tellement beau et fort, pas du tout gratuit. Là, j’ai pris la mesure du point de vue scientifique, mais aussi existentiel. Je me suis rendu compte à quel point on est renvoyé au mystère de l’existence. C’est le cœur du film.

L.C. : Quelle facette de votre métier aimez-vous le plus?

KQ. : Le tournage! Parce que c’est quelque chose qui a à voir avec le direct, le vivant. C’est n’est pas si loin d’une opération chirurgicale même. On a beaucoup travaillé avant de tourner, presque deux ans et là, ensuite, il faut lâcher prise, accueillir la météo, la proposition d’un acteur. Il faut rentrer la vie sur un tournage, c’est presque une discipline enrichissante. Et j’adore être en groupe, partager un tournage avec ceux que j’aime. Et faire un film, c’est se battre longtemps, alors j’attache beaucoup d’importance au moment où je le fabrique. On ne maîtrise pas grand-chose sur le résultat de tout ça, à savoir s’il sera bien accueilli, s’il marchera en salle. Donc, j’essaie de prendre le plus de plaisir possible, car c’est tout ce qui me restera au final. J’essaie de partager le plus de choses lors du tournage, car c’est là que je puiserai l’énergie pour en faire un autre.

Mars, mois de tous les possibles

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Paterson de Jim Jarmusch

Mars arrive et avec lui le printemps, ou du moins le début de… Et l’arrivage de films qui vient avec est alléchant et rend la tâche d’en choisir dix des plus difficiles. Ainsi, mars sera le mois où sortiront, entre autres, L’Odyssée, la biographie du commandant Cousteau dotée d’images somptueuses des fonds marins, Logan où nous verrons pour une dernière fois Hugh Jackman dans la peau de Wolverine, l’émouvant drame Réparer les vivants avec Anne Dorval, La Belle et la bête avec Emma Watson, le dessin animé La Vie de Rosie qui n’est pas rappeler Persepolis, l’efficace thriller boursier L’Outsider, et Wilson l’adaptation filmique de la BD de Daniel Clowes. Ouf! Et maintenant, en voici dix autres qui, selon moi, sont à mettre en priorité dans votre calendrier de sorties au cinéma :

1- Ma vie de Courgette : Ce film d’animation d’à peine 1 h 15 est des plus touchants. Il raconte l’histoire d’enfants orphelins ou à problèmes qui apprendront les uns des autres. En plus de nous tirer quelques larmes, cette réalisation de Claude Barras est visuellement de toute beauté. Date prévue de sortie en salle, le 3 mars.

2- Papa ou maman 2 : Sans renouveler le genre, cette comédie est des plus efficaces et s’avère même plus hilarante que son premier volet. Laurent Lafitte et Marina Foïs se complètent à merveille dans le rôle des deux ex qui s’affrontent à qui mieux mieux durant 90 minutes. Date prévue de sortie en salle, le 3 mars.

3- Paterson : Dans le rôle de Paterson, un conducteur d’autobus poète à ses heures, Adam Driver aurait dû se retrouver aux Oscars. Rarement a-t-on su illustrer la poésie au grand écran comme le fait ici le cinéaste Jim Jarmusch, filmant avec tendresse la ville portant le même nom que le personnage principal. Date prévue de sortie en salle, le 3 mars.

4- Kong – Skull Island : Une xième version de King Kong? Eh oui! Et le pire, c’est que l’enfant en426558.jpg-c_215_290_x-f_jpg-q_x-xxyxx nous, toujours friand d’aventures exotiques et de bêtes mythiques, sera au rendez-vous. Date prévue de sortie en salle, le 10 mars.

5- La Mécanique de l’ombre : Voici un thriller énigmatique doté d’une trame narrative toute simple, centrée sur un quidam joué par François Cluzet pris au piège dans une histoire d’espionnage rappelant celle des Trois jours du Condor. Date prévue de sortie en salle, le 17 mars.

6- Tuktuq : Robin Aubert réalise ce film nordique en se donnant le rôle d’un caméraman envoyé dans un village du nord du Québec pour y capter la vie de ses habitants au quotidien. Les conversations téléphoniques entre le caméraman et le sous-ministre cynique qui l’a engagé (joué par Robert Morin) valent à elles seules le prix du billet de cinéma. Date prévue de sortie en salle, le 24 mars.

7- Trainspotting 2 : Toute l’équipe est de retour dans cette nouvelle aventure. Que dire sinon que cette suite nous l’attendions avec impatience, du moins pour nous, fans invétérés du premier volet, une œuvre survoltée qui marqua l’imaginaire de toute une génération avec ses personnages stéréotypés, ses images euphorisantes et glauques et sa musique rock de circonstance. Date prévue de sortie en salle, le 24 mars.

8- Life : L’équipage d’une navette spatiale (avec Jake Gyllenhaal et Ryan Reynolds à son bord) découvre une forme de vie extraterrestre à bord d’une capsule de retour d’une expédition leconomie_du_couplescientifique sur la planète Mars. La bande-annonce fait penser au premier Alien, donc les attentes sont grandes. Date prévue de sortie en salle, le 24 mars.

9- L’Économie du couple : Voilà un drame touchant, fort mais parfois cruel et dérangeant, porté par deux acteurs formidables, Bérénice Bejo et Cédric Kahn. Un couple se sépare. Au cœur de cette rupture, il y a les enfants, la maison et aussi, inévitablement, l’argent. Date prévue de sortie en salle, le 31 mars.

10- Ghost in the Shell : On se souvient du dessin animé japonais. Voici maintenant la version humaine et survitaminée d’effets spéciaux, avec Scarlett Johansson en tête d’affiche. Projet à haut risque. Date prévue de sortie en salle, le 31 mars.

On se laisse avec la bande annonce de Ma vie de Courgette, film qui fait l’ouverture du Festival de cinéma en famille de Québec, événement devenu incontournable durant la relâche scolaire et qui se déroule dans plusieurs lieux (dont le Clap) jusqu’au 12 mars.