Médecin de nuit

Vincent Macaigne dans Médecin de nuit

Dans Médecin de nuit, Vincent Macaigne a trouvé un rôle qui casse son image d’acteur à la fois un peu maladroit, mais fort doué pour la comédie. Dans ce drame sous tension réalisé par Elie Wajeman (Alyah, Les Anarchistes), le comédien incarne Mikaël, un médecin et père de famille qui patrouille les rues de Paris la nuit afin de faire des visites à domicile auprès de nombreux patients. Sa vie nocturne est cependant chaotique, car il participe à un trafic de médicaments, de concert avec son ami Dimitri (Pio Marmaï), un pharmacien endetté et conjoint de sa maîtresse Sofia (Sara Giraudeau). Insomnie, toxicomanie et adultère, voilà ce qui gangrène petit à petit ce médecin de nuit. Rencontre avec Vincent Macaigne et Elie Wajeman qui nous parlent de ce film noir aussi prenant qu’étouffant.

Le Clap : Elie, cette histoire singulière vise à raconter la vie de nuit d’un médecin itinérant. D’où vous vient cette idée?

Elie Wajeman : J’ai un copain médecin qui pratique son métier de cette façon, de nuit, à Paris. J’ai rapidement compris que ça pouvait devenir un beau personnage romantique pour le cinéma, surtout pour un film noir. Juste le voir traverser Paris la nuit, en voiture, c’est déjà très cinématographique. Ces gens qui vivent de nuit, on les appelle « les nuiteux » et ils ont le sentiment que la ville leur appartient durant ce moment. Ces médecins sont un peu punks, ils ont du vécu et des parcours étonnants. Ceux qui profitent du trafic de médocs pour se faire un peu d’argent sont nombreux. Je voulais aussi montrer Paris comme une ville qui n’est pas que bourgeoise avec ses recoins où la vie est dure, où il y a de la solitude, des appartement vétustes, voire pourris. Avec le film noir comme genre, on peut faire une étude sociale, montrer ce qui se passe la nuit et qu’on ne voit pas.

Elie Wajeman, réalisateur

Le Clap : Vincent, on vous connaît principalement pour avoir tenu de nombreux rôles comiques. Ici, on peut carrément parler de contre-emploi. Ça ne se refuse pas une telle offre, non?

Vincent Macaigne : Oui, c’est un rôle qui ne se refuse pas et Elie m’a fait confiance dès le début. Jouer Mikaël, ça m’a permis de creuser une part de jeu que je n’avais jamais exploré avant. Il est moins bavard que d’autres personnages que j’ai pu jouer et aussi plus physique dans son jeu. Je sortais du tournage de L’Origine du monde de Laurent Lafitte où je jouais presque constamment nu et où j’étais plus gros, plus rond. J’ai alors dû travailler pour avoir l’air physiquement plus sec et brutal. J’ai fait un régime et suivi un entrainement physique, j’ai fait du sport et j’ai dû passer mon permis de conduire pour faire ce film (rire)! Tout ça en suivant les médecins de nuit dans leurs rondes nocturnes pour mieux comprendre leur réalité. L’air de rien, tout ça a nourri mon imaginaire pour tourner chacune des séquences. Le film se passe en une nuit et l’impact est violent. Il fallait être dans le bon tempo pour chacune des scènes.

Le Clap : Elie, pourquoi justement avoir choisi Vincent pour incarner ce médecin?

EW : J’ai pensé à lui avec naïveté et même si c’était nouveau pour lui d’incarner un tel personnage, ça a été très naturel, voire simple. Je n’ai jamais été inquiet. C’est un acteur formidable. Son personnage est ambigu et couche après couche, on le découvre véritablement, aimable et salaud à la fois dans sa vie sentimentale, avec sa femme et sa maîtresse. Tout ça divise notre perception et j’aime bien ça. En toile de fond, la nuit devient presque un personnage en soi. C’est d’ailleurs l’élément radical qui a tout changé dans mon scénario. La brutalité nocturne dans le film fait qu’il se distingue, et ce, sans nuire au côté documentaire du sujet, ni au romantisme de la fiction, voire au lyrisme qui définit cette histoire de médecin de nuit.

Le Clap : On voit Médecin de nuit et on songe inévitablement à d’autres films qui se déroulent entre le soir et petit matin comme Taxi Driver. Quelles ont été vos influences?

EW : J’avais effectivement des références en tête pour le tournage. Je pense à des longs métrages américains comme Lenny, Conversations secrètes, Mean Streets, The Panic in Needle Park et After Hours. Des oeuvres qui offrent des portraits existentiels et qui suivent la dérive psychologique d’un homme. Mon film, c’est aussi un portrait de la France contemporaine mais le secret, c’est qu’au départ, c’est une adaptation de la pièce Platonov de Tchekhov qui se concentre sur un type écartelé entre plusieurs femmes exactement comme Mikaël.

VM : Et pour compléter ce que vient de dire Elie, le résultat pour moi, c’est qu’il se dégage de Médecin de nuit une belle et cruelle vérité.

Le film Médecin de nuit est disponible en location sur le site des cinémas Le Clap.

Cette entrevue a été réalisée sur invitation, dans le cadre de la 22e édition des Rendez-vous du cinéma d’UniFrance 2020, à Paris.