Octobre 2021 en dix films

Octobre est toujours un beau mois de cinéma, car c’est le moment où on entre de plain-pied dans la saison des Oscars et où on nous propose des films s’étant démarqués dans les festivals (Cannes, Venise, Toronto). Cette année, octobre sera tout simplement étourdissant. Les films fantastiques, d’horreur et de science-fiction seront nombreux avec Antlers, Night Raiders, Venom 2, Halloween Kills et La Contemplation du mystère et, plus familial, avec The Addams Family 2. On surveillera aussi le documentaire québécois d’animation Archipel, le drame Bootlegger se déroulant sur une réserve autochtone avec Devery Jacobs et Pascale Bussières, la comédie d’horreur Brain Freeze avec Roy Dupuis, et enfin la performance de Benedict Cumberbatch dans The Electric Life of Louis Wain. À travers cette déferlante, voici les dix titres à surveiller de près!

1- Dune : Premier volet d’un dyptique réalisé par Denis Villeneuve sur l’oeuvre de Frank Herbert, cette production de science-fiction gargantuesque est assurément le film le plus attendu de l’année.

2- Soumissions : Dans sa demeure de campagne, Joseph séquestre son jeune fils. Il en veut à la mère de ce dernier pour leur séparation acrimonieuse. Pour ce drame familial entièrement d’actualité, le cinéaste Emmanuel Tardif a fait confiance aux acteurs Martin Dubreuil et Charlotte Aubin pour incarner des personnages pris dans un engrenage oppressant.

3- Titane : Gagnant de la Palme d’or lors du plus récent Festival de Cannes, ce deuxième long métrage de Julia Ducournau serait encore plus intense que son premier (Grave) et met en scène un pompier (Vincent Lindon) fasciné par une danseuse (Agathe Rousselle) recherchée pour meurtres. Le film s’inspire des ambiances et thématiques glauques explorées au fil des années dans les films de David Cronenberg.

4- The Many Saints of Newark (Les Saints Criminels de Newark) : Voilà l’antépisode de la célèbre série The Sopranos. Michael Gandolfini, fils du défunt James, reprend le rôle immortalisé au petit écran par son père, celui de Tony Soprano dans un récit qui relatera la jeunesse du mafioso du New Jersey.

5- My Zoé : Dans son nouveau film en tant que réalisatrice, l’actrice française Julie Delpy interprète une mère de famille qui, pour sauver sa fille, demande l’aide de scientifiques qui viennent de mettre au point une expérimentation génétique innovatrice. Un sujet parfait pour explorer l’éthique en matière de science médicale.

6- No Time To Die (Mourir peut attendre) : Reporté depuis un an et demi, ce nouveau volet des aventures de James Bond, possiblement le dernier avec Daniel Craig dans le rôle de 007, nous présente l’espion à la retraite mais chargé d’une ultime mission où il fera face à un nouveau « super méchant de service », un certain Safin, joué par Rami Malek.

7- The French Dispatch : Wes Anderson a engagé des dizaines d’acteurs internationaux pour faire partie de sa nouvelle comédie dramatique tournée en France. Tilda Swinton, Léa Seydoux, Timothée Chalamet, Bill Murray et Frances MacDormand baigneront allègrement dans une mer d’images symétriques aux couleurs chatoyantes.

8- The Last Duel (Le Dernier Duel) : Ridley Scott revient à ses premières amours avec ce film médiéval qui rappelle son premier et exceptionnel long métrage, Les Duellistes. L’affrontement (basé sur un fait judiciaire historique) opposera un écuyer et un chevalier joués par Adam Driver et Matt Damon. Les premières critiques sont dithyrambiques.

9- Les Oiseaux ivres : La rumeur est très élogieuse envers ce deuxième long métrage d’Ivan Grbovic (Roméo Onze). On y suivra le destin d’un Mexicain (Jorge Antonio Guerrero) qui tente de retrouver son amoureuse au Québec et qui sera engagé comme travailleur saisonnier sur une ferme dirigée par un couple formé de Claude Legault et Hélène Florent. Mais sa quête prendra une tournure tragique.

10- Last Night in Soho : Edgar Wright nous plonge dans un drame psychédélique alors qu’une passionnée de mode (Thomasin McKenzie) remonte mystérieusement le temps et se retrouve aux côtés de son idole (Anya Taylor-Joy) en plein coeur des années 60. Mais le rêve se transformera rapidement en cauchemar.

Sur des airs de Kinshasa

Le réalisateur de Québec David Nadeau Bernatchez lance en salle, ce mois-ci, un premier long métrage documentaire intitulé Rumba Rules, nouvelles généalogies. Tourné à Kinshasa, en plein coeur de la République démocratique du Congo (anciennement appelée le Zaïre et à ne pas confondre avec la République du Congo aussi appelée Congo-Brazzaville), le film, coréalisé avec Sammy Bajoli, nous transporte dans l’univers musical de la rumba et de ses chanteurs, musiciens et danseurs congolais dont Brigade Sarbati. Avec fierté, le cinéaste voit actuellement son documentaire faire le tour du monde dans les différents festivals et dépeint la genèse de cette production dépaysante.

Le Clap : David, votre fascination pour le continent africain et plus particulièrement pour la République démocratique du Congo, ça ne date pas d’hier?

David N. Bernatchez : Effectivement. Ça fait depuis 2004 que je me rends là-bas et que j’y travaille sur différents projets. À l’époque, j’y étais allé pour les études en accompagnant mon directeur de maîtrise. Finalement, j’y suis resté plusieurs mois. Cette expérience m’a totalement chambardé autant d’un point de vue culturel que musical. Ça m’a transformé et j’ai poussé la plongée jusqu’au doctorat sur la musique congolaise urbaine, dont la rumba, son parcours de l’Afrique jusqu’aux Antilles à travers les esclaves jusqu’à son retour en Afrique dans les années 50. C’était fascinant de voir comment les Congolais l’ont fait évoluer et l’ont transmise au fil des récentes générations.

David N. Bernatchez, réalisateur.

Le Clap : Au coeur du film, à travers de multiples personnages ancrés dans le milieu musical de Kinshasa, il y a Brigade Sarbati, un chanteur populaire qui y dirige un orchestre de musiciens et de danseuses. Avec lui et ses chansons, on part à la découverte de la scène locale. C’est le but premier du film?

DNB : Oui, il y avait la volonté de plonger dans cette scène musicale et de transmettre son énergie, ses règles internes qui servent de base au tissu social de Kinshasa. À travers elle, c’est tout le pays qui se raconte. Ici, on a surtout connu le chanteur Papa Wemba mais à Kinshasa, il y a tout un univers musical méconnu des Occidentaux. La rumba congolaise, c’est une institution incroyable. Les ensembles, c’est plus de 30 personnes à la fois sur scène et à la télé. Avec l’orchestre de Brigade, on découvre que La rumba actuelle, c’est une énergie mais aussi une manière de raconter la ville et ses ancrages. Comme elle est narrative, elle est chargée de noms de lieux, de personnages, d’émotions. Le titre du film d’ailleurs réfère à cette façon de se raconter à travers la musique, à la transmission des récits en chansons. C’est un phénomène qui rappelle celui des griots d’Afrique de l’Ouest chargés de transmettre les récits historiques à la population. Notre documentaire, c’est du cinéma direct, c’est partir à la rencontre de gens aux noms évocateurs comme Brigade, Pitchou Travolta, Panneau Solaire, Soleil Patron et Xena La Guerrière. Des pseudonymes liés à leur énergie, leur personnalité et l’imaginaire. Moi-même durant mon séjour là-bas, on m’a rebaptisé « Huitième merveille véritable couleur d’origine ». Les danses locales aussi ont des noms très imagées comme celle du mécanicien, du dindon ou du peigne.

Le Clap : Le film est coproduit avec la République démocratique du Congo et la Belgique, et il est coréalisé avec Sammy Bajoli. Le tournage a-t-il été ardu?

DNB : Ça a été une longue aventure. Notre budget n’était pas énorme et on avait en tout un peu moins de 30 jours de tournage qui se sont déroulés en 2015, 2016 et 2019. J’ai eu comme coréalisateur Sammy Baloji, mais à l’origine du projet nous étions trois avec Kiripi Katembo-Siku. L’apport de Kiripi était considérable mais il est subitement décédé peu après le début du tournage en 2015. On a repris le tournage sans moyens en 2016, on a tenu le projet à bout de bras pendant deux ans (merci à la coproductrice Rosa Spaliviero!) pour le terminer en 2020 mais la pandémie a retardé sa sortie.

Le Clap : Et maintenant, le film voyage beaucoup!

DNB : Disons qu’avec la pandémie c’était pas évident, mais qu’il commence enfin à circuler plus. On espère que le voyage sera long! Après Amsterdam (IDFA) fin 2020, il a été à Helsinki, Denton au Texas, Paris, Bruxelles, et il sera bientôt en Suède, à Leuven, Anvers, Ouagadougou et au Portugal. Le grand écran, dans les festivals et les salles de cinéma, c’est pour moi un lieu fondamental pour créer et réfléchir nos récits et nos images. Ce n’est pas un documentaire aussi facile d’accès que certains d’autres, mais j’ai cette conviction qu’il porte quelque chose de fort et d’important. J’aime à penser que ce film peut à la fois toucher les mélomanes congolais et ceux d’un peu partout dans le monde. Aussi à Kinshasa, avec un ami qui a beaucoup aidé à la production du film, on aussi ce projet de faire circuler Rumba Rules (et d’autres films) avec une salle ambulante. Pour vivre, il faut que le cinéma soit vu! Rumba Rules sort en salle au Québec et pour moi c’est vraiment incroyable. J’espère que les gens vont se déplacer et se donner la chance de vivre ça!

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