Bons baisers de Marseille

Avec LA FRENCH, Cédric Jimenez réalise un film ambitieux, retraçant le parcours véridique du juge Pierre Michel, qui, de 1975 à 1980, mena une guerre de tous les instants à la mafia de Marseille, dirigée par Gaëtan Zampa, afin de démanteler son réseau de trafic de stupéfiants. Jean Dujardin et Gilles Lellouche s’opposent dans les deux rôles principaux d’un récit qui met en lumière un héros français qui a lutté contre le crime organisé au péril de sa vie. 

Rencontré à Paris pour la promotion de son film, Cédric Jimenez nous rappelait qu’il est lui-même originaire de Marseille, une ville qu’il a quitté à dix-neuf ans pour aller vivre à New York. De retour en France depuis plusieurs années, le cinéaste de 38 ans, aussi producteur et scénariste, relate le tournage et les enjeux reliés à ce drame policier biographique aux couleurs de la côte d’Azur. 

Éditions Le Clap : C’est votre deuxième long métrage seulement, mais LA FRENCH est surtout un film très ambitieux, car il reconstitue toute une époque, celle des années 70, au grand écran. Était-ce difficile, techniquement et artistiquement, de plonger dans cette aventure?

Cédric Jimenez : Ah oui! Ça demandait une grande reconstitution historique. C’était ardu, mais en même temps, ça représentait un défi vraiment extraordinaire. Vous arrivez le matin, vous regardez le décor et vous faites : « Wow! Ça, c’est le cinéma! » On se retrouve dans une époque instantanément ave les décors, les voitures, les costumes. Mais, pour l’équipe et moi-même, nous avions à être très précis pendant le tournage, car évidemment tout coûte extrêmement cher et tout doit paraître crédible et concorder avec l’époque du combat du juge Michel. Le sud de la France, dans les années 70, ça n’avait pas non plus l’allure de Paris. Et Marseille, au cœur du film, est fort heureusement une ville photogénique, ensoleillée et très bien conçue pour tourner un drame policier avec ses rues, ses collines.

É.L.C. : Et du côté des comédiens, c’était facile de diriger Jean Dujardin et Gilles Lellouche, deux des grandes pointures actuelles du cinéma en France?

Unknown

Cédric Jimenez et Jean Dujardin.

C.J. : C’était super facile. On n’a pas besoin de les contrôler, car ils adorent ce qu’ils font. Je ne les connaissais pas avant, mais nous sommes devenus amis parce que le tournage s’est vraiment bien passé. Eux, ce sont de grands potes dans la vraie vie et leur énergie est contagieuse pour une équipe de tournage. Ils rendent les choses plus faciles sur un plateau tout en étant très professionnels.

É.L.C. : L’histoire est vraie et les familles du juge Michel et de Zampa savaient fort bien que film ramènerait dans l’actualité une aventure qui a été quand même douloureuse. À ce sujet, la famille de Pierre Michel a répudié LA FRENCH lors de sa sortie. Comment expliquez-vous cette volte-face puisque vous aviez reçu l’aval de la famille au départ, non?

C.J. : C’était vraiment étrange… Avec le recul, je pense que c’était relié à un problème de promotion, au boucan entourant la sortie du film en France. Ils avaient vu le film en juillet, bien avant sa sortie, et tout était OK. À la sortie, la situation a changé, la presse était beaucoup après eux et, fatalement, ils ont voulu prendre leurs distances et ils ne l’approuvaient plus. Ce sont des choses qui arrivent fréquemment avec les films biographiques.

É.L.C. : Était-ce difficile de rester collé à la vie du véritable juge Michel et en même temps de construire un personnage qui allait évoluer devant les caméras et être au cœur d’un film d’action qui nous tiendrait en haleine de bout en bout ave les codes du genre?

C.J. : C’était extrêmement difficile, car il fallait faire des choix, et ces choix concernent la vie réelle du juge. Malgré tout, je dirais que pour l’ensemble du film, on est à 80 % respectueux de tout ce qui est arrivé. Le juge Michel était un homme courageux, mais aussi très obsessif dans sa quête de justice. Il voulait aller jusqu’au bout. Il n’y a que quelques scènes plus intimes, plus familiales où là, on a inventé un univers, on a imposé une certaine vision que j’endosse comme réalisateur et scénariste. La famille de Zampa aussi a vu le film et ils ont bien aimé, et ce, même si on brossait le portrait d’un criminel de haut calibre.

É.L.C. : En France, il y a présentement un regain de popularité pour les drames policiers et les enquêtes judiciaires. Comment l’expliquez-vous?

C.J. : Les gens ont besoin de s’identifier à des héros, à des journalistes d’enquêtes, à des juges, à des enquêteurs, à des flics qui jouent le rôle de personnes ayant à cœur l’intérêt public. On est à la recherche de vérité, d’espoir. En ce moment, je crois que tout ça rejoint effectivement une grande partie de la population. Les gens y voient un combat qu’ils voudraient eux-mêmes mener s’ils en avaient la possibilité. Dans la population, il y a beaucoup de suspicion envers les institutions. Et d’avoir des modèles de héros, ça vient contrebalancer tout ça, je pense.

Les frais de ce voyage ont été payés par UniFrance.