10 films à surveiller pour la rentrée

La rentrée, de mémoire, m’a toujours rendu fébrile. Au départ, elle était scolaire; puis, elle a représenté, avec les années, la fin des vacances, les journées qui raccourcissent et les heures intensives au boulot à préparer la saison automnale et celle de l’hiver qui suivra. Dans les domaines journalistique et culturel, la rentrée est aussi intense qu’elle peut l’être dans les écoles. Au cinéma, elle signifie l’arrivée sur les écrans de films aux contenus moins « superhéroïques »,  aux trames narratives « oscarisables »  et plus audacieuses. C’est du moins, et avec raison, ce que les distributeurs, calendrier de sorties à l’appui, mettent de l’avant avec insistance.

Depuis près de vingt ans, pour mieux m’informer sur cette rentrée, j’achète à la fin d’août le numéro spécial du magazine Entertainment Weekly, le « Fall Movie Preview », qui dresse le portrait des 100 films qui seront lancés en Amérique du Nord de septembre à Noël. Ayant épluché avidement la liste du EW tout en jetant un œil attentif aux films québécois et internationaux qui prendront l’affiche sur notre territoire, j’attire, humblement, votre attention sur dix films qui seront à surveiller et qui se retrouveront au grand écran en septembre et en octobre. J’ai cependant délibérément laissé de côté Mommy de Xavier Dolan, car on a tout dit à son sujet, et Birdman, réalisé par Inarritu et mettant en vedette Michael Keaton, parce qu’il a fait l’objet d’un texte précédent sur ce blogue.

1- Le film The Maze Runner est assez alléchant. Adapté d’une trilogie littéraire, il vise la même clientèle que celle de The Hunger Games, joue dans les mêmes eaux dystopiques et mise sur de jeunes comédiens évoluant dans des décors futuristes inquiétants. En plein le genre d’univers qui m’attire mais qui, au final, risque d’être décevant, L’Âge de cristal et Gattaca n’étant pas des films faciles à égaler.

2- Le Grand Cahier, une autre adaptation provenant d’une trilogie littéraire, celle d’Agota Kristof, intrigue à souhait. Cette histoire de jumeaux habitant chez leur grand-mère et qui apprennent cruellement à survivre dans un pays dévasté a marqué bien des esprits. À l’image de nombreux romans mythiques, on a toujours aimé croire que Le Grand Cahier serait inadaptable. Le film, d’origine hongroise, sortira en Amérique du Nord sous le titre The Notebook.

3- Maps to the Stars, c’est le titre du plus récent long métrage de David Cronenberg. Comme pour un Lynch ou un Von Trier, un Cronenberg ne se rate tout simplement pas; surtout qu’ici, le maître canadien explore la déchéance hollywoodienne autour d’une Julianne Moore qu’on dit aussi sublime qu’abjecte.

4- S’il y a une œuvre réalisée par un cinéaste québécois qui risque de se planter royalement (ce qu’on ne souhaite pas, mais bon…), ce sera sûrement celle de Jean-François Pouliot intitulée Dr. Cabbie. Le réalisateur derrière La Grande Séduction s’intéresse ici à un médecin devenu chômeur qui transforme son taxi en clinique mobile, le tout au son d’airs bollywoodiens et disco. Voir la bande-annonce est un exercice pénible, on craint donc la version longue…

5- La Légende de Manolo, version française de The Book of Life, semble être le film destiné à toute la famille. Ce long métrage d’animation poussera son jeune héros, Manolo, à affronter ses peurs, et ce, à travers trois mondes fantastiques. Les couleurs sont vives, les personnages colorés, bref on a l’eau à la bouche.

6- Kevin Smith est l’homme derrière Clerks. Depuis, il a ses hauts et ses bas comme réalisateur, mais il a des fans irréductibles qui apprécient son humour ado de geek de dépanneur. Avec Tusk (ne pas confondre avec le film du même titre de Jodorowsky), Smith s’aventure dans une enquête loufoque autour de la disparition d’un homme vêtu d’un costume de morse. Johnny Depp y joue le rôle d’un enquêteur d’origine québécoise du nom de Guy Lapointe. Bizarre, dites-vous… Ne manquent que Larry Robinson et Serge Savard pour compléter le tableau!

7- Jessica Chastain est partout, elle tourne plus vite que son ombre, dirons-nous, et est sollicitée par les plus grands cinéastes. Dans la trilogie The Disappearance of Eleanor Rigby, elle est au cœur d’une histoire de couple qui se désagrège. James McAvoy, le professeur X des X-Men, lui donne la réplique dans cet étrange concept autour d’une passion amoureuse new-yorkaise qui se fane au fil du temps.

8- 2 temps, 3 mouvements est une coproduction qui a été tournée dans le quartier de Vanier, chose rare s’il en est une. Un jeune Français, immigré depuis peu à Québec, est témoin du suicide d’un de ses compagnons de classe. Obsédé par cet incident mortel, il veut en savoir davantage sur ce qui a pu inciter le garçon à se jeter dans le vide du haut du toit de l’école secondaire. Belle prémisse et des scènes tournées à Vanier : juste pour ça, on ira voir le film, en attendant d’avoir une date de sortie officielle pour Limoilou – Le film (aussi tourné à Québec), tous deux présentés en primeur au Festival de cinéma de la Ville de Québec.

9- J’ai tellement aimé Rendez-vous et Les Roseaux sauvages! André Téchiné est un metteur en scène que j’estime et qui est assurément dû pour nous offrir un nouveau film inoubliable, lui dont les dernières œuvres ont été plutôt décevantes. Avec L’Homme qu’on aimait trop, il a tout pour nous séduire : une intrigue tordue inspirée d’une histoire vraie et une distribution de choix avec Guillaume Canet, Catherine Deneuve et Adèle Haenel (vue dans Suzanne), le tout avec en fond sonore la musique de Benjamin Biolay. Avec Gemma Bovery mettant en vedette Fabrice Luchini, c’est le film français qu’il faut voir.

10- Enfin, parce que j’aime Nick Cave, parce que j’aime sa voix, son image, ses textes et sa musique sombre et romantique, je ne manquerai pas 20,000 Days on Earth, un pseudo-documentaire sur son quotidien d’artiste torturé, passionné, et père de famille aimant.

Sur ce, je vous laisse avec quelques bandes-annonces et vous souhaite évidemment une « mosus » de belle rentrée cinématographique!

Woody, Trogi et Nicole

 

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1987, réalisé par Ricardo Trogi

Dans le calendrier annuel des sorties en salle, certains mois sont considérés comme plus intéressants que d’autres. Stratégiquement parlant, les distributeurs de films reluquent les mois de mai, juin, juillet, novembre et décembre pour lancer des œuvres rassembleuses,  » oscarisables  » et suscitant de grandes attentes. Le mois d’août, lui, a longtemps été mis dans l’équipe des parents pauvres. Est-ce encore le cas aujourd’hui alors que se retrouvent sur nos écrans ce mois-ci 1987, l’un des films québécois les plus divertissants de l’année et Magic in the Moonlight, le « Woody Allen nouveau », drôle, léger et ensoleillé ?Magic+in+the+Moonlight

Si le mois d’août est encore perçu comme un poids plume dans l’agenda de sorties en sol nord-américain, c’est surtout la faute de nos voisins du Sud qui profitent de cette période pour se débarrasser des comédies bancales et des films relevant du cinéma de genre qui traînent dans leur catalogue depuis quelques mois.

Au Québec, la bidonvilledonne de la distribution est légèrement différente. La preuve, la sortie prochaine d’Yves Saint Laurent,  œuvre à la direction artistique éblouissante réalisée par Jalil Lespert, celle du très beau et très instructif documentaire Bidonville : architectures de la ville future et aussi celle, à la fin du mois, de Tu dors Nicole, plus récent film de Stéphane Lafleur qu’il ne faut surtout pas rater. Son troisième opus, après Continental, un film sans fusil et En terrains connus, est une sorte d’ovni carburant à l’humour absurde et abordant le quotidien estival plutôt morose d’une adolescente. Avec son allure intemporelle, tourné en noir et blanc, Tu dors Nicole s’avère une création aussi intelligente que singulière.

Bref, c’est sur ces quelques recommandations de sorties que je vous souhaite une fin de saison remplie de découvertes au grand écran. On se donne rendez-vous dans deux semaines alors qu’il sera temps de jeter un œil sur l’automne et les quelque 100 longs métrages  qui prendront l’affiche au cours des quatre prochains mois. Ciao!

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Tu dors Nicole, réalisé par Stéphane Lafleur

Olivier A. Dubois et ses poupées

1500 NINOS ima titreAuteur d’une cinquantaine de courts métrages depuis dix ans, le réalisateur de Québec Olivier A. Dubois (à ne pas confondre avec le chorégraphe français du même nom) est fasciné par le cinéma d’horreur. En surfant sur Internet, comme bien des gens curieux et avides d’étrangeté, il est tombé sur les photographies hallucinantes prises sur une petite île mexicaine, située non loin de la capitale Mexico. Surnommée l’île des Poupées, ce lieu aux allures de cauchemar surréel est peuplé de plus de 1 500 poupées recueillies sur plus de 40 ans et exposées par un collectionneur étrange, résidant de l’endroit et décédé en 2001.

L’épouse et collaboratrice d’Olivier A. Dubois, Georgina Alcantara étant d’origine mexicaine, il se rend régulièrement là-bas pour visiter sa belle-famille et participer à différents festivals culturels et y présenter ses courts métrages. L’hiver dernier, en compagnie de sa dulcinée et de sa belle-famille, Olivier décide de faire la balade touristique en gondole afin de visiter l’île des Poupées. Le trajet : deux heures pour l’aller, deux heures pour le retour.1500 NINOS ima islaMuni de son appareil photo numérique, il a filmé rapidement les lieux sans visiter l’île comme tel, car s’y rendre par la voie des eaux est déjà chose coûteuse (300 $). Après avoir visionner ses images de tournage, le footage en langage cinématographique, le cinéaste savait qu’il avait en main assez de matériel pour aller de l’avant et réaliser son court métrage qui allait porter le titre de 1 500 Niños, un film qui durerait un peu moins de six minutes.

Pour finir le tournage, encore fallait-il dénicher celui qui allait personnifier l’insulaire collectionneur de poupées au cœur du récit. Olivier le trouva par hasard en la personne de Roberto Sanchez de la Vega, père de la femme du frère de sa conjointe. Vous me suivez? « Ce monsieur-là, il avait une folie et une théâtralité incroyable malgré ses 81 ans. Il a embarqué dans le projet sans connaître l’île », de dire Olivier A. Dubois. « De mon côté, il fallait que j’explore la psychologie de l’homme qui avait créé ce monde étrange et pas seulement en montrant les poupées. Les légendes courent à son sujet. On aime entretenir le mythe autour de lui et de ses 1 500 poupées. La vérité, finalement, on s’en fout un peu, moi, je désirais qu’on sente qu’il y a quelque chose de malsain dans tout ça », de conclure le réalisateur qui se prépare à tourner de nouveau dans quelques semaines lors du Festival de Trouville, en France. 1 500 Niños, lui,  sera présenté dimanche, le 3 août prochain, en grande première au Festival Fantasia de Montréal avant de l’être à Québec, à l’automne, à Vitesse Lumière et par la suite dans d’autres événements internationaux consacrés aux courts métrages ou au cinéma de genre. Voir 1 500 Niños, c’est une belle façon de visiter «en toute sécurité» un endroit à glacer le sang, un lieu chimérique qui aurait aussi séduit, selon les rumeurs, le réalisateur Tim Burton qui aimerait bien y tourner un de ses prochains films.

À la recherche du vrai Richard Linklater

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Richard Linklater, réalisateur.

Le film Boyhood, Jeunesse en version française, prendra l’affiche à Québec vendredi prochain. Sorti à Montréal depuis le 26 juillet, le nouveau long métrage de Richard Linklater profite actuellement d’une faveur critique incroyable. Sur le site Internet Rotten Tomatoes (incontournable pour saisir la tendance d’accueil nord-américaine), Boyhood obtient la note globale de satisfaction de 99%, un score évidemment exceptionnel. Le danger face à un tel engouement, c’est bien sûr de créer de grandes attentes, au risque de décevoir une partie du public qui ira voir le film. Boyhood

De mon côté, j’ai eu le privilège de visionner en version originale Boyhood la semaine dernière, déjà imprégné par les critiques dithyrambiques  émanant de la Métropole. J’ai aussi beaucoup aimé le film de Linklater, et, je puis dire que présentement il s’insère facilement dans mon top 10 personnel des meilleurs films de l’année 2014. Mais, car il y a un mais, je me suis fais prendre au jeu médiatique, mes attentes étant assurément trop grandes. J’avoue ne pas avoir été ébranlé par le récit, parfois un peu longuet, peuplé de quelques personnages secondaires plutôt caricaturaux. Boyhood demeure quand même une oeuvre à part surtout à cause de son procédé, soit de filmer durant 12 ans quelques moments  de l’enfance d’un garçon (Ellar Coltrane, étonnamment naturel et passif en sosie de Nick Stahl), en le faisant évoluer avec les mêmes comédiens qui constituent, du début jusqu’à la fin du projet, sa famille au grand écran. La vie de ce garçon se déroule à l’écran à travers une histoire texane toute simple. En résulte un portrait du temps qui passe,  un tableau teinté d’américanité, moderne et impressionniste tellement le réalisateur réussit avec adresse à juxtaposer ces douze années sans brisures ou ruptures de ton.

Cela dit, Boyhood m’a aussi amené à revisiter sur papier la filmographie de Linklater, un cinéaste américain dont je suis le cheminement depuis ses débuts en 1991 avec le film Slacker. Un artiste, qui, au contraire de plusieurs réalisateurs associés au renouveau américain des années 90 dont la carrière vascille (Kevin Smith, Allison Anders, Hal Hartley), s’est bâti une belle crédibilité au fil des ans. Linklater se forgeant une carrière cinématographique waking_lifeaussi intrigante que globalement réussie, flirtant autant avec les productions indépendantes qu’avec les comédies rassembleuses. Après Slacker, il réalise dans l’ordre Dazed And Confused, comédie nostalgique doucereuse sur fond de rock seventies devenue culte, puis Before Sunrise, premier volet de sa formidable trilogie avec Ethan Hawke et Julie Delpy (suivront Before Sunset et Before Midnight). Ensuite, se succèderont SubUrbia, Tape, The Newton Boys, le magnifique film d’animation Waking Life et The School Of Rock avec Jack Black lui apportant la gloire à l’international. Déjà, on ne peut saisir la véritable identité de Linklater tellement sa filmographie semble brouillonne, disparate mais également audacieuse. Les dix années de travail qui suivront ne nous aideront pas à mieux comprendre sa démarche, Linklater s’abreuvant au film de commande grand public (le remake de Bad News Bears)  comme au pamphlet vitriolique (Fast Food Nation).

En bout de ligne, on ne peut que constater la grande liberté d’action dont jouit le prolifique cinéaste texan, capable de nous décevoir (parfois), de nous émouvoir (souvent), s’affirmant par moments comme un exécutant hollywoodien de service, puis, grâce à sa trilogie des « Before » et à son 16e long métrage, Boyhood, comme un   surdoué du 7e art, celui qui surgit sans crier gare avec une nouvelle création qu’il signe en tant qu’observateur brillant et attentif des choses de la vie et du temps qui passe.

La vie en banlieue

viedomestiqueQuand on pense au cinéma français des dernières années, plusieurs titres nous viennent en tête. Que ce soit La Haine de Mathieu Kassovitz ou Un monde sans pitié d’Éric Rochant, ces films sont à la fois urbains et parisiens, voire marseillais pour les films de Robert Guédiguian. Ou encore, ce sont des œuvres campagnardes comme Le Bonheur est dans le pré ou provinciales situées chez les Ch’tis ou en Provence. Avec le nouveau long métrage d’Isabelle Czajka, La Vie domestique (en salle dès le 18 juillet), on change complètement de registre et on se retrouve en banlieue française, dans un décor américanisé, presque surréaliste pour des cinéphiles habitués aux décors naturels des films de Rohmer ou de François Ozon et ceux aux ambiances plus nocturnes et citadines de Léos Carax et de Gaspard Noé.

Dans La Vie domestique, on est ailleurs, vraiment! Emmanuelle Devos interprète Juliette, l’un de ses plus beaux emmanuelledevosrôles au cinéma, et Dieu sait qu’elle les accumule depuis quelques années. Mère de famille, Juliette vient du milieu littéraire et se retrouve entre deux emplois à déménager en banlieue où son conjoint vient de se trouver un travail comme proviseur dans une école. Ses journées dans son nouvel environnement seront marquées par des conversations banales avec ses voisines, toutes femmes au foyer, alternant les promenades au parc et celles au centre commercial du quartier. Baignant dans l’American way of life  où les rôles familiaux sont déterminés et caricaturés, Juliette sombre peu à peu, et ce, à l’intérieur d’une seule et même journée, dans une révolte dépressive irréversible.

Le film, adaptation d’un roman paru en 2006 (Arlington Park) de Rachel Cusk (écrivaine britannique née à Saskatoon), se concentre sur la manière de vivre en banlieue parisienne et surtout sur la nature des relations hommes-femmes encastrées dans un milieu bourgeois, parfois réactionnaire et misogyne, où tout semble programmé au quart de tour. L’intérêt réel pour ce long métrage atypique émane évidemment du contexte français de ce récit acidulé aux couleurs trompeuses d’un épisode de Desperate Housewives.

Le film, lancé ici en pleine saison estivale, pourrait hélas passer inaperçu. Dommage, car cette œuvre forte, à l’humour grinçant et au constat douloureux, se veut une réflexion appropriée sur un mode de vie aseptisé qui camoufle souvent un mal-être associé à bien des symptômes qu’on pensait, à tort, exclusif à la manière de vivre des Nord-Américains.

Voici la bande annonce du film La Vie domestique ainsi que l’adresse Internet pour visionner l’entrevue réalisée pour le Clap avec la réalisatrice Isabelle Czajka.

http://www.clap.qc.ca/entrevues

 

 

 

 

 

Zéro écran pour Terry Gilliam

zero-theorem-title2Le 22 juillet prochain sortira en format DVD et Blu-ray ainsi qu’en VSD le tout nouveau long métrage du réalisateur Terry Gilliam, The Zero Theorem. Ce choix de sortie veut automatiquement dire que son film ne sera pas projeté en salle au Québec, une chose étonnante compte tenu de la réputation de l’artiste, de la brochette de vedettes au générique de The Zero Theorem et du sujet potentiellement vendeur au cœur de ce douzième long métrage du Britannique d’adoption, reconnu pour son travail au sein des Monty Python.

fid12390La distribution des films, je l’ai déjà souligné sur ce blogue, est un phénomène difficile à comprendre. Ce volet essentiel relié aux sorties de films à l’international comporte plusieurs mystères et problématiques. Pourquoi une œuvre sort-elle en salle et une autre uniquement sur les tablettes des clubs vidéo ou en Vidéo sur demande? Les clauses, nombreuses, et les droits parfois onéreux pour l’acquisition d’un titre en particulier apportent leur lot d’embûches pour le distributeur local et le forcent souvent à revoir sa stratégie de mise en marché et d’exploitation d’un film étranger que ce soit pour la date de sortie ou le support envisagé.

Hormis les aspects administratifs, financiers et de protection de territoire, celui de l’attrait de l’œuvre sur le grand public est à considérer fortement lorsqu’on doit mettre en marché un long métrage. À une époque, il était normal qu’un film mettant en vedette Gérard Depardieu ou Daniel Auteuil, se retrouve au grand écran au Québec. THE-BEST-OFFER_posterSystématiquement, un film signé par Brian De Palma ou Francis Ford Coppola était distribué en salle à Montréal et Québec. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, la donne a changé comme nous le démontre l’arrivée directement en DVD de longs métrages signés par ces cinéastes de renom ou ayant à leur générique des acteurs connus du grand public mais qui, pour de multiples raisons, n’auront aucune diffusion en salle au Québec. C’est le cas pour le plus récent film de Gilliam, mais aussi pour celui de l’Italien Giuseppe Tornatore, le cinéaste derrière Cinéma Paradiso, dont le long métrage The Best Offer avec Geoffrey Rush vient tout juste de sortir ici directement en DVD.

Revenons au cas de Gilliam: il est étonnant de constater que Metropole Films, le distributeur au Québec, n’a pas voulu tabler sur l’aura du réalisateur et sur la beauté futuriste et surréaliste de cette œuvre suscitant la curiosité et ayant à son générique Matt Damon, Christoph Waltz, Tilda Swinton, Ben Whishaw, Peter Stormare, David Thewlis, Mélanie Thierry et le jeune Lucas Hedges. L’histoire fabuleuse de The Zero Theorem est quant à elle résumée de cette façon par la production… Dans un avenir proche, à Londres, les avancées technologiques ont placé le monde sous la surveillance d’une autorité invisible et toute-puissante : Management (Damon). Qohen Leth (Waltz), génie de l’informatique, vit en reclus dans une chapelle abandonnée où il attend désespérément l’appel téléphonique qui lui apportera les réponses à toutes les questions qu’il se pose. Management le fait travailler sur un projet secret visant à décrypter le but de l’Existence. La solitude de Qohen est interrompue par les visites des émissaires de Management : Bob (Hedges), le fils prodige de Management et Bainsley (Thierry), une jeune femme mystérieuse qui tente de le séduire. Malgré toute sa science, ce n’est que lorsqu’il aura éprouvé la force du sentiment amoureux que Qohen pourra enfin comprendre le sens de la vie…

Terry Gilliam, réalisateur.

Terry Gilliam, réalisateur

Comment expliquer l’absence au grand écran d’une oeuvre aussi inspirante, si ce n’est que par les échecs réguliers des dernières réalisations de Terry Gilliam (The Brothers Grimm, Tideland, The Imaginarium of Doctor Parnassus) et par l’accueil plutôt tiède réservé à The Zero Theorem lors de sa présentation à la Mostra de Venise, en 2013. Hélas, et c’est ce qui attriste les nombreux fans du réalisateur maintenant âgé de 73 ans, ce manque de confiance envers sa plus récente œuvre dénote un manque de plus en plus cruel d’audace des distributeurs, un rejet d’une vision artistique forte qui nous a donné des films aussi marquants que Brazil, Time Bandits et 12 Monkeys. La situation sera-t-elle appelée à changer pour le mieux ces prochaines années? Difficile à prédire. Alors d’ici la sortie en catimini le 22 juillet de The Zero Theorem, c’est avec sa bande-annonce que nous serons appelés à rêver d’un cinéma plus audacieux à prendre place sur nos grands écrans, un cinéma à l’image de la vision fertile et délirante d’un artiste hors norme, Terry Gilliam.

Julie Lambert, chasseuse d’images

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Une réalisatrice de Québec, Julie Lambert, lancera son premier documentaire à l’automne, un long métrage intitulé Un film de chasse de filles. Julie habite Québec depuis une douzaine d’années. Travailleuse sociale, artiste multidisciplinaire et grande voyageuse, elle a signé plusieurs courts métrages documentaires et s’est intéressée à la chasse au féminin lors d’un voyage en Abitibi voilà quelques années. En tombant sur la liste des inscriptions à un cours de chasse donné par l’un de ses amis, elle s’est aperçue, avec surprise, que la moitié des personnes inscrites était des femmes. S’étonnant de ces statistiques, glanant des informations à gauche et à droite sur ce phénomène (Au Québec, le quart des chasseurs sont des femmes), elle a développé son projet de documentaire sur les chasseuses et a profité d’un congé de maternité pour élaborer son scénario et obtenir le financement nécessaire à la production du film.

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Julie Lambert, réalisatrice

Un film de chasse de filles dresse le portrait de passionnées de la chasse : des femmes de plusieurs générations (14, 28, 50 et 72 ans) qui pratiquent ce sport depuis peu de temps ou depuis des décennies. Julie s’estime très chanceuse d’avoir un panel aussi large et aussi éloquent à l’écran. Des femmes de tous âges et de différents milieux. Cela dit, elle précise que le tournage, lui, a été des plus compliqués, car lors de la chasse en forêt, il ne faut pas faire de bruit, ne pas avoir d’odeur, même pour les caméras. Le film a été tourné en Abitibi, en Outaouais et non loin de Drummondville, région d’origine de la documentariste.

Si son documentaire démystifie la chasse et démontre qu’elle n’est point réservée qu’aux hommes, il évite aussi de faire l’apologie des armes à feu ou de tomber dans le cliché du voyage qui vire en beuverie entre copains. « Mon film est axé sur les émotions, sur la façon dont il faut comprendre l’univers des chasseurs. C’est un documentaire universel avec un propos féministe, mais qui intéressera plein de monde », de souligner Julie. Le milieu dépeint dans Un film de chasse de filles est donc très loin de celui de La Bête lumineuse de Pierre Perrault, un modèle qui tend à disparaître d’après la réalisatrice car la Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs a fait un gros travail de sensibilisation sur la sécurité face aux armes à feu et sur le sérieux de ce sport qui sert aussi à nourrir ses adeptes. « C’était important pour moi de faire un film avec des gens qui chassent pour manger » d’ajouter l’artiste longtemps associée à Kinomada et au centre de diffusion L’Établi, rue Saint-Vallier.

En conclusion, Julie Lambert s’estime chanceuse d’avoir obtenu rapidement du financement, d’avoir trouvé des personnages à la hauteur de ses attentes et d’avoir vécu des voyages de chasse avec ces dernières qui se sont avérés instructifs et qui permettront aux spectateurs de réfléchir sur la chasse, de vivre un tel voyage à travers son documentaire et de s’apercevoir que ce sport n’est plus une chasse gardée masculine. Un film de chasse de filles : un film de chance, un film de filles, un film à voir!

Un film de chasse de filles prendra l’affiche à Québec à l’automne après sa présentation dans les festivals et avant, de par son sujet, une essentielle tournée dans plusieurs régions.

Site officiel du film : http://unfilmdechassedefilles.com/

La surprise américaine?

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Depuis des années, la période estivale au cinéma est synonyme de sorties multiples de films américains tablant sur les super-héros, les monstres animés et la destruction obligatoire des mégapoles mondiales causée par des catastrophes naturelles ou des vaisseaux extraterrestres surdimensionnés. Pour sortir de ce carcan, parfois divertissant, parfois, voire souvent, aliénant, il faut gratter et chercher la perle au fond de la mare hollywoodienne.

En cherchant bien, en épluchant la liste des prochaines sorties en salle cet été, on tombe sur un titre étrange suscitant la curiosité, I Origins, dont voici la fascinante bande-annonce :

Réalisé par Mike Cahill, ce film américain à petit budget, dont la sortie est prévue le 18 juillet, met en vedette Michael Pitt dans le rôle principal de Ian Gray, un spécialiste en biologie moléculaire, et Brit Malrling dans celui de sa partenaire de travail. Faisant de l’œil humain l’objet de son étude, Gray sera fasciné par ceux d’une top-modèle dont il tombera amoureux. Ses recherches culminent vers une découverte troublante qui permettrait de relier la science à la spiritualité et ainsi de mieux comprendre le phénomène de la vie et de la mort. Pour prouver ses théories, Gray doit partir pour l’Inde et trouver la preuve, voire la personne, au cœur de cette quête mystique.

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Brit Marling et Mike Cahill

L’histoire, assez intrigante, est scénarisée par le cinéaste Mike Cahill, un passionné de science-fiction, qui avait également réalisé Another Earth voilà trois ans, un long métrage qui portait sur la découverte d’une sorte d’anti-Terre mettant aussi en vedette Brit Marling. Cette dernière, collaboratrice et amie universitaire de Cahill, mène une carrière discrète, mais diablement efficace dans le film de genre chez nos voisins du Sud.  Marling s’est de plus distinguée comme comédienne et scénariste dans Sound of my Voice et The East, deux autres films aux histoires assez singulières à mi-chemin des univers fantastiques de Twilight Zone et du thriller sectaire.

Les parcours de Marling et Cahill sont fascinants à suivre. Bien sûr, on ne parle pas de leurs œuvres comme on parle des blockbusters, sauf que le tandem emprunte une démarche artistique qui, bien que suivant les traces du cinéma de divertissement, s’éloigne grâce à son originalité et son audace des canevas conventionnels d’Hollywood. Misant sur des longs métrages à petit budget, ils arrivent à attirer l’attention, à se bâtir une crédibilité dans le milieu et le jour n’est sûrement pas loin où on les verra à la barre de productions plus ambitieuses et mieux soutenues par l’industrie. D’ici là, on surveillera attentivement la sortie de I Origins en espérant que le film trouve une salle à Québec entre la présentation de Transformers 4 et de la nouvelle mouture des Tortues Ninja.

 

Retour à la vie de Michael John Douglas

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Michael Keaton dans Birdman

La semaine dernière, la mise en ligne sur Internet de la bande-annonce de Birdman, mettant en vedette Michael Keaton, a fait beaucoup parler d’elle, en bien, et m’a amené à m’interroger sur la carrière en dents de scie menée par le comédien depuis ses débuts voilà plus de 35 ans. Y a de ces acteurs qui semblent disparaître du radar pour je ne sais trop quelle raison et Keaton en fait partie. Un documentaire réalisé par Rosanna Arquette a même été fait autour de cette réflexion avec pour titre : Searching for Debra Winger. On aurait pu dans la même veine, au début des années 2000, lancé un appel filmique ayant pour titre What’s Happened to Michael Keaton? tellement les échecs s’accumulaient pour l’acteur et que son nom ne faisait plus partie des valeurs sûres du cinéma mondial.

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Beetlejuice

De son vrai nom Michael John Douglas, l’interprète aurait choisit le pseudonyme de Michael Keaton en l’honneur de Buster afin d’éviter toute méprise avec le fils de Kirk déjà fort connu. On le remarque au début des années 80 grâce à quelques comédies potaches comme Gung Ho et Mr. Mom, mais c’est en 1988, en incarnant le personnage central du film Beetlejuice de Tim Burton (dont une suite est en préparation), qu’il connaît finalement la gloire. Ce rôle l’amènera, non sans une certaine controverse, à jouer Batman à deux reprises toujours sous la direction de Burton. Puis les succès populaires se succèdent avec The Dream Team, My Life, The Paper, Multiplicity et enfin Jacky Brown de Tarantino et Out of Sight de Soderbergh. Durant plus de dix ans, Keaton fut l’un des comédiens les plus en vus à Hollywood, alternant avec versatilité les rôles comiques et dramatiques au grand écran.

Étrangement, on semble par la suite le perdre de vue. Même s’il continue de tourner, les bides se font fréquents et on ne pense plus à lui pour des premiers rôles sinon pour des séries B et pour prêter sa voix aux films d’animation de Pixar (Cars, Toy Story 3). Mais, avec la bande-annonce de Birdman, nouveau long métrage d’Alejandro González Inárritu, tous les espoirs sont permis. Ce film marquera-t-il le véritable retour de Michael Keaton dont les récentes présences au grand écran sont plus qu’oubliables (Robocop, Need for Speed)? Avouons au départ que de jouer dans un film d’Inárritu n’a rien d’ordinaire. Le cinéaste mexicain profite toujours d’une aura enviable à travers le monde. Ses œuvres, depuis ses débuts avec Amores Perros, sont toujours très attendues et jamais décevantes (21 Grams, Babel, Biutiful). Birdman raconte le retour sur les planches à Broadway d’un acteur ayant connu la gloire en incarnant un super-héros au grand écran. Le clin d’œil au parcours professionnel de Keaton est ici assez évident, favorisant la plus belle des curiosités envers cette comédie dramatique énigmatique inspirée d’une nouvelle de Raymond Carver.

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Clean and Sober

Parlant de parcours, je me souviens justement qu’à ses débuts, Keaton, comme acteur, me tombait royalement sur les nerfs. En tant que cinéphile, je le trouvais trop bouffon, ses présences survitaminées me laissaient entrevoir un acteur qui faisant preuve de peu de retenue et de nuances dans son jeu. C’est par pure curiosité, en louant la VHS de Clean and Sober (en français Retour à la vie d’un homme déchu), que mon opinion sur Keaton changea radicalement. Produit par Ron Howard, ce film méconnu de Glenn Gordon Caron, sorti la même année que Beetlejuice, donnait à Keaton l’occasion d’interpréter un alcoolique désirant en finir avec cette dépendance. Sa performance éblouissante dans ce long métrage m’amènerait ensuite à suivre sa carrière d’un autre œil.

Le film d’Inárritu devrait prendre l’affiche en octobre prochain. Souhaitons que ce rôle permette à Keaton de revenir sur la sellette, car à 62 ans, et dieu sait qu’il ne les fait pas, il a encore de belles années de carrière devant lui. En attendant, si ce n’est déjà fait, je vous invite à découvrir cette fascinante bande-annonce de Birdman.

De grandes attentes pour La Petite Reine.

Alors qu’on s’interroge sur la baisse de revenus des films québécois en salle depuis le début de l’année (voire quelques années…), les espoirs « commerciaux » de notre cinéma cet été sont dirigés vers trois longs métrages censés attirer les foules : 1987 (Ricardo Trogi), Le Vrai du faux (Émile Gaudreault), La Petite Reine (Alexis Durand-Brault). Le premier à prendre l’affiche, La Petite Reine, arrivera sur nos écrans vendredi prochain, le 13 juin. Un vendredi 13 qui, espère-t-on, malgré la symbolique, n’attirera pas la malchance et attisera l’intérêt du grand public pour ce drame sportif inspirée de la vie de la cycliste québécoise Geneviève Jeanson.

Pour avoir vu le film en avant-première, j’ai aussi bon espoir que La Petite Reine suscite un réel intérêt chez les amateurs de cinéma en général. La réalisation est alerte, la production élégante et la distribution au diapason d’un scénario relevé, qui sans bavure ni excès de sentimentalisme, fait état du milieu vicié dans lequel évoluait Julie, jouée par Laurence Lebœuf. Si le scandale du dopage mis en images dans La Petite Reine n’a pas, bien sûr, l’ampleur de celui impliquant Lance Armstrong, il est malgré tout évocateur de la problématique pour le milieu sportif en général. La réussite du film est réelle et repose, selon moi, sur deux facteurs. Le premier, la mise en scène qui témoigne de l’effet anxiogène provoqué par l’entourage de la coureuse. La cycliste est écrasée par le poids du succès, des attentes du public, de sa famille, de l’argent investi sur son nom et par son propre orgueil. Le second facteur réfère à la qualité des principaux  interprètes offrant tour à tour des performances qui seront à coup sûr soulignées lors de la prochaine Soirée des prix Jutra. Laurence Lebœuf dégage force et fragilité dans le rôle principal, Patrice Robitaille se démarque en entraîneur lâche et manipulateur, Denis Bouchard et Josée Deschênes sont des parents volontairement naïfs et ambitieux, René-Daniel Dubois joue un médecin sans scrupules et Jeff Boudreault incarne un commanditaire fier et avide. Avec crédibilité et talent, ils contribuent au grand écran à rendre l’univers du vélo de compétition aussi cruel qu’hypocrite lorsque le scandale éclate.  Reine3

La semaine dernière, l’équipe de La Petite Reine était de passage à Québec pour en faire la promotion. Le réalisateur, Alexis Durand-Brault, n’était pas peu fier de son troisième film après Ma Fille, mon ange et Everywhere, deux œuvres qui relevaient davantage de la commande d’après lui. Il évoque d’emblée que son nouveau long métrage n’a pas été réalisé sous la supervision d’avocats malgré l’inspiration première, le scandale du dopage entraînant la chute de son étoile filante, Geneviève Jeanson. Le but du film, toujours selon le cinéaste : comprendre pourquoi une athlète en vient à se doper, comprendre comment Julie, alter ego de Jeanson, a vécu cette réalité sportive, cette vie de tension au quotidien entre les entraînements, les courses et les commandites?

Durand-Brault n’a que des éloges pour sa distribution. Pour Laurence Lebœuf, émotive et énergique, parfaite pour le rôle et Patrice Robitaille qu’il qualifie d’acteur « le plus game », celui qui plonge sans chercher à être beau ou bien paraître. Au sujet de la pression entourant la sortie du film et les attentes commerciales qui lui sont attribuées, il ajoute : « J’ai peur! Vraiment. Je suis assez inquiet pour la culture au Québec, j’ai peur d’avoir perdu le public ». Pour contrer cette appréhension, il souligne avoir fait un film populaire, ni trop noir ni à saveur commerciale, à la manière d’un Claude Sautet ou d’un Brian de Palma. Un film aussi personnel que rassembleur pour lequel il ajoute : « Je ne voulais pas tomber dans le sensationnalisme, je voulais, tout au long du tournage, être juste d’un point de vue émotif ».Reine1

Diablement en forme, Patrice Robitaille, lui, semble prendre plaisir actuellement à faire partie d’une course contre la montre dans sa vie personnelle et professionnelle. Il est devenu père d’un deuxième enfant voilà quelques semaines à peine et s’implique dans la coordination de travaux de construction des locaux professionnels de sa conjointe. Il répète au théâtre le rôle de sa vie, Cyrano de Bergerac, sous la direction de Serge Denoncourt tout en assurant la promotion de La Petite Reine. Au sujet de son rôle d’entraîneur dans le film, il précise: « Mon personnage est chien pis en plus, au niveau physique, j’ai l’air d’un monstre à côté de Laurence qui est minuscule. L’entraîneur n’est jamais là quand c’est vraiment chaud, sauf quand il est seul avec elle et qu’il peut la contrôler. Mais en même temps, le personnage de Julie n’est pas sans tort. Pour moi, c’est des partners in crime. Julie carburait au succès et était incapable de dire non. Surtout qu’il y avait la province qui la suivait, les commanditaires, la fédération québécoise».  Et quand on lui rappelle à quel point le succès du film semble important pour l’industrie, il dit : « Je suis conscient de tout ça, mais le débat autour de la rentabilité du cinéma québécois m’énerve un peu. Je suis d’accord avec Xavier Dolan qui disait récemment ne pas faire de distinction entre le cinéma commercial et le cinéma d’auteur. Qu’un film marche ou non, en bout de ligne, il n’y a que de bons et de mauvais films. Le snobisme dans l’art me tombe sur les nerfs. Pis les gens, j’en suis sûr, ils vont aimer La Petite Reine parce que c’est un bon film, that’s it ».

On peut donner raison à l’acteur. Rien ne sert de discourir longtemps sur La Petite Reine en tant que film d’auteur ou en tant qu’œuvre qui fait la lumière une fois pour toutes sur le dopage sportif. Il faut surtout se rappeler l’effet immédiat du film une fois vu, d’avoir été happé par l’histoire à cause du brio des comédiens et d’y avoir cru. D’être retombé en enfance en se faisant raconter une histoire, sombre, dramatique et aussi québécoise qu’universelle. De belles qualités d’ensemble qui pourraient inciter bien des gens à aller voir le long métrage. Même si le fil d’arrivée du box-office est encore loin, de nombreux artisans du cinéma québécois (propriétaires de salles, producteurs, cinéastes et comédiens) se retrouveront vendredi sur la même ligne de départ, fébriles et optimistes. On ne peut leur en vouloir.