Droit au filet!

Le film 5ème set se penche sur le retour inattendu en finale de tournoi d’un joueur de tennis de 37 ans, en fin de carrière. Ce long métrage français réalisé par Quentin Reynaud met en scène le personnage de Thomas, professionnel de la raquette qui, jadis, était considéré comme l’un des meilleurs espoirs de son pays. Lors d’un tournoi qu’il croit être son dernier, contre toute attente, Thomas se met à gagner ses matchs face à des adversaires bien mieux classés. Le cinéaste nous donne quelques détails entourant la réalisation de son film qui va bien au-delà du simple drame sportif.

Le Clap : Votre film nous présente des scènes de tennis épatantes visuellement et de plus très réalistes pour qui a déjà suivi le tennis à la télé. Mais avant d’aborder la façon dont vous avez tourné le tout, parlez-moi de votre distribution formée d’Alex Lutz, Kristin Scott Thomas et Ana Girardot dans les trois rôles principaux.

Quentin Reynaud : Alex qui joue Thomas, je l’ai choisi pour son âge et surtout pour son côté mélancolique à l’écran, car il a un petit quelque chose de Buster Keaton. Bien sûr, je savais qu’il avait le talent et la rigueur pour tenir ce rôle. Quand à Kristin Scott Thomas, elle interprète Judith la mère de Thomas. Elle avait la froideur anglo-saxonne qui convenait parfaitement et Dieu sait que peu importe le rôle qu’on lui offre, Kristin démontre toujours son immense talent. Enfin il y a Ana Girardot qui joue Ève, la femme de Thomas. Et Ana, pour moi, c’est une véritable découverte. Avant que ma caméra ne se pose sur elle, je n’avais jamais vraiment mesuré toute la finesse de son jeu. Elle mérite assurément de plus grands rôles au cinéma. Dans toutes ses scènes, elle était d’une grande justesse.

Quentin Reynaud, réalisateur.

Le Clap : Si le récit est centré sur le parcours de Thomas en tournoi, vos deux personnages féminins, Judith et Ève, ont une importance capitale dans le déroulement du film qui nous aide à bien saisir les travers de Thomas dans son parcours de joueur, de fils, de père, de mari.

QR : Tout à fait. Dès le début, c’était très important de mettre en évidence le rapport que Thomas entretient avec sa mère et avec sa famille comme père plutôt absent. Un joueur de tennis professionnel, comme Djokovic en ce moment, ce sont des soleils, tout le monde vit autour d’eux, mais le personnage de Thomas n’est pas une étoile, il est un joueur moyen, et sa cellule familiale peut remettre en question ses sacrifices. Thomas justifie difficilement tout ça avec sa famille et surtout avec sa mère. Là-dessus, je me suis inspiré de la relation entre Andy Murray et sa mère Judy qui l’a entraîné. Judith, est le mentor de Thomas. C’est l’enjeu du film ce rapport mère/fils. Il y a un déplacement qui s’opère petit à petit de l’antipathie qu’on a pour la mère qui va se diriger vers Thomas et qui participe à mieux saisir son parcours intérieur. À la maison, Thomas, c’est un bon père, mais il est dur avec son épouse qui pourtant le soutient et l’envie un peu à la fois, car c’est une ancienne joueuse qui a tout mis de côté pour sa vie familiale. C’est assez réaliste de la vie amoureuse dans le milieu sportif. Je voulais qu’on plonge dans une sorte de safari pour mieux voir comment ces animaux vivent entre eux.

Alex Lutz dans le rôle de Thomas.

Le Clap : Parlons des images! Le film repose sur de nombreuses scènes de joutes endiablées. On se doute que toute la mise en scène a dû faire l’objet d’une longue préparation d’un point de vue visuel et technique.

QR : Ça a été un gros travail préparatoire. On n’avait pas énormément d’argent pour tourner, alors on a beaucoup travaillé en amont. J’ai fait tout storyboarder les scènes et chacun des plans. On a fait la mise en images de la finale, de tous les coups échangés mais il fallait aussi, de façon plus intime, qu’on découvre ce qui se passe dans la tête de Thomas. Afin d’être proche du joueur dans un moment pareil, nous avons fait de nombreux plans rapprochés. Puis, pour l’action, à l’intérieur du terrain, tout était calculé. Il fallait repérer, cadrer et concevoir les plans comme si c’était en direct avec les doublures et réaliser le tout en seulement deux jours de tournage. Pour la finale, on a calqué tous les coups du match entre Andre Agassi et Marcos Baghdatis joué en 2006 au US Open. On a repris à l’identique plusieurs des séquences de ce match marquant de l’histoire du tournoi de New York, le dernier tournoi en carrière d’Agassi. Mes acteurs ont rejoué sept fois le match en entier. Le soir, je montais les images et le lendemain on reprenait le tournage pour terminer chacune des scènes. C’était millimétré et entièrement chorégraphié comme exercice. Le cadrage était aussi très important avec la foule. C’était un travail énorme de fabrication!

Le Clap : Vous estimez-vous satisfait du résultat au grand écran qui, pour le simple spectateur, est vraiment bluffant de réalisme?

QR : Assez oui. Techniquement, je voulais être irréprochable. J’ai été pointilleux du début à la fin et ça en valait la peine. J’ai fait vérifier l’ensemble des scènes de jeu par des professionnels. Alex avait une doublure pour frapper les balles, mais pour les plans rapprochés. Il faut souligner à quel point il a travaillé fort. Il fallait qu’il se rapproche le plus possible de la gestuelle d’un professionnel du tennis. Alors, par des petits gestes, en marchant, en attrapant les balles, en s’essuyant le visage, il a su capter le naturel d’un tennisman d’élite. Il a vraiment réussi à s’approprier le langage corporel et la posture du joueur de tennis.

Le Clap : En terminant, quels sont les films de sport que vous trouvez inspirants?

QR : Il y en a évidemment plusieurs. Pour moi, les drames sportifs reflètent parfaitement l’image que je me fais de la vie en général. C’est une vision de l’échec et de la réussite qu’ils nous montrent. L’acceptation de la défaite pour progresser, c’est ce qu’ils nous transmettent. Le film qui me touche le plus, vous ne serez pas surpris de mon choix, c’est Raging Bull de Scorsese, car il dépasse le simple film de sport. C’est un véritable drame social assorti d’une vraie mise en scène. Sinon, plus en lien direct avec mon film, j’irais pour le cinématographiquement puissant The Wrestler de Darren Aronofsky avec Mickey Rourke.

Cette entrevue a été réalisée sur invitation, dans le cadre de la 22e édition des Rendez-vous du cinéma d’UniFrance 2020, à Paris.