Pacino et Hopkins mis en échec

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Misconduct avec Pacino, Duhamel et Hopkins

J’ai abordé à quelques reprises sur ce blogue le mystère de la distribution de films au Québec. Le marché mondial vit de profonds changements depuis quelques années et tous les joueurs ont de la difficulté à s’adapter. La vente de films se fait encore par territoire, mais les Amazon et Netflix de ce monde tentent de modifier cette méthode de fonctionnement en voulant distribuer mondialement les titres ajoutés à leur catalogue.

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Al Pacino, To Be Bankable or Not

Bref, certains films profitant de critiques favorables, d’un buzz de festival ou d’une distribution éclatante peinent parfois à prendre l’affiche au Québec. C’est le cas de Misconduct, premier long métrage de Shintaro Shimosawa, un thriller judiciaire mettant en vedette Al Pacino, Anthony Hopkins, Josh Duhamel, Malin Ackerman et Julia Stiles. Ce film américain, produit pour un modeste budget (selon les normes hollywoodiennes) de 11 millions, a pris l’affiche chez nos voisins du Sud en février dernier. En France, il sortira directement en DVD au mois d’août prochain sous le titre Manipulations.

Le 3 juin dernier, Misconduct a pris l’affiche au Royaume-Uni et le magazine Variety s’est penché sur ses premiers résultats désastreux au box-office britannique. Lors de sa première fin de semaine de diffusion en salle (du vendredi au dimanche), le long métrage a recueilli un « grand total » de 141 $. Pendant ce temps, à titre de comparaison, Warcraft, l’adaptation du jeu vidéo, a ramassé plus 5 millions sur le même territoire en étant présenté dans plus de 500 cinémas.

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Anthony Hopkins à court de mots

La comparaison peut paraître boiteuse évidemment. On ne parle pas ici du même budget de marketing, des mêmes attentes pour le box-office ni de la même distribution en salle, Misconduct n’étant diffusé que dans cinq cinémas. Mais il y a lieu de constater que le générique du film n’a eu aucun effet vendeur. Deux acteurs oscarisés, Pacino et Hopkins, n’ont pu éveiller la curiosité du public anglais. Aux États-Unis, ce ne fut guère mieux. Les critiques assassines n’aidant en rien la cause de Misconduct, c’est 24 000 $ au total qui furent amassés lors de sa courte carrière sur les écrans. La stratégie marketing misait pourtant sur l’attrait indéniable des stars qui composent la distribution du film, on parle au final d’un véritable bide filmique. Et au bout du compte, c’est Pacino et Hopkins qui mordent la poussière et font sans le vouloir la manchette, ayant participé à une œuvre qui sera reconnue comme l’une des moins rentables de l’histoire.

L’étrange anecdote dans tout ça, c’est que les Sud-Coréens, eux, étaient au rendez-vous, Misconduct frôlant le million de dollars en recette dans leur pays. Il y a le mystère de la distribution de films et il y a maintenant le mystère de la Corée du Sud. Avec humour, on pourra dire que la Corée du Nord n’est désormais plus seule à susciter les questionnements.

Les 10 films de juin 2016

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Comme tous les mois, voici mes suggestions de films à voir au cinéma, cette fois-ci pour juin 2016. Le mois des Gémeaux offrira cette année une programmation diversifiée, alternant films d’horreur, dessins animés, drames et comédies française ou italienne. À travers tout ça, on verra qui de Warcraft (l’adaptation du célèbre jeu vidéo) ou de la suite d’Independance Day gagnera le duel au box-office. Enfin, il restera aussi à voir si l’étrange Swiss Army Man misant sur les flatulences d’un personnage incarné par Daniel Radcliffe et le film d’anticipation de la Canadienne Patricia Rozema, Into the Forest, mettant en vedette Ellen Page, sortiront éventuellement à Québec. Mais bref, voici les dix titres qui se démarquent dans le calendrier actuel de sorties.

Love and Friendship : Walt Whitman s’amuse visiblement beaucoup à mettre en scène à l’écran le roman épistolaire Lady Susan, signé Jane Austen. Caustique à souhait, le film mise sur des enjeux amoureux et financiers drapés dans des décors et des costumes dépeignant l’Angleterre de la fin du XVIIIe siècle. Sortie prévue le 3 juin.

Maggie’s Plan : Julianne Moore, Ethan Hawke et Greta Gerwig forment un étrange triangle amoureux au cœur de cette comédie réalisée par Rebecca Miller. La trame repose sur Maggie (Gerwig) qui veut un maggies_plan_onesheet_finalenfant et tombe amoureuse de John (Hawke). Ce dernier quitte Georgette (Moore) pour Maggie qui elle, quelques années plus tard, manigance pour que John retourne vivre avec son ancienne flamme.  Pourquoi faire simple? Sortie prévue le 10 juin.

The Conjuring 2 : Le premier, avec un budget fort limité, avait réussi à nous glacer le sang sans effets outranciers, explosions d’hémoglobine ou tortures insoutenables. Bref, de l’effroi à l’état pur. On attend la même chose de ce nouvel opus mettant encore en vedette Ed et Lorraine Warren, le duo d’enquêteurs du paranormal. Sortie prévue le 10 juinconjuring-2-poster-affiche-954766

Au nom de ma fille : Inspiré par une histoire troublante survenue au début des années 80, le film relate l’entêtement d’un père prêt à tout pour retrouver sa fille disparue. On verra si ce thriller relancera la carrière de Daniel Auteuil, acteur talentueux et attachant dont les derniers rôles n’ont pas tous été convaincants. Sortie prévue le 17 juin

Genius : Dans ce premier film à titre de réalisateur, le directeur de théâtre londonien Michael Grandage s’intéresse à la relation particulière qui unissait l’auteur Thomas Wolfe et l’éditeur Maxwell Perkins au début du XXe siècle. Colin Firth, Jude Law et Nicole Kidman sont au générique. Sortie prévue le 17 juin

Trouver Doris: La suite fort attendue de Trouver Nemo arrive enfin en salle. Que dire de plus sinon que nous avons très hâte de renouer avec tous ces personnages au fond l’eau, en Océanie, et surtout Doris, poisson rendu célèbre pour ses continuelles pertes de mémoire. Sortie prévue le 17 juin

Mia Madre : Sur fond de remises en question existentielles, le nouveau Nanni Moretti fait forcément penser à Une autre femme de Woody Allen. Le personnage central de Mia Madre est une femme en rupture, inquiète pour l’avenir académique de sa fille, et qui doit mener à terme comme réalisatrice un film dans lequel joue une célébrité américaine difficile à diriger. Avec tout ça, sa vieille mère est hospitalisée et ses jours sont comptés. Mia Madre est une œuvre intelligente, aussi drôle qu’émouvante. Sortie prévue le 24 juin

The Shallows : J’ai mis ce titre uniquement parce que Jaws a marqué bien des imaginaires et que la bande-annonce pique la curiosité. Veut-on à nouveau faire des cauchemars en pensant à la baignade en haute mer et aux requins qui rôdent? Oui, encore et toujours! Ici, la proie livrée en pâture aux dents acérées de la bête marine se nomme Blake Lively. On verra bien si elle s’en sortira vivante? Sortie prévue le 24 juin.

The Free State of Jones: Un autre fait vécu transposé à l’écran. Sortis de la guerre de Sécession, un homme et quelques compatriotes créent un État libre dans le Midwest américain où les mariages mixtes sont légalisés. Hélas, ça ne fera pas l’affaire de tous. Matthew McConaughey est en tête d’affiche, nous rappelant que depuis quelques années, l’acteur est épatant dans chacun de ses rôles. Sortie prévue le 24 juin

The Neon Demon : La nouvelle offrande de Nicolas Winding Rein n’a pas fait l’unanimité à Cannes dernièrement. Pourtant, tous ont salué l’audace visuelle de son long métrage flirtant avec l’univers de la mode et le vampirisme branché californien. Juste pour le mélange des genres et le désir de son réalisateur d’être incompris ou encore de brouiller les pistes inutilement, on ira voir cet ovni, qualifié de séduisant par les uns et de prétentieux par les autres. Sortie prévue le 24 juin.

Le livre au grand écran

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Le cinéma s’abreuve depuis fort longtemps d’œuvres littéraires. La tentation est toujours forte de transposer un bon récit ou un livre devenu mythique en objet cinématographique. Quelquefois ça fonctionne, d’autres fois moins. Le phénomène existe également ici même s’il y a beaucoup d’appelés et très peu d’élus.

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Antoine Tanguay, éditeur. Crédit photo Julie Artacho.

Installé à Québec, Antoine Tanguay a lancé les Éditions Alto en février 2005. Plusieurs des romans qu’il a publiés ont vu leurs droits achetés par des producteurs désirant les transposer au grand écran. Voici ce qu’il avait à nous dire sur cette relation aussi vivante qu’ étrange entre les éditeurs de livres et les producteurs de films.

– Chaque année, y a de nombreux titres québécois qui intéressent les producteurs d’ici. Ces derniers prennent alors une option pour quelques milliers de dollars et obtiennent, pour un laps de temps de deux ou trois ans (renouvelable), les droits d’adaptation de l’œuvre.

– Habituellement, l’idée première, c’est de bâtir un scénario qu’on présentera à la SODEC dans le but de faire financer la production du film. Mais, comme tout le monde le sait, c’est très difficile car les projets sont nombreux et ne peuvent tous être financés. Un nombre infime se rendra jusqu’à l’étape du tournage.

– Le chemin habituel, c’est un producteur qui approche une maison d’édition pour l’achat des droits. Parfois, le réalisateur est déjà trouvé. Aussi, certains auteurs ont un agent pour tout ce qui concerne d’éventuelles adaptations, au théâtre, à la télé ou en film. Dans ces cas-là, l’éditeur n’a pas un mot à dire évidemment. De toute façon, une fois les droits cédés, l’éditeur et l’écrivain ont rarement un mot à dire sur la suite des choses et c’est normal, ce n’est plus entre nos mains.

– Chez Alto, des options ont été prises sur plusieurs titres. Podz a Le Christ obèse de Larry Tremblay en main, la maison de production micro_scope a l’option sur L’Orangeraie écrit aussi par Larry et cherche des partenaires européens pour lancer la production. Griffintown de Marie-Hélène Poitras est, de son côté, entre l_hr_656_mediumles mains d’Attraction Images, le scénario est d’ailleurs bouclé dans ce cas-là. L’un des premiers romans dont j’ai vendu les droits, c’est Du bon usage des étoiles de Dominique Fortier. Jean-Marc Vallée connaît bien l’auteure et a adoré le récit. Mais il veut faire quelque chose de gros avec cette histoire, donc, ça demande une grosse recherche de financement. En plus, actuellement, Jean-Marc a tellement de projets avec les Américains que je ne sais quand il se remettra à plancher là-dessus.

– On verra aussi en 2017 le nouveau long métrage de Louise Archambault (Gabrielle). Son film s’intitule Hope et s’avère l’adaptation de Tarmac de Nicolas Dickner. Puis, le roman traduit chez Alto, Les Frères Sisters de Patrick deWitt sera aussi lancé en salle, signé par Jacques Audiard et mettant en vedette Joaquin Phoenix et John C. Reilly (ce dernier ayant acheté l’option de départ). Dans ce dernier cas, je peux penser que les ventes du livre seront relancées à cette occasion comme Hurtubise a pu le faire avec Life of Pi.

– Il ne faut pas oublier dans tout ça que le cinéma, c’est une grosse machine comparé au milieu de l’édition. Souvent, on écrit « based on a novel » en petits caractères sur une affiche de film, alors il ne faut pas trop se faire d’histoire.

– Ce que j’aimerais dans le futur, c’est que le milieu de la télé, comme celui du cinéma, s’intéresse davantage à nos romans. J’y vois beaucoup de possibilités pour l’avenir. Mais bref, on verra bien!

Hormis les titres mentionnés plus haut, voici la liste de films québécois qui prendront l’affiche en 2016-2017 et dont le scénario est tiré d’une œuvre littéraire :1189596-gf

Pieds nus dans l’aube (Félix Leclerc)

La Chute de Sparte (Biz)

Squat (titre d’origine Haine-Moi, Paul Rousseau)

Ça sent la coupe (Matthieu Simard)

Le Cas Sneijder (Jean-Paul Dubois)

– La Petite Fille aux allumettes (Gaétan Soucy)

Et au pire, on se mariera (Sophie Bienvenu)

 

 

L’après Demain

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Le documentaire français Demain arrivera sur nos écrans le vendredi 27 mai. En France, depuis sa sortie voilà six mois, le film coréalisé par le militant Cyril Dion et l’actrice Mélanie Laurent a attiré en salle plus d’un million de curieux, tous intéressés ou intrigués par le sujet du long métrage, soit l’avenir de notre planète, les dangers qui nous guettent, et les solutions mises en place actuellement un peu partout dans le monde pour améliorer notre destinée.

En visite au Québec pour la toute première fois pour promouvoir la sortie de Demain, Cyril Dion confirme qu’il n’a pas eu le temps de chômer depuis la sortie de son film. Acheté par plusieurs pays, Demain lui a permis de voyager sans arrêt pour découvrir que chaque fois, peu importe le lieu, l’intérêt est grand pour ce type de documentaire ayant une portée humaniste. Voici ce qu’il avait à nous raconter au sujet de cette belle aventure.

Sur le titre du long métrage : « Le titre dit tout je crois, mais inévitablement y a un danger, une fois en salle, les gens demandaient on veut un billet pour Demain. Et ils se faisaient répondre pour la séance de demain, mais pour quel film? Alors, forcément, ça créait de la confusion, ha ha ha! »

Sur sa coréalisatrice : « J’ai connu Mélanie Laurent lorsqu’elle a participé à une campagne de Colibri, une ONG que j’ai créée en 2012. Au fil du temps, et parce que nous avions les mêmes intérêts, elle s’est lancée avec moi dans ce projet de documentaire. Je savais qu’elle apporterait de la sensibilité et de la poésie à la réalisation. »

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Mélanie Laurent et Cyril Dion

Sur la production : « Le financement a été très difficile. On nous disait que le documentaire ce n’est pas vendeur, que c’est ennuyeux, que la télé serait un meilleur moyen de le financer. Mais moi, je voyais mon film en salle, projeté dans des lieux rassembleurs. Donc, on a lancé une campagne de sociofinancement. On voulait 200 000 euros en deux mois et on les a eus en trois jours. C’était complètement dingue, c’était fou. On a ramassé 450 000 euros au bout des deux mois de campagne, ce qui nous a permis de partir en tournage. »

Sur l’effet provoqué par son film : « Les gens, que ce soit en France ou ailleurs, ont perdu la foi envers nos politiciens et nos décideurs. Pourtant, quand on leur propose une nouvelle vision de l’avenir avec des personnes formidables, eh bien, on voit que la population a besoin de ça. Le bouche à oreille a été formidable. Oui, au début, ce sont des gens qui partageaient nos idées qui allaient voir le film, mais après, même les grandes banques françaises nous demandaient de faire des projections spéciales pour leurs employés. Et la plus grosse chaîne de supermarchés nous a approchés. Donc, des milieux qui pensent l’inverse de ce qu’on dit, du moins dans leur façon de mener leur business, eh bien, eux aussi, ils ont été emportés par l’optimisme de Demain. Et finalement, notre documentaire se retrouve distribué dans 30 pays. »

Sur une suite possible : « J’écris actuellement la suite, mais ce sera une fiction qui racontera ce qui pourrait se produire dans les vingt prochaines années, tout ça en m’inspirant de la révolution, de celle qui ne pourrait prendre la forme de ce que la France a déjà connu. Personne n’a envie du chaos et de la violence présentement. Y a un nouvel imaginaire de la révolution à construire, et je crois fermement que tout ça, c’est dans l’air du temps. Il faut proposer des solutions. On est prêt à passer à l’action. Il ne faut plus juste constater et déplorer, mais agir! »

Prévisions cannoises

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Café Society de Woody Allen.

Le Festival de Cannes s’est ouvert mercredi avec la présentation, hors compétition, du tout nouveau Woody Allen, Café Society, produit par Amazon. Cela dit, parlons maintenant compétition, celle regroupant cette année 21 longs métrages fort attendus. Alors que quelques chanceux comme Éric Moreault du Soleil et Marc-André Lussier de La Presse sont sur place pour assister à toutes ces premières mondiales, nous alimentant quotidiennement avec leurs commentaires éclairants sur les films présentés sur la Croisette, on peut jouer, de ce côté-ci de l’Atlantique, au gérant d’estrade et tenter de prédire les futurs lauréats de cette 69e édition.

Pour la Palme d’or, il faut définitivement regarder du côté des habitués du Festival, soit les chouchous des bonzes de l’événement, les frères Dardenne, avec La Fille inconnue, ou encore Pedro Almodóvar, le mal aimé du palmarès avec Julieta, et bien évidemment Xavier Dolan, l’enfant prodige, avec Juste la fin du monde. Il faut aussi ne pas mettre de côté la talentueuse Andrea Arnold, de retour à Cannes avec American Honey.

Pour le Grand Prix du jury, on devrait rester dans les mêmes eaux à moins qu’un cinéaste plus en marge nous réserve LA surprise du Festival comme Jeff Nichols avec Loving ou le Roumain Cristian Mungiu avec Baccalauréat. Le Prix du jury, de son côté, sera probablement remis à une œuvre the-neon-demonplus audacieuse, un film qui n’a pas rallié l’ensemble du jury présidé par George Miller, mais dont on aura beaucoup discuté lors des délibérations. Est-ce que l’audace d’un Alain Guiraudie, d’un Park Chan-Wook ou d’un Nicolas Winding Refn saura rallier les votes dans ce cas-ci? La question se pose.

Les prix d’interprétation masculine et féminine sont les plus difficiles à prédire sans avoir vu les œuvre sélectionnées. Asghar Farhadi a l’habitude de fort bien diriger ses interprètes, Almodóvar aussi, tout comme Andrea Arnold. Mais la distribution flamboyante du nouveau Dolan devra être suivie de près puisque qu’elle regroupe Vincent Cassel, Gaspard Ulliel, Léa Seydoux, Nathalie Baye et Marion Cotillard, cette dernière étant aussi à l’affiche de Mal de pierres de Nicole Garcia. Adèle Haenel au cœur de La Fille inconnue apparaît également comme favorite, sans oublier Isabelle Huppert au générique de Elle signé Paul Verhoeven. Dans Loving, l’Australien Joel Edgerton pourrait surprendre, lui qui était formidable dans l’étonnant The Gift, vu en 2015 et qu’il avait aussi réalisé.

Le Prix de la mise en scène sera probablement remis à un long métrage portant une signature forte, mais sans pour autant être très accessible. Personal Shopper d’Olivier Assayas, Paterson de Jim Jarmusch et The Neon Demon de Refn sont assurément de bons prétendants. Enfin, le Prix du scénario pourrait se retrouver entre les mains d’un réalisateur affirmé, mais mis de côté pour la Palme d’or ou le Grand Prix, pensons ici à Almodóvar ou encore à Ken Loach.

Bref, tout en surveillant les films qui seront présentés dans les trois autres sections du Festival de Cannes, on ne souhaitera qu’une chose, que la crème de tous ces longs métrages ne tarde pas à gagner nos écrans. On se laisse avec un extrait de Juste la fin du monde de Xavier Dolan, long métrage qui prendra l’affiche ici en septembre prochain.

Dix raisons d’aller au cinoche en mai

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Le mois de mai est arrivé et la saison estivale se pointe! Symboliquement du moins, ou plutôt cinématographiquement parlant, car la campagne de promotion des blockbusters, elle, est définitivement lancée! Chose fort étonnante, le cinéma québécois de fiction est totalement absent du paysage. AUCUN long métrage de fiction québécois ne prendra l’affiche, ni en mai, ni en juin. Il faudra attendre le 1er juillet pour voir débarquer dans nos salles Les 3 Petits Cochons 2 et la fin du mois d’août pour s’interroger sur la pertinence de voir Nitro 2 envahir quelques dizaines d’écrans. Passons outre ce phénomène de mauvaise répartition des sorties locales et regardons de plus près ce qu’il faudra découvrir au mois de mai, soit les dix films les plus inspirants et attrayants, à mes yeux du moins.

1- Maryland : Matthias Schoenaerts (De rouille et d’os) incarne un ex-militaire troublé par son expérience sur le terrain en Afghanistan. Engagé comme garde du corps de l’épouse d’un nabab, il sera appelé à défendre la vie de cette femme qui le fascine et devra faire face, du même coup, à ses démons intérieurs. Ce film d’ambiance, habilement réalisé par Alice Winocour, possède une bande-son efficace et omniprésente, créée par le musicien électro Gesaffelstein. La trame ajoute définitivement une couleur inquiétante à la psychologie du personnage principal. Date de sortie prévue le 6 mai.

2- La Loi du marché : Vincent Lindon incarne un chômeur désespéré qui se trouve un emploi de gardien de sécurité dans un magasin à grande surface et qui constatera la crise financière qui frappe autant certains 073359clients que ses confrères de travail. L’acteur y trouve l’un de ses plus beaux rôles en carrière. Un film aussi dur qu’essentiel. Date de sortie prévue le 13 mai.

3- Money Monster : George Clooney devient un gourou médiatique de la finance qui se fait prendre en otage durant son émission de télévision par un désespéré qui a tout perdu en suivant ses conseils. Réalisé par Jodie Foster et mettant aussi en scène Julia Roberts, ce long métrage s’attaque, avec une bonne dose d’ironie, au monde cruel et hypocrite de Wall Street et des médias. Date de sortie prévue le 13 mai.

4- Sing Street : John Carney (Once) nous offre une œuvre en partie biographique, ancrée dans les années 80, dans une Irlande tapissée par la musique pop qui envahissait les ondes radio de l’époque. Sorte de The Commitments pour ados, le film semble doté d’un charme nostalgique qui n’a d’égal que sa réjouissante  Sing_Street_posterbande sonore. Date de sortie prévue le 13 mai.

5- Green Room : L’auteur brillant de l’inattendu Blue Ruin, Jeremy Saulnier, est de retour avec un thriller violent se déroulant dans un bled du fin fond de l’Amérique, là où s’arrête un petit band de musiciens punk qui doit faire face à un gang de néonazis mené par l’inquiétant Patrick Stewart. Pour public averti. Date de sortie prévue le 27 mai.

6- X-Men : Apocalypse : J’aurais pu mettre dans la liste Captain America: Civil War dont la carrière en salle est déjà entamée outre-Atlantique, mais je suis certain qu’il n’arrivera pas à la cheville de l’excellente série de BD dont il s’inspire. Allons-y plutôt avec le nouveau chapitre des aventures des super mutants regroupant une brochette alléchante de personnages joués par des comédiens aussi charismatiques que Michael Fassbender, Oscar Isaac, et Jennifer Lawrence. De plus, avec Bryan Singer aux commandes, on est passablement rassurés. Date de sortie prévue le 27 mai.

7- Alice de l’autre côté du miroir : Johnny Depp et Mia Wasikowska sont de retour dans cette suite prise en charge par James Bobin, spécialiste des Muppets et des séries télé humoristiques. La bande-annonce des plus colorées ne dénature pas du tout le volet précédent, ni l’esprit et l’imaginaire de Lewis Carroll. On espère seulement que cette deuxième aventure égalera en émerveillement celle concoctée en 2010 par Tim Burton. Date de sortie prévue le 27 mai.

8- High Rise : La curiosité du mois, réalisée par le Britannique Ben Wheatley. On espère une sortie à Québec pour ce film marginal, satire sociale basée sur le roman I.G.H. de J.G. Ballard se déroulant dans un gratte-cielHigh-Rise-Movie et mettant en vedette Tom Hiddleston. La bande-annonce est conçu comme un trip de LSD. Date de sortie prévue le 27 mai.

9- Les Cowboys : Cette première réalisation du scénariste de Jacques Audiard, Thomas Bidegain, relate les déboires d’un père de famille, passionné de musique country, obsédé par la disparition de sa fille partie en cavale avec un djihadiste. Dans le rôle principal, François Damiens (La Famille Bélier) est tout simplement troublant. Date de sortie prévue le 27 mai.

10- A Bigger Splash : Un film qui met en vedette Ralph Fiennes, Tilda Swinton et Matthias Schoenaerts ne peut qu’avoir sa place dans cette liste. Réalisé par Luca Guadagnino, l’homme derrière le formidable I Am Love, le long métrage reprend librement la trame de La Piscine, film de 1969 mettant en vedette Alain Delon et Romy Schneider. François Ozon s’en était aussi inspiré pour Swimming Pool. Bref, A Bigger Splash réunit tous les ingrédients pour passer un bon moment de cinéma, chaud et humide, aux couleurs de la Méditerranée. Date de sortie prévue le 27 mai. Voici d’ailleurs la bande-annonce du film qui a pour titre Au bord de la piscine en version française.

 

 

S’offrir une salle de cinéma avec Panache

 

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Par Camille A-Leclerc

Peu de gens le savent, mais il est possible de réserver une salle de cinéma pour y voir le film de son choix grâce à un projet appelé Panache, une initiative récente et méconnue ici, mais très intéressante. Le projet est dirigé par Chantale Pagé, qui est aussi distributrice de films. La SODEC, voyant que le concept était déjà établi aux États-Unis, en France, aux Pays-Bas et en Angleterre notamment, a mandaté Chantale Pagé pour mettre sur pied ce projet, une première au Québec!

Mais qu’est-ce que le projet Panache? Comme Chantale Pagé l’explique si bien, il s’agit d’un concept qui permet à des particuliers d’organiser des projections de films dans un cinéma de leur région : « C’est principalement pour des individus qui ont envie de voir un film qu’ils ont manqué en salle ». Le processus est simple, les longs métrages sont sélectionnés en fonction de l’offre des distributeurs québécois qui acceptent de rendre leurs œuvres disponibles. Les films sont listés sur le site Web (http://panachecinema.ca) du projet. Une personne désirant organiser une projection entre en contact avec l’équipe de Panache et ces derniers font des démarches afin de réserver une salle dans le cinéma choisi, selon l’horaire qui lui convient. Dans certains cas, il est même possible d’obtenir une rencontre avec le réalisateur et les comédiens du film en question. Pour l’instant, le projet Panache n’a pas chorus_affiche_du_filmencore eu de demandes de la part des cinéphiles afin d’obtenir des extras tels qu’un service de traiteur ou un minibar, mais la porte-parole du projet mentionne qu’à la demande du client il est possible de répondre à plusieurs besoins personnalisés. De plus, il n’y a pas de frais d’administration, mais pour rendre possible le visionnement, la seule condition est de vendre au minimum 50 billets de cinéma. C’est le demandeur de la projection qui doit s’assurer que la vente des billets est complétée, sinon les démarches de location de la salle ne peuvent pas aller plus loin.

La créatrice de Panache nous confiait en entrevue que : « C’est un projet qui fonctionne particulièrement bien pour les documentaires ou les films d’auteur (Le Profil Amina, Chorus, Boris sans Béatrice, Fatima, etc.) ayant un sujet et un public précis ». Elle mentionne aussi qu’il s’agit d’un projet qui remédie au fait que la durée des films en salle est devenue très courte, parfois une ou deux semaines seulement. Il est donc souvent plus difficile pour un amateur de cinéma de visionner un film qui est à l’affiche uniquement pendant quelques jours.

De plus, dans certains cas, ceux qui font affaire avec Panache sont des épicuriens du cinéma qui ont vu qu’un film en particulier était à l’affiche à Toronto, par exemple, mais pas à Québec. Ils entrent donc en contact avec Panache afin de pouvoir visionner le long métrage en question qui n’avait jamais pris l’affiche dans leur région. Ce projet permet donc d’offrir à la population 489736l’opportunité de visionner des films plus rares. Il est important de noter que Panache fait déjà affaire avec une majorité de cinémas de la province dont le Cinéma Le Clap, le Cinéma Amos, le Cinéma Princesse Cowansville, le Cinéma Le Cube situé quant à lui à Gaspé. Pour l’instant, seuls les Cinéplex Odéon et les Cinémas Guzzo ne participent pas à l’aventure.

Même si Panache est à l’étape du projet pilote, les premières projections ayant été faites à Montréal l’été dernier, le bilan semble très positif : « Ça s’est vraiment bien passé et on s’est rendu compte qu’il fallait qu’on élargisse le réseau », précise Chantale Pagé qui ajoute aussi avoir reçu beaucoup de demandes de la part de la clientèle pour des projections à Rouyn-Noranda, Valleyfield, Victoriaville, Lachenaie, Drummondville, etc. Du côté de la ville de Québec, des projections ont déjà eu lieu au Cinéma Le Clap et au Cinéma Cartier.

Malgré l’engouement des grandes villes pour Panache, l’initiatrice de ce concept au Québec mentionne : « Le but, c’est vraiment d’augmenter la diffusion des films en région. Il y a quelque chose qui se passe plus naturellement à Montréal parce qu’il s’agit d’un bassin plus grand, mais le projet vise davantage l’extérieur des grands centres ». Pour le futur, Panache envisage de terminer la phase de projet pilote à la fin de ce mois-ci après avoir complété plus de 30 projections à la grandeur du Québec. La directrice du projet conclut : « Après ça, on va passer en mode financement pour la phase 2 : celle du lancement officiel de Panache ». Une chose est certaine, Panache est un projet séduisant et innovateur qui gagne à se faire connaître!

 

 

Coup d’oeil rapide sur Cannes.

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C’est maintenant fait, l’entière programmation cannoise de 2016 a été dévoilée. On connaît les titres qui composent les quatre sections de l’événement : la sélection officielle, Un certain regard, La Semaine de la critique, La Quinzaine des réalisateurs.

Les films intéressants sont légion, mais les surprises peu nombreuses tellement les spécialistes s’étaient avancés et avaient habilement spéculé sur les possibles sélections, la plupart des réalisateurs choisis au final étant des habitués, voire presque des incontournables du Festival. Seule Nicole Garcia avec Mal de pierres semble avoir déjoué quelque peu les pronostics.

Donc, que faudra-t-il surveiller à travers les œuvres d’Almodóvar (Monsieur Panama Papers), des frères Dardenne, de Paul Verhoeven et de Sean Penn?  Évidemment, partisanerie québécoise oblige, on sera attentif à l’accueil réservé aux nouveautés de Xavier Dolan (Juste la fin du monde), de Kim Nguyen (Two Lovers and a Bear) ainsi qu’au au court métrage de François Jaros (Oh What a Wonderful Feeling). Puis, on sera curieux de lire les commentaires sur Gimme Danger, le documentaire que Jim Jarmusch a réalisé sur le groupe rock poesie-sans-fin-242mythique The Stooges, sur le thriller Goksung du Sud-Coréen Na Hong-Jin et sur les films de vampires The Transfiguration de Michael O’Shea et The Neon Demon de Nicolas Winding Refn. Les actrices Chloë Sevigny  et Sandrine Kiberlain, à titres de réalisatrices, verront quant à elles leurs courts métrages présentés à la Semaine de la critique.

Enfin, la Quinzaine des réalisateurs se démarque par sa fort belle sélection. On y retrouvera notamment Neruda, le nouveau long métrage de Pablo Larrain se penchant sur la vie du poète chilien, La Poésie sans fin d’Alejandro Jodorowsky aujourd’hui âgé de 87 ans, l’adaptation d’un roman d’Edward Bunker, Dog Eat Dog, réalisée par Paul Schrader et mettant en vedette Nicolas Cage, et finalement le tout dernier film de la défunte cinéaste Solveig Anspach intitulé L’Effet aquatique.

Le Festival de Cannes se déroulera du 11 au 22 mai, avec en ouverture, la présentation de Café Society de Woody Allen. On se laisse avec la bande-annonce fort mystérieuse de The Neon Demon de Nicolas Winding Rein, film vampirique se déroulant dans le milieu de la mode.

En mode rural !

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Les Mauvaises Herbes de Louis Bélanger

 

Par Camille Arteau-Leclerc

Depuis quelque temps, une tendance s’est développée au sein des productions cinématographiques québécoises. L’urbanité des grandes villes est mise de côté au profit des tournages en milieu rural. De  nombreux films sortis récemment semblent prouver ce phénomène. L’exode des grandes villes a commencé à prendre de l’ampleur dans le cinéma québécois depuis le début des années 2010; des films comme La Chasse au Godard d’AbbittibbiLe Démantèlement et Ressac, tous sortis en 2013, sont caractérisés par leurs décors campagnards et le profond désir de dépeindre la vie en région. Présentement, on peut aussi observer cet élan rural dans plusieurs productions ayant pris à l’affiche depuis le début de l’année : Les Mauvaises Herbes, Boris sans Béatrice, La Démolition familiale ou encore Le Rang du lion pour n’en citer que quelques-uns. Cette tendance se poursuivra en avril avec les sorties de Avant les rues et de L’Origine des espèces, tout comme celles prévues pour l’automne avec Feuilles mortes et Desperado, tous deux  tournés dans la région de Québec.

De passage récemment dans la capitale pour la promotion de son film Les Mauvaises Herbes, le réalisateur Louis Bélanger mentionne : « Il y a eu, dans les années 80, beaucoup des films faits dans les lofts du Plateau-Mont-Royal. J’en avais un petit peu mon casque de ça », confirmant une tendance qui rendait plutôt homogène l’allure de notre cinéma. Bélanger n’en est d’ailleurs pas à son premier film dans un environnement campagnard. On peut supposer qu’il a une certaine affection pour les lieux reculés puisque ses films récents comme Route 132 et Timekeeper n’ont pas été tournés en ville. Dans son nouveau long métrage, la campagne est d’une importance capitale, car elle sert de cadre à une amitié improbable entre un vieil homme solitaire, un acteur endetté et une employée d’Hydro-Nord. La ruralité affecte donc positivement et impérativement les relations entre les personnages de son film.

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Boris sans Béatrice de Denis Côté

Boris sans Béatrice, de son côté, a été réalisé par Denis Côté, connu pour ses films Bestiaire et Vic + Flo ont vu un ours. Sa plus récente réalisation raconte l’histoire de Boris Malinowski qui, dans sa luxueuse maison de campagne, veille sur son épouse atteinte d’un mal étrange. Le personnage de Boris (joué par un James Hyndman trop rare au cinéma et formidable dans ce rôle) se voit forcer d’entamer une remise en question fort profonde de sa personnalité. Dans ce drame psychologique, la ruralité s’affiche comme étant un lieu de réflexion et de guérison très bourgeois, rappelant un peu la campagne que Denys Arcand avait illustrée dans Le Déclin de l’empire américain et plus récemment dans Le Règne de la beauté. La ruralité dans Boris sans Béatrice rime donc avec richesse et bien-être malgré la détresse que subissent les personnages principaux.

Même les documentaires n’échappent pas à ce désir d’explorer les régions. Dans La Démolition familiale, Patrick Damien nous transporte dans sa région natale : le comté de Bellechasse. On y fait la connaissance de Marika et Christopher, deux jeunes amateurs de derby de démolition automobile, une activité qui semble très prisée dans différents villages de la province. À travers la caméra de Damien, on observe l’influence rurale à son meilleur : les personnages, ayant tous un lien de sang ou presque, vivant en symbiose et partageant une rang-du-lionpassion commune : patenter la mécanique automobile et trafiquer les moteurs. Tourné en Estrie dans une maison de ferme isolée, Le Rang du lion de Stéphan Beaudoin,  de son côté, relate en fiction l’arrivée dans une petite secte d’un jeune couple en manque de repères. Le huis clos du récit a aidé à souder l’équipe pendant le tournage comme le souligne son réalisateur : « Ça a vraiment créé une cohésion, ça a tissé des liens et intensifié la dynamique entre les personnages ». Pendant les onze jours, les comédiens ainsi que l’équipe technique ont vécu ensemble jour et nuit sur les lieux du tournage, loin de la ville et de ses distractions, à l’image des personnages du film. Encore une fois, la campagne, omniprésente, est synonyme de rapprochement entre les membres d’une même communauté.

En bref, il faudra vérifier si cette tendance sera là pour durer même si, en 2016, l’urbanité est encore mise en valeur dans quelques-uns de nos longs métrages (Montréal la blanche, Nitro Rush). La campagne, elle, est porteuse de plusieurs significations, tant du côté familial, psychologique que social. Cette tendance de sortir des grandes villes joue inévitablement un rôle clé dans les relations entre les personnages, et même entre les acteurs, donnant une couleur locale et originale aux récits qui se retrouvent au grand écran!

Primeur Made In France

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Made in France de Nicolas Boukhrief

Beaucoup de films fort intéressants prennent l’affiche vendredi prochain dont le drame passionnel Mon roi de Maïween, mettant en vedette Vincent Cassel et Emmanuelle Bercot et aussi l’incontournable et troublant Made in France de Nicolas Boukhrief. Ce dernier film, abordant le terrorisme, sort sur nos écrans en grande primeur, dans le sens où en France, à la suite des attentats du 13 novembre dernier, on a préféré avec raison annuler sa sortie en salle (prévue cinq jours plus tard), laisser retomber la poussière et l’offrir en VSD (vidéo sur demande) uniquement.

De passage au Québec pour faire la promotion de son sixième « long » qu’il a coscénarisé avec Éric Besnard, le cinéaste Nicolas Boukhrief (Le Convoyeur) avoue ne pas avoir été déçu que Made in France ne prenne pas l’affiche dans les cinémas puisque la situation l’ordonnait. La décision fut rapidement prise et l’option du VSD s’est imposée d’elle-même, les exploitants de salle craignant avec raison l’idée même de projeter une œuvre sur un sujet aussi chaud. Porté par le talent de ses interprètes, Malik Zidi (Gouttes d’eau sur pierres brûlantes) et Dimitri Storage (le Patrick Esposito des Colocs dans Dédé, à travers les brumes) en tête, le récit se penche sur l’enquête d’un journaliste qui infiltre une petite cellule de djihadistes en banlieue de Paris.

Bien que Made in France soit une fiction, il apparaît aujourd’hui comme un long métrage prémonitoire, et ce, encore plus depuis les informations que les médias relaient sur l’enquête sur le réseau terroristes djihadistes en France et en Belgique. Le réalisateur voulait, avec ce film, nous démontrer que malheureusement les terroristes actuels subissent un embrigadement plus sectaire qu’idéologique. « Ces 4811101_6_c31a_affiche-du-film-made-in-france-de-nicolas_e2298f3bea2f6d90dc3fc20c8ced062fjeunes, ils se font laver le cerveau. Ils n’agissent pas de façon lucide pour une cause », de préciser Boukhrief qui a planché durant plusieurs années sur son scénario. « Le processus de création a été long, surtout qu’il fallait ensuite convaincre les gens du milieu du cinéma de l’importance du sujet, et inévitablement, ça faisait peur, mais aussi, étonnamment, pour certains, il y avait une indifférence face au terrorisme, comme si cet univers était trop exagéré, trop invraisemblable », de dire celui qui tenait à ce que son film soit à teneur populaire afin de rejoindre le plus de jeunes possible. « Heureusement, je n’ai jamais douté de la sincérité et de l’utilité du projet. D’ailleurs, plusieurs œuvres semblent suivre cette voie et aborder de différentes façons le terrorisme en France, mais ce qui distingue Made Ii France des autres, c’est qu’il est au coeur de la cellule terroriste, il ne raconte pas l’histoire des victimes, de ceux qui subissent, mais de ceux qui deviennent des kamikazes », ajoute-t-il.

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Nicolas Boukhrief, réalisateur

Le réalisateur espère que son film, dans l’absolu, puisse servir de sujet de réflexions chez les jeunes face à la propagande. En optant pour une approche qui relève du thriller, il croit pouvoir susciter la curiosité d’un jeune public peu friand de longs métrages trop intellectuels. Boukhrief tenait aussi à ce que son long métrage humanise ses personnages et s’éloigne des clichés d’usage souvent mis de l’avant dans les films d’action américains. En VSD, Made in France a eu du succès et a aussi rejoint beaucoup de jeunes à cause du piratage sur Internet. Les ventes à l’étranger vont aussi bon train et le Canada est le premier pays à le sortir en salle. Hélas, c’est un succès que l’équipe peut difficilement fêter, compte tenu du climat actuel de peur qui sévit en Europe.

Nicolas Boukhrief travaille présentement sur une nouvelle adaptation cinématographique du roman Léon Morin, prêtre (déjà adapté par Melville en 1961). Son film, relatant la relation entre une jeune veuve juive et un prêtre catholique durant l’Occupation, s’intitulera La Confession et mettra en vedette Romain Duris et Marine Vacht (Jeune et jolie de Ozon). Il prendra l’affiche « en salle » en 2017. D’ici là, sur grand écran, Made in France est à voir!