L’arche de Matthieu Rytz

Après un Mois du documentaire à la programmation fort relevée et qui se déroulait tout le mois de mai, voilà que juin s’entame avec la sortie de trois nouveaux documentaires au Clap, soit Metamorphosis, RBG et L’Arche d’Anote. Ce dernier, réalisé par Matthieu Rytz, s’attarde à la catastrophe anticipée qui menace un archipel entier situé en Micronésie et dont la survie ne tient qu’à un fil face à la montée des eaux du Pacifique. Joint au téléphone alors qu’il était à San Francisco, le réalisateur du film donne des détails sur Anote’s Ark, un documentaire aux images somptueuses et au propos alarmant.

Édition Le Clap : Matthieu, vous demeurez à Montréal depuis longtemps?

Matthieu Rytz, réalisateur et photographe

Matthieu Rytz : Je suis natif de Suisse et je suis arrivé à Montréal voilà plus de quinze ans. Depuis, j’ai gravité dans le milieu du storytelling, tout ce qui touche aux façons de raconter des histoires par l’image, en photo ou autres, peu importe. Je me suis aussi beaucoup occupé de l’organisation du World Press Photo à Montréal. J’ai un livre de photos également en préparation. Du même coup, j’ai travaillé durant quatre ans à la réalisation de L’Arche d’Anote.

ÉLC : Comment cette aventure a-t-elle commencé?

MR : J’ai rencontré le président des îles Kiribati, Anote Tong, et une jeune mère qui s’expatrie. Tous deux m’ont fasciné. L’histoire de cet archipel est passionnante du point de vue documentaire. Tourner là-bas n’a pas été chose facile. Heureusement, je me suis bien entouré, car ma spécialité, c’est avant tout la photographie. Mais un film, il faut aussi le préparer, le monter. Cela dit, mes études en anthropologie m’ont aidé à établir des contacts avec les gens sur place, à mieux cerner les enjeux de cette petite population.

ÉLC : Sur le terrain, avez-vous été surpris par l’ampleur de la situation?

MR : Au niveau concret de la montée des eaux, c’est un processus qui s’étale sur du long terme. Ce qui m’a fasciné, c’est plus subtil. Dans 50 ans, ce lieu n’existera plus. Ce qui est incroyable, c’est de constater qu’un peuple est sur le point d’être déraciné. Ils vont perdre leur terre natale. Ça, c’est une thématique très touchante pour moi. Ensuite, bien, tout ça se relie à l’actualité, aux changements climatiques qui frappent à différents endroits sur la planète.

ÉLC : Il y a une scène surréelle dans L’Arche d’Anote où une firme d’ingénierie japonaise nous montre la maquette d’une future ville sous-marine. Est-ce cela que nous réserve l’avenir à moyen terme?

MR : C’est fou et réaliste à la fois. C’est une des plus grosses compagnies d’ingénierie au monde qui travaille là-dessus, mais ce n’est pas pour tout de suite. Cela dit, déjà les îles flottantes sont en construction dans la baie de Tokyo et des nouvelles technologies sont  mises au point pour nous aider à nous adapter face aux changements climatiques et à tout ce que ça entraîne. Cette histoire de survie et d’adaptation dans sa globalité ne fait que commencer.

ÉLC : Et la vie du film une fois terminée, comment s’annonce-t-elle ?

MR : On a eu la chance de présenter le film à Sundance au début de l’année. L’accueil a été incroyable. Il n’y avait que douze documentaires sélectionnés cette année, dont notre long métrage. Donc, ça nous a donné une fort belle visibilité et là on continue de le présenter dans les festivals internationaux. J’arrive de Nouvelle-Zélande d’ailleurs. Le succès, relatif bien sûr pour un documentaire, est au rendez-vous et j’en suis très heureux.