Grosse distribution à faible distribution

À une certaine époque, la distribution de films était fort simple. Les longs métrages sortaient dans les salles de cinéma puis, un an ou deux plus tard, se retrouvaient à la télé. La télé payante est arrivée en force dans les années 80, les cassettes Betamax et VHS également, et là, le cheminement habituel de la distribution a connu des fluctuations importantes. Tellement, qu’après l’invention des téléfilms et Movie of the week diffusés en primeur au petit écran, on a vu arriver dans les années 90 les films distribués directement en VHS ou en DVD sans sortie préalable au grand écran. Bref, le modèle habituel se modifiait peu à peu.

L’ancien mode de distribution, à une époque pas si lointaine, faisait en sorte que les œuvres réalisées par les plus grands réalisateurs ou encore mettant en vedette les grands noms du cinéma mondial trouvaient toujours une place dans nos salles de cinéma. Dans les années 80 et 90, tous les films mettant en scène Gérard Depardieu, Catherine Deneuve, Robert De Niro ou Al Pacino prenaient  inévitablement l’affiche. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. On peut prendre en exemple les sorties récentes, directement en Vidéo sur demande, de réalisations ayant au générique des acteurs considérés à une époque comme rentables ou « bankables » comme on dit en France. Voici quelques titres aux distributions éloquentes et qui ne sont jamais sortis en salle ici : Queen of the Desert de Werner Herzog avec Nicole Kidman et James Franco, Gotti avec John Travolta,  Acts of Violence avec Bruce Willis, Loving Pablo avec Penélope Cruz et Javier Bardem, True Crimes avec Jim Carrey, Mary Magdalene avec Rooney Mara et Joaquin Phoenix, The Upside avec Bryan Cranston et Nicole Kidman, etc.

Bryan Cranston et Nicole Kidman dans The Upside.

Si on tente une explication, on se dira qu’aujourd’hui les producteurs à l’échelle mondiale ciblent davantage les marchés où leurs films pourraient fonctionner sans être voués à l’échec. Donc, certains longs métrages ne sortiront que dans quatre ou cinq pays seulement. Les plateformes sont aussi plus nombreuses et puissantes dans leur façon de rejoindre leurs abonnés rapidement, le phénomène Netflix ayant eu un effet monstre sur la distribution en général. Il s’agit maintenant de planifier une stratégie qui convienne à un type de film pour un type de marché, le tout destiné à un type de public, et ce, pour une durée bien déterminée. Les choix sont nombreux, les erreurs courantes, et le nombre de films produits, lui, n’a jamais été aussi élevé, haussant du même coup la concurrence dans un marché plus compétitif et vorace que jamais.

Le cinéma, il faut le rappeler, dans son processus de création, est l’art le plus onéreux qui soit bien qu’il laisse encore espérer une grande rentabilité pour les mégaproductions. Ce dossier, qu’on peine à suivre tellement il évolue rapidement, n’en demeure pas moins étonnant, son évolution étant lié aux habitudes de consommation très fragmentées de l’ensemble des amateurs de 7e art.